Les pays développés doivent mettre en place des partenariats utiles et adaptés, loin du prosélytisme de prescription qui caractérise encore l’aide qu’ils consentent, alors que leurs propres modes de croissance ont atteint leurs limites et ne peuvent plus servir d’exemples.
Il est commun d’osciller entre afro-optimisme et afro-pessimisme – qui domine à nouveau avec l’avalanche de chocs auxquels les pays africains sont confrontés depuis le COVID, la guerre en Ukraine, l’inflation des prix de l’énergie et de l’alimentation, les coups d’État, et maintenant la guerre entre Israël et le Hamas. Parler du « continent africain » est trompeur devant la diversité des tailles, situations et expériences. Surtout, optimisme et pessimisme ne guident ni la réflexion ni l’action, puisque chacun véhicule une version prédéterminée de l’avenir où l’action ne servirait finalement à rien. La question essentielle reste d’accompagner au mieux les pays africains dans le contexte actuel.
Il est urgent de penser l’économie bien davantage dans son interaction avec le facteur politique, national et international. Dans de nombreux pays africains, les ordres sociaux sont instables et immatures, la répartition des pouvoirs n’est pas fondée sur des institutions stables et faisant consensus, comme l’illustrent conflits, coups d’État et risques terroristes.
Divergences des croyances et valeurs
Au niveau international, l’exercice 2023 du World Values Survey (WVS), qui cherche à documenter les changements culturels, illustre la divergence persistante, parfois croissante, entre les croyances et valeurs ancrées dans les différentes régions du monde, qui influent sur les positionnements politiques des différents pays. Peut-être la convergence des valeurs finira-t-elle par se produire : cela n’est pas dans la dynamique actuelle. Entre temps, on ne peut qu’établir un socle de principes de base et accepter la reconnaissance mutuelle des différences, qui ne signifie pas l’indifférence.
Une autre dimension déterminante est la démographie. La population de l’Afrique subsaharienne, 1,152 milliard d’habitants en 2022, devrait dépasser 2 milliards entre 2045 et 2053 suivant les scénarios des Nations Unies. D’ici à 2100, la quasi-totalité de l’augmentation de la population mondiale proviendra de l’accroissement de la population d’Afrique subsaharienne. Cette dynamique démographique se retrouve dans la jeunesse de sa population : l’âge médian y est en 2022 de moins de 18 ans, à comparer à plus de 40 ans en Europe et Amérique du Nord. Sans perspectives suffisamment prometteuses, les jeunes se déplaceront ou se révolteront. C’est l’un des facteurs d’instabilité des ordres sociaux. Mais la jeunesse est aussi un atout pour définir et ancrer le développement futur.
Les Rencontres de Kigali
Les rencontres économiques de Kigali, les 27 et 28 novembre, fourniront un cadre d’échanges sur la façon dont les pays développés peuvent mettre en place des partenariats utiles et adaptés, loin du prosélytisme de prescription qui caractérise encore l’aide qu’ils consentent – alors que leurs propres modes de croissance ont atteint leurs limites et ne peuvent plus servir d’exemples. Ils ont au moins une triple responsabilité : maintenir un commerce ouvert favorisant l’insertion des pays africains dans la spécialisation mondiale ; apporter une réponse systémique aux besoins de financement et aux dérapages de la dette extérieure ; et accompagner les choix africains en accentuant le renforcement des capacités, l’assistance technique, le soutien à la recherche africaine. Les pays africains suivront leur propre trajectoire, souvent chaotique, alternance d’erreurs et de progressions : il n’y a pas d’alternative. Leur avenir est aussi le nôtre.