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Etats-Unis vs Union Européenne : et un, et deux, et trois zéro !

En annonçant un renforcement des droits de douanes sur les produits importés aux Etats-Unis, le président américain, Donald Trump, relance la guerre commerciale avec le reste du monde. Entre croissance économique et tenue des marchés financiers, Valérie Mignon explique pourquoi les Etats-Unis ont plus qu’une longueur d’avance sur l’Europe en termes de productivité 

Dans le match qui les oppose à l’Union européenne (UE), les États-Unis s’imposent trois à zéro en matière de croissance économique, performance sur les marchés financiers et productivité. Depuis 2002, la progression des gains de productivité est ainsi plus de quatre fois supérieure outre-Atlantique qu’en zone euro, se traduisant par une croissance nettement plus faible en Europe comparativement aux États-Unis. Comment expliquer une telle situation et, surtout, la dynamique du décrochage européen à l’œuvre depuis plusieurs décennies ?

Au-delà de facteurs conjoncturels tel l’alourdissement de la facture énergétique européenne, plusieurs raisons structurelles expliquent le creusement de l’écart de productivité entre les États-Unis et l’UE, au premier rang desquelles figure le retard massif de cette dernière en termes d’investissement dans les technologies du numérique.

Comme le souligne le rapport Draghi publié en septembre 2024, « si l’on exclut le secteur technologique, la croissance de la productivité de l’UE au cours des vingt dernières années serait largement comparable à celle des États-Unis ». Le différentiel grandissant des gains de productivité entre les deux côtés de l’Atlantique illustre ainsi le manque d’investissement chronique de l’Europe dans les technologies numériques de rupture, moteur de la croissance à venir. Alors que les États-Unis investissent environ 5,5 % de leur PIB dans les nouvelles technologies en 2023, cette part s’élève seulement à 3,2 % en zone euro.

Ce retard européen criant dans les technologies du numérique découle notamment d’un effort insuffisant de l’UE en matière de dépenses en R&D, ces dernières représentant environ 3,5 % du PIB aux États-Unis contre 2,3 % dans la zone euro en 2022. Un tel écart ralentit inévitablement l’émergence – et donc l’adoption – de nouvelles technologies, élément clé du décrochage européen et du renforcement de la compétitivité des entreprises états-uniennes. De façon corrélée, le niveau d’éducation supérieure, nettement plus élevé outre-Atlantique, et l’insuffisance des moyens alloués en la matière sont également des arguments cruciaux pour expliquer le retard accusé par l’Europe. L’exemple de la France, avec l’annonce d’une réduction massive d’un milliard d’euros du budget consacré à l’enseignement supérieur et la recherche en 2025 comparativement à 2024 n’est malheureusement pas de nature à renverser la tendance…

Du côté des entreprises, il est à souligner le rôle non négligeable joué par les marchés financiers qui facilitent et accélèrent le financement de projets innovants et à forte valeur ajoutée outre-Atlantique. Avec une capitalisation boursière en pourcentage du PIB de plus d’un tiers inférieure en Europe qu’aux États-Unis et l’absence de véritable marché boursier intégré, les entreprises européennes innovantes ont un accès plus limité aux financements que leurs homologues états-uniennes, devant faire majoritairement appel aux banques qui peuvent être réticentes à financer des projets risqués.

Au total, le manque d’investissement en R&D, dans les nouvelles technologies et, de façon liée, dans l’éducation, apparaît comme le facteur déterminant du décrochage européen. Si elle veut rattraper son retard, l’Europe doit donc soutenir ces secteurs et accélérer l’intégration de l’intelligence artificielle (IA) dans ses entreprises – à l’instar des initiatives AI Gigafactories et Apply AI –, d’autant plus qu’ « un secteur technologique faible entravera les performances en matière d’innovation dans un large éventail de domaines adjacents tels que la pharmacie, l’énergie, les matériaux et la défense » (rapport Draghi). Il est à espérer que l’annonce, le 12 février 2025, d’Ursula von der Leyen de 200 milliards d’euros d’investissement dans l’IA permettra à l’UE de se frayer un chemin dans la guerre technologique, même si l’on ne peut s’empêcher de mettre ce montant en regard des 500 milliards de dollars annoncés quelques jours auparavant par Trump.

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