La montée du dollar semble, à court terme, difficilement résistible. Elle est alimentée par trois forces principales : le relèvement rapide des taux de la Fed, avec une banque centrale américaine très réactive face à l’inflation ; la fragilité énergétique de l’Europe et d’autres régions face à la suffisance énergétique des Etats-Unis ; le statut de valeur refuge du billet vert, qui joue à plein pour des raisons positives (la puissance américaine) mais aussi négatives (la pénurie de vraies autres valeurs refuges par les temps qui courent).
Avec un euro qui oscille autour de 0,97 dollar , la préférence des investisseurs pour la devise américaine n’est pas encore un problème pour nous. Certes, nous perdons du côté de l’inflation accentuée par le recul du change le peu que nous gagnons pour ce qui est de compétitivité prix. Mais, aux niveaux actuels, le taux de change de l’euro n’est pas inquiétant.
Nous sommes heureusement loin du contexte de l’automne 2000, où la monnaie européenne avait approché 0,85 dollar, nécessitant une intervention coordonnée (et réussie) des banques centrales du G7 pour faire remonter l’euro et reculer le dollar.
L’irrésistible ascension du dollar
A l’époque, l’intervention correspondait à un jeu gagnant-gagnant : les Américains voulaient retrouver de la compétitivité-prix, alors que les Européens désiraient lutter contre l’inflation importée. Pour l’instant, les Etats-Unis se satisfont d’un dollar surévalué, tandis que nombre de pays européens gèrent leur facture énergétique augmentée grâce au recul de l’euro par des boucliers tarifaires et autres subventions budgétaires.
L’ascension du dollar pose surtout problème aux pays émergents ou en développement. Les capitaux fuient massivement ces pays pour trouver rendement et sécurité à New York. Une inversion du sens souhaitable des flux de capitaux, qui intervient souvent en période de fortes tensions géopolitiques, mais qui plonge les pays du Sud dans des cercles vicieux (dépréciation subie du change inflation domestique accélérée-nouvelle dépréciation…), dans les affres du surendettement et dans une austérité mortifère.
L’inaction des institutions de gouvernance mondiale
Face à ce défi de nature systémique, que fait le FMI ? Que propose le G20 ? Force est de constater que le peu de gouvernance mondiale a régressé. Le G20 aux abonnés absents face au Covid-19. Paralysé devant le drame ukrainien. Le seul point d’attention au sommet du G20 de novembre est : Vladimir Poutine va-t-il y rencontrer Joe Biden ? Important certes, mais un peu court face à une économie mondiale au bord de la récession et une finance internationale en ébullition…
L’Afrique est spécialement exposée à cette fuite des capitaux vers le dollar . Les pays avancés devraient, pour soulager un peu le surendettement africain, respecter l’engagement de la COP21 pour des transferts Nord-Sud afin de financer une part de la transition écologique au Sud. Ils doivent aussi concrétiser l’accord sur la redistribution partielle de la récente allocation de droits de tirage spéciaux vers l’Afrique.
En fait, le seul domaine dans lequel la coopération économique internationale a montré depuis quarante ans quelque efficacité concerne la réglementation bancaire. Rien de notable au G7 et au G20 pour les taux de change, la coordination des politiques monétaires, budgétaires…
Surtout ne pas renoncer, mais espérer que des crises majeures actuelles pourraient naître un sursaut des pays avancés conduisant pour tout le monde à plus de prospérité partagée et à moins d’instabilité.