Pratiquement chaque semaine, les grands pays occidentaux annoncent des plans d’aide financière et en armement en faveur de l’Ukraine. Une fois dressé le bilan des moyens débloqués, Christian Saint-Etienne explique pourquoi, à ses yeux, les Etats-Unis seront les grands gagnants du conflit.
La Russie a envahi l’Ukraine le 24 février 2022, ce qui semblait inconcevable pour les Ukrainiens dont la moitié d’entre eux considéraient la Russie comme une mère nation dont la langue véhiculait une culture supérieure. Poutine pensait être accueilli en héros et conquérir sa cible en quelques jours. Il voulait éviter que l’Ukraine ne rejoigne l’Union européenne et l’OTAN, considérant que l’Ouest avait trahi la Russie, après 1991, en englobant les anciennes démocraties populaires dans l’UE et l’OTAN. L’absence de réaction après la capture de la Crimée lui a laissé penser que les démocraties ne réagiraient pas à son coup de force. Elles ont, au contraire, fortement réagi sous la conduite des Etats-Unis qui en ont profité pour remettre la main sur l’Europe, pour qu’elle ne tombe pas complètement sous la coupe de la Chine.
L’enjeu mondial de la guerre en Ukraine
Ces deux pays sont en effet engagés dans un conflit pour la domination du monde, un conflit classique entre une puissance ascendante (la Chine) et une puissance dominante (les Etats-Unis). Les Etats-Unis sont les premiers contributeurs à l’effort de guerre ukrainien car ils veulent affaiblir la Russie mais au risque de la pousser toujours plus dans les bras de la Chine, ce qui ne sert pas leurs intérêts de long terme dans leur conflit géostratégique avec ce dernier pays.
Contrairement aux attentes de Poutine, l’invasion russe a poussé les Ukrainiens à se rebeller, créant ou confortant un sentiment national qui existait depuis les années 1930 mais qui apparaissait fragile. Aujourd’hui, l’ensemble des Ukrainiens rejette l’intervention russe, la langue russe n’étant plus perçue comme celle d’une culture supérieure mais comme celle de l’envahisseur.
Les Américains et les Anglais sont les principaux fournisseurs d’aide militaire à l’Ukraine, pour un total qui dépassait 30 milliards d’euros à fin décembre 2022, contre 5 milliards d’euros pour l’Union européenne. En revanche, les aides humanitaires et financières américaine et anglaise atteignaient à cette date environ 35 milliards d’euros, soit le même montant que celui engagé par l’Union européenne. Il apparaît que le coût pour l’Europe de cette guerre résulte surtout de la hausse des dépenses d’importations d’énergie en 2022 qui est de l’ordre de 400 milliards d’euros, dont environ 50 milliards au bénéfice des exportateurs américains.
Les perdants et gagnants du conflit russo-ukrainien
Le PIB de l’Ukraine a vraisemblablement baissé de 35% en 2022, contre 2% pour le PIB de la Russie, tandis que les destructions d’infrastructures et de logements ukrainiens dépassent 150 milliards d’euros et pourraient atteindre le double ou le triple en 2023 selon le cours de la guerre. Le bilan global du conflit intègre le coût humain avec des pertes en morts et personnes gravement blessées qui dépassent vraisemblablement 150 000 soldats du côté russe, 120 000 soldats du côté ukrainien plus les pertes civiles dans ce dernier pays.
Les coûts directs et indirects du conflit sont donc colossaux pour les belligérants en pertes humaines, pour l’Ukraine et l’Union européenne en coûts économiques et financiers. Les Etats-Unis sont, à ce stade, les grands gagnants du conflit sur le double plan géostratégique et économique.