Ainsi Bercy devient nommément en charge de la « relance ». Pas une surprise, plutôt une évidence selon Christian De Boissieu.
Les sommes faramineuses alignées depuis mars par la BCE et les Etats de l’UE limitent mais n’empêchent pas la casse. En France, malgré les aides sectorielles (aéronautique, automobile, tourisme…) et les crédits bancaires garantis par l’Etat, malgré les reports ou annulations de charges, les faillites vont se multiplier. Le chômage va forcément monter, encore plus vite pour les jeunes avec la rentrée périlleuse qui les attend.
Après l’endiguement partiel du choc, la relance, qui vise à accélérer le rattrapage post-Covid et à recréer de la confiance et des anticipations favorables, le nœud de tout le reste.
Puisque la pandémie et le confinement ont engendré un double choc d’offre et de demande, la relance doit marcher sur les deux jambes. A la fois keynésienne et néoclassique. Du côté de la demande, il faut favoriser le retour de l’épargne forcée (due au confinement) et d’une partie des épargnes de précaution vers la consommation. Les facteurs de risque poussant à épargner vont pourtant rester prégnants : le risque chômage, le risque retraite, sans négliger le risque social. C’est par la généralisation des formules de participation et d’intéressement qu’il faut distribuer du pouvoir d’achat. Il faudra aussi dupliquer des mesures comme celles déjà annoncées en faveur des achats de voitures électriques et de la rénovation thermique des logements.
Du côté de l’offre, Bercy a à gérer le retour des stratégies industrielles, à fixer les ambitions mais aussi les bornes des politiques de relocalisation et de réindustrialisation. Sans négliger des mesures fiscales pour doper l’investissement et l’innovation. Relever la croissance potentielle pour améliorer la croissance effective. Imaginer aussi de nouveaux produits d’intermédiation financière, car il ne sera pas facile de pousser les épargnants à financer directement les entreprises en fonds propres.
Tant que le chômage va grimper, les sommes injectées ne viendront que partiellement alimenter la demande. La priorité de la fin 2020 est donc de le stabiliser. Pour les jeunes, le Cercle des économistes à l’occasion d’Aix-en-Seine a recommandé des engagements fermes de la part des entreprises et des financements publics conséquents.
La relance sera une fusée à trois étages : territorial, national et européen. A tous ces étages, il convient de faire de la lutte contre le changement climatique une condition centrale de l’accès à des incitations fiscales et autres financements publics. La validation d’une relance européenne de 750 milliards d’euros, s’ajoutant aux 540 milliards déjà actés, constitue l’enjeu du sommet des 17-18 juillet. Ce serait pour l’Europe un début décisif de mutualisation des dettes publiques. La France y trouvera aussi son compte.
La relance va inévitablement dégrader les finances publiques, comme l’a déjà fait la phase d’endiguement. Avec la bénédiction de l’Europe puisque le pacte de stabilité est « neutralisé » pour quelque temps.
Aujourd’hui, les taux proches de zéro et l’anticipation qu’une fraction importante des dettes publiques sera monétisée par la BCE calment un peu les angoisses. Dans la durée, la soutenabilité (ou non) des dettes, publiques et privées, se jouera sur l’écart entre taux d’intérêt et taux de croissance. On peut espérer que, grâce à la relance, le taux de croissance repassera assez vite bien au-dessus des taux d’intérêt, rendant la dynamique de l’endettement moins défavorable qu’il n’est souvent imaginé présentement.