Un accord a été signé entre le Royaume-Uni et l’Union européenne (Protocole de Windsor). Signé, mais pas encore voté à la Chambre des Communes, au Parlement d’Irlande du Nord (où des visions extrêmes vont s’exprimer) et au Parlement européen (où ce devrait être plus facile). Selon Jean-Paul Betbeze, pour les marchés financiers l’opération est faite, positive au moins pour l’Angleterre.
En effet, le Brexit qui devait ouvrir la voie à un Global Britain n’a pas tenu ses promesses. En prenant les chiffres de la BBC, la croissance du Royaume-Uni depuis fin 2009 jusqu’au troisième trimestre 2022 a été de -0,1%, à comparer au +0,3 de la France, au +0,2 de l’Allemagne et au +4 des Etats-Unis. Le regain de croissance qui devait venir des accords commerciaux hors Europe, malgré un nombre de 71, n’a pas été suffisant. Il est vrai qu’ils étaient, en majorité, une copie de ceux déjà signés avec l’Union Européenne et que les nouveaux pays étaient souvent plus petits et/ou plus éloignés (Australie ou Nouvelle Zélande par exemple). Dans ce contexte défavorable, la livre sterling a baissé, un peu par rapport à l’euro (de 0,6% sur un an) et bien plus par rapport au dollar (-19% depuis le 23 juin 2016, date du Référendum). Pas vraiment de croissance et une livre qui faiblit, l’inflation est donc arrivée. Elle est actuellement de 10,1%, ce qui pose des problèmes économiques et sociaux.
La méthode Sunak pour préserver la croissance
Pour soutenir la croissance, la solution des conservateurs est en général de baisser les impôts. C’est ce que voulait Liz Truss, avec une baisse de 45 milliards de livres, beaucoup sur les hauts revenus, afin de pousser à investir en Angleterre. Hélas, ses calculs étaient très faibles, non vérifiés et suscitèrent une bronca politique, mais surtout financière. Les rendements à 10 ans se mirent à grimper, forçant la Banque d’Angleterre à acheter en catastrophe des bons du Trésor pour éviter une crise des fonds de pension. Liz Truss part, et la leçon n’a pas été oubliée : non pas des baisses d’impôts mais plutôt celles des dépenses budgétaires, dans un cadre très contraint. Facile !
C’est ce qu’a compris le nouveau Premier ministre, Rishi Sunak : tout faire pour avoir plus de croissance, par l’extérieur. Heureusement le Gouverneur de la Banque d’Angleterre sera compréhensif : pas prêt à beaucoup augmenter ses taux, même s’ils sont seulement à 4%. Cette promesse permet aux taux longs de rester à 3,8%, ce qui est… très favorable.
L’immigration qualifiée pour combattre l’inflation
Le problème interne est donc l’inflation, avec un taux de chômage très faible à 3,7%. Le Royaume-Uni manque en fait de bras, on parle de 330 000 emplois selon certains Think Tanks, soit 1% environ de la population active. Mais ce 1% concerne l’hôtellerie, la restauration, les soins et l’enseignement public, souvent des emplois peu qualifiés. On peut donc penser qu’il y a un lien, au Royaume-Uni, entre l’inflation salariale et ce manque d’emplois, que l’immigration pourrait combler. C’est là l’autre problème majeur que doit résoudre le Premier ministre : non seulement chercher des marchés extérieurs, mais augmenter les salaires sans trop faire déraper le déficit budgétaire qui est déjà à 6,4% du PIB. En attirant des immigrés ? On entend plutôt qu’il faut faire venir des ingénieurs pour soutenir la City qui souffre de la concurrence de Paris, Dublin, Francfort et Amsterdam, mais quid des lacunes dans la santé et l’enseignement ? Des immigrés, ce n’est pas ce que souhaitaient les Britanniques qui ont voté Brexit ! Surtout, réduire les papiers et les normes n’ouvrira pas des marchés extérieurs si des problèmes de qualité se posent, sachant que les traders attendus à Londres ne suffiront sans doute pas à faire repartir la machine.
N’empêche, les marchés financiers saluent cette solution à double vitesse pour exporter des biens venant d’Angleterre : rapide pour l’Irlande du Nord, avec vérifications pour l’Irlande, alias le Grand Marché. Le plus compliqué suivra.