On espérait que les pays en développement seraient protégés du covid-19 par leur climat tropical et la jeunesse de leur population. C’est peut-être le cas pour les pays africains, si les mesures sont fiables, mas cela n’a pas suffi pour l’Equateur, le Brésil ou le Pérou, durement frappés. Les pays relativement épargnés par la pandémie vont en sentir néanmoins les effets économiques. A court terme, le confinement a privé les travailleurs informels qui constituent la majorité de la main d’œuvre, de toute source de revenu.
En l’absence de filet social, 50 millions de personnes dans le monde risquent de se retrouver sous le seuil de pauvreté. La crise du covid est une catastrophe qui remet en cause la réduction de la pauvreté à l’œuvre depuis un quart de siècle.
La crise du covid diffère de la crise de 2009 car cette fois, tous les moteurs économiques mondiaux sont touchés. Cette rupture frappe directement certains pays qui ont misé leur stratégie de développement sur la sous-traitance, comme le Bangladesh. Elle frappe aussi de nombreux pays africains qui sont restés à l’écart des chaînes de valeur internationales mais sont dépendants des exportations de matières premières et surtout, des importations pour leur alimentation. En outre, les ménages voient se tarir les transferts envoyés par les membres émigrés de leur famille, des flux importants à l’échelle d’un pays. Tous les ingrédients d’une crise de la dette sont réunis.
La réponse de la communauté internationale consiste à desserrer la contrainte financière des pays en développement par des interventions d’urgence du FMI et de la Banque Mondiale et en instaurant un moratoire sur les remboursements des intérêts de la dette publique extérieure pour les pays les plus pauvres. Ce ne sera sans doute pas suffisant car le covid frappe aussi les pays émergents dont la dette est surtout privée. Aussi, des économistes comme Patrick Bolton ou Pierre-Olivier Gourinchas plaident pour la création d’un fonds placé auprès de la Banque mondiale qui rassemblerait les intérêts de la dette publique et privée des pays en développement et distribuerait du crédit pour la reconstruction post-covid.
Quelles mesures prendre ? Certains pays ont recours au protectionnisme, fermant les frontières pour limiter la propagation du virus, non seulement aux personnes mais aussi aux biens. Le Cameroun ou l’Egypte ont ainsi banni l’importation de produits alimentaires chinois. Le Vietnam, 3e exportateur mondial de riz, a instauré un quota sur les exportations de cette denrée. Mais c’est confondre sécurité et autosuffisance alimentaire : la sécurité alimentaire repose plutôt sur la diversification des sources pour se prémunir contre un choc local.
Au contraire, la crise du covid pourrait être l’occasion d’un nouveau départ : en matière de commerce, faciliter les échanges transfrontaliers par l’application réelle des accords régionaux, en harmonisant les régulations entre pays voisins et en réduisant les contrôles tatillons ; instaurer un filet de sécurité pour les plus pauvres sous forme d’un revenu minimum de base (à 2 euros par jour) ; et remettre la priorité sur des interventions low-tech mais cruciales : avant même internet, avoir de l’eau propre pour se laver les mains, un rêve hors de portée pour 4 personnes sur 10 dans le monde.