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Faire renaître l’espoir européen

L’invasion russe en Ukraine a été une prise de conscience brutale pour les gouvernements et les citoyens européens. Malgré une réponse rapide et coordonnée, l’Union européenne doit encore faire face à des divergences profondes entre les États membres sur la façon de travailler avec les alliés et l’OTAN, les relations futures avec Washington et Pékin ou sur son élargissement à l’Ukraine.

Dans sa note, Steven Erlanger présente un bilan en demi-teinte de la politique énergétique et de défense de l’Union européenne. Si des progrès significatifs ont été accomplis par une administration qui fonctionne bien – notamment la Commission – dans la conservation de l’énergie et le sevrage énergétique vis-à-vis de la Russie, l’Europe a créé de nouvelles dépendances énergétiques… et renforcé sa dépendance militaire envers les États-Unis.

Une fois ce cadre posé, l’auteur propose un ensemble de pistes pour croire de nouveau en l’Europe. Selon lui, réduire le déficit démocratique doit être une priorité, ce qui passerait notamment par l’élection du président de la Commission au suffrage universel direct. Les compétences de l’Union devraient également être clarifiées, en améliorant l’action dans les domaines d’attribution plutôt que de chercher à en acquérir de nouveaux. Enfin, le correspondant diplomatique en chef en Europe pour le New York Times appelle à plus de lucidité quant à la politique européenne, notamment sa politique étrangère européenne et le fantasme d’une armée européenne. Une manière d’éviter les espoirs déçus.


L’Europe face à la guerre

BRUXELLES – Jean Monnet, l’un des fondateurs de l’Union européenne, a écrit dans ses mémoires que « l’Europe se forgera dans les crises et sera la somme des solutions adoptées pour ces crises. »

La guerre en Ukraine n’est que la dernière crise en date à déconcerter l’Europe et à lui faire perdre ses illusions. Le retour d’une guerre territoriale à grande échelle, sans précédent en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale, a modifié l’Union européenne et l’OTAN, tant dans leur présent que dans leur avenir, avec des conséquences encore floues.

Mais il existe d’importantes raisons d’être optimiste, même si des désaccords persistent sur la manière de définir l’issue de la guerre ou même sur la gravité de la menace posée par une Russie néo-impérialiste et néo-fasciste.

L’Union européenne et l’OTAN ont bien réagi et restent unies, du moins en apparence. L’Europe (et la Grande-Bretagne, ne l’oublions pas) a produit plus que des déclarations de solidarité passe-partout : dix séries de sanctions économiques contre la Russie, un accueil généreux des femmes et des enfants ukrainiens réfugiés et d’importantes livraisons d’aide financière et militaire à Kiev.

L’Europe a pris des mesures pour réduire son énorme dépendance à l’égard de la Russie en matière d’énergie, en particulier de gaz naturel, et elle a réussi jusqu’à présent à faire face aux pressions politiques découlant d’une explosion inévitable des prix de l’énergie et des denrées alimentaires et de l’inflation qui en résulterait. Et l’OTAN, avec ses membres très majoritairement européens – 22 des 31 pays de l’OTAN appartiennent également à l’Union européenne à 27 membres, et bientôt, avec la Suède, 23 sur 27 – est passée brusquement d’une politique de « dissuasion par la punition » à une politique de « dissuasion par le déni ». Travaillant uniquement par consensus, l’OTAN place beaucoup plus de troupes compétentes sur la ligne de front avec la Russie, élargit ses forces de réaction rapide et assigne des zones d’opération spécifiques à des armées particulières en cas de conflit, plutôt que de rester en retrait et de s’appuyer uniquement sur le parapluie nucléaire américain.

Une réponse européenne à la hauteur

Le choc de l’invasion russe en Ukraine a été à la fois une source d’embarras et une prise de conscience pour les gouvernements et les citoyens européens, qui s’étaient montrés dangereusement complaisants dans les « trente glorieuses » qui ont suivi l’effondrement de l’Union soviétique. Mais si l’alarme ne sonne plus aussi fort, même des pays sceptiques comme la France et l’Allemagne se rendent compte aujourd’hui qu’il n’y aura pas de retour rapide aux relations passées avec la Russie. Et ils commencent à comprendre que le discours de Poutine sur une guerre défensive pour la civilisation russe contre un Occident expansionniste lui survivra.

Les dépenses militaires continueront donc d’augmenter, les 2 % du PIB devenant un plancher et non un plafond ; les industries de défense européennes seront stimulées par d’importants contrats à long terme ; les armées européennes gagneront en taille et en sophistication ; et les dirigeants de l’OTAN n’auront plus à faire preuve d’imagination pour justifier leur existence. Nous pouvons mettre fin à la vieille plaisanterie selon laquelle si l’OTAN est la réponse, quelle est la question ? Poutine a apporté la réponse.

Et l’aspiration de longue date d’un véritable « pilier européen » au sein de l’OTAN, capable de gérer au moins une petite guerre conventionnelle sur le sol européen, pourrait enfin se concrétiser. Peut-être.

Il est incontestable que « l’Union européenne a réagi plus rapidement et de manière plus unie que d’autres ne l’auraient pensé », a déclaré Fabian Zuleeg, directeur général de l’European Policy Center, un institut de recherche bruxellois. Elle a été aidée par le discret leadership américain, a-t-il ajouté. Mais la grande réussite de l’Europe a été sa capacité à rassembler un ensemble très diversifié de pays aux politiques très différentes et à décider malgré tout de coopérer, de comprendre que cette guerre d’agression ne concerne pas seulement l’Ukraine, mais aussi l’avenir de la démocratie libérale et de la sécurité mondiale.

Mais « maintenant vient le grand défi, les changements structurels sous-jacents que nous devons faire », a déclaré M. Zuleeg, énumérant les différences persistantes entre les États membres sur l’élargissement, la façon de travailler avec les alliés et l’OTAN, les relations futures avec Washington et Pékin – sans parler de l’avenir de l’Ukraine elle-même, qui s’est vu promettre l’adhésion à la fois à l’Union européenne et à l’OTAN à un moment indéterminé dans l’avenir.

La question de l’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne et l’attitude vis-à-vis de la Russie divisent l’Europe

En fait, l’Europe est divisée sur la manière dont la guerre doit se terminer. Les pays d’Europe centrale et orientale, qui se souviennent de l’occupation soviétique, veulent que la Russie soit vaincue et chassée de l’ensemble du territoire souverain de l’Ukraine, y compris la Crimée, que la Russie a annexée en 2014. Ils affirment que la guerre a souligné la nécessité de l’OTAN et de l’alliance transatlantique, ainsi que la primauté des États-Unis en tant que garants ultimes de la liberté et de la sécurité de l’Europe.

Les pays de ce que l’ancien secrétaire à la défense Donald Rumsfeld appelait la « vieille Europe » – notamment la France, l’Allemagne, l’Italie, la Belgique et l’Espagne – soutiennent l’Ukraine mais sont inquiets des coûts à venir. Ils ne s’attendent pas à ce que l’Ukraine reprenne la Crimée, voient l’inévitabilité d’une solution négociée et la durabilité de la Russie en tant que voisin dont les propres insécurités doivent être apaisées d’une manière ou d’une autre pour une paix durable. Alors que la nouvelle Europe considère que la sécurité est « contre la Russie », la vieille Europe, dont Emmanuel Macron, le président français, est le meilleur porte-parole, considère toujours que la sécurité est « avec la Russie ».

Le dilemme reste toutefois hypothétique, puisque Poutine n’a montré aucun intérêt pour un compromis ou des pourparlers de paix sérieux, du moins jusqu’à présent.

« Il est étonnant que les Européens soient restés unis jusqu’à présent, a déclaré Charles Grant, directeur du Center for European Reform, mais il est à craindre qu’en raison de la stagflation, des prix élevés de l’énergie, de l’immigration et des déficits, les populistes exploitent les divisions et poussent l’Ukraine à conclure une paix rapide. Au fur et à mesure que la guerre se poursuit, les divisions dans ces deux camps s’aggraveront. »

Il y aura également de vifs débats sur les obligations que l’Union européenne a contractées à l’égard de l’Ukraine en faisant de ce pays un candidat à l’adhésion, sans parler de ce que l’adhésion de l’Ukraine signifierait pour le budget européen, le Fonds agricole commun et le Parlement. Presque tous les bénéficiaires nets deviendront des contributeurs nets.

Mais d’un point de vue positif, les rigueurs de l’adhésion contribueront à garantir que les fonds destinés à la reconstruction de l’Ukraine seront dépensés de manière plus efficace, sans doute avec moins de risques de corruption. Et les entreprises européennes – notamment les fabricants d’armes – profiteront de l’énorme travail de reconstruction de l’Ukraine.

Union européenne ou OTAN, quelle organisation sortira la plus renforcée de la guerre ?

Nathalie Tocci, directrice de l’Institut des affaires internationales à Rome, pense que le verre de l’Europe est à moitié plein. Du côté positif, l’Europe a fait des progrès significatifs en matière de conservation de l’énergie et a commencé à se sevrer de l’énergie russe, en particulier du gaz naturel. Bruxelles a essayé de coordonner le stockage de l’énergie, a mis en place un plafond sur les prix du gaz (bien qu’il soit trop élevé pour avoir de l’importance) et a entamé des discussions sur le découplage des marchés de l’électricité et du gaz.

Pourtant, les flux de gaz russe sont restés largement intacts jusqu’en juin et se sont poursuivis par la suite en quantités moindres, y compris les fournitures russes de gazoduc et de gaz naturel liquéfié (GNL), et la valeur des importations en provenance de Russie a grimpé en flèche, finançant le Kremlin pour l’instant. Et la Russie, tirant les leçons de l’Iran et de la Corée du Nord, s’est montrée habile à échapper aux sanctions.

Selon les estimations, l’Europe a réduit sa consommation de gaz de près d’un quart en 2022, mais la majeure partie de cette réduction provient d’entreprises qui ont arrêté leur production. L’Allemagne, qui recevait plus de la moitié de son gaz de Russie en 2021, n’en reçoit plus du tout aujourd’hui. L’Europe dans son ensemble, qui recevait 46 % de son gaz de Russie en 2021, y compris le GNL, n’en reçoit plus que 24 % en 2022 et, à la fin de l’année, ce chiffre était encore plus bas, a déclaré Giovanni Sgaravatti de Bruegel, un groupe de réflexion économique bruxellois.

L’Allemagne a ainsi débloqué 200 milliards d’euros sur deux ans, soit le double du montant déclaré en fanfare pour les dépenses militaires sur une période de quatre ans, ce qui a suscité des plaintes de la part des États les plus pauvres et les moins prudents. Mais combien de temps encore les gouvernements pourront-ils se permettre de telles subventions, surtout avec des niveaux d’endettement déjà élevés en raison de la gestion de la pandémie de Covid-19 ?

L’Europe devra désormais compter sur des sources d’énergie non russes, en particulier sur le GNL provenant de pays comme le Qatar et les États-Unis, mais cela créera de nouvelles dépendances, notamment vis-à-vis de Washington, a déclaré Robin Niblett, ancien directeur de Chatham House. Si l’on ajoute à cela la nécessité pour l’Europe de « se tourner résolument vers les États-Unis pour garantir sa sécurité » face à la volonté de la Russie de redoubler d’efforts sur le plan militaire pour tenter de réécrire l’ordre sécuritaire européen, M. Niblett a déclaré que « l’Union européenne a donc abandonné l’idée d’une autonomie stratégique européenne en tant que projet parallèle à l’OTAN et indépendant de cette organisation. »

Les institutions européennes fonctionnent bien, en particulier la Commission, la bureaucratie exécutive de l’Union, qui a su transformer des agences existantes, comme la Facilité européenne pour la paix, en mécanisme de financement de l’aide militaire à l’Ukraine, pour atteindre un total de 5,6 milliards d’euros. Elle a également utilisé des ressources communes, quelque 300 milliards d’euros provenant de son fonds de relance Covid, pour accélérer la transition vers les énergies renouvelables.

Mais les dirigeants européens sont moins unis lorsqu’il s’agit de renforcer les capacités de défense de l’Europe. Les Européens ont pris les « dividendes de la paix » avec une telle insouciance qu’à l’OTAN, les armées européennes sont appelées « armées de bonsaïs », en référence aux arbres minuscules. Bien qu’elle prenne la défense et l’approvisionnement plus au sérieux, l’Europe s’est fragmentée au lieu de s’unir, achetant ce qui était disponible pour reconstituer les stocks d’armes initialement réduits, y compris les F-35 américains, plutôt que d’attendre des solutions de rechange européennes. « Ils ont acheté à la Corée du Sud, à Israël et aux États-Unis, et non à l’Europe, a déclaré Mme Tocci, et cela conduit l’Europe à être moins capable en matière de défense et plus dépendante des États-Unis. »

Quant à l’OTAN, la guerre en Ukraine l’a « sauvée, a transformé son statut et a assuré sa pertinence » après quatre années de confusion sous le président Trump et la sortie chaotique de l’Afghanistan, a déclaré Leslie Vinjamuri, directrice du programme sur les États-Unis et les Amériques à Chatham House.

L’OTAN, avec un leadership américain fort, est passée d’une institution de l’après-guerre froide à la recherche d’un but (à un moment donné, comme l’a dit M. Macron, « proche de la mort cérébrale »), à une alliance militaire désespérément nécessaire pour protéger ses membres européens d’une menace imminente pour leur souveraineté et leur sécurité.

La Finlande et la Suède ont rapidement compris que la seule véritable garantie de sécurité est désormais l’adhésion à l’OTAN, et non Bruxelles. Ces deux pays renforceront considérablement l’OTAN, porteront un coup stratégique et politique important à M. Poutine et faciliteront l’alignement sur une Union européenne qui s’est vu rappeler avec force sa dépendance militaire à l’égard de Washington.

Surmonter les nombreux défis à l’horizon

Mais des défis majeurs se profilent à l’horizon, avec des questions sérieuses étouffées au nom de l’unité transatlantique et de la solidarité avec l’Ukraine.

Malgré la promesse d’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne et à l’OTAN, aucune offre réaliste n’a été faite pour l’instant, et la question complexe des futures garanties de sécurité pour l’Ukraine a été laissée en suspens alors que les combats se poursuivent. La manière dont la guerre prendra fin, dont l’Ukraine sera protégée et par qui, dont elle sera reconstruite et par qui et avec quel argent, aura des conséquences majeures pour les deux institutions.

Il y a aussi la montée imminente de la Chine et ce qu’elle signifie pour la sécurité, la cohésion et la prospérité transatlantiques.

« Il y a très peu de réflexions stratégiques à long terme à Bruxelles », a déclaré M. Zuleeg du European Policy Center. « Nous ne pouvons pas être catégoriques sur les résultats, mais nous devons commencer à élaborer des scénarios possibles. »

Voici donc quelques « propositions modestes » visant à accroître les chances de voir se concrétiser les espoirs d’une Union européenne plus forte.

Démocratie, diplomatie et défense : pour une Europe puissante mais réaliste

Tout d’abord, le déficit démocratique de l’Union européenne doit être réduit et sa visibilité améliorée avant qu’un véritable changement structurel puisse avoir lieu dans une Union terrifiée à l’idée de risquer une modification du traité. La participation électorale diminue à chaque élection du Parlement européen, et peu d’Européens peuvent identifier leur député européen, sans parler de leur groupe de partis.

Je pense que le président de la Commission devrait être directement élu par les électeurs européens lorsqu’ils votent pour le Parlement européen. Les candidats principaux des groupes politiques européens – les Spitzencandidaten – seraient des prétendants légitimes à la fonction, et pas seulement des boucs émissaires ridicules mis de côté au gré des caprices des dirigeants du Conseil européen. La campagne créerait également une véritable politique et même une certaine effervescence autour des partis européens.

Une élection directe pourrait même inciter des hommes politiques sérieusement compétents et expérimentés à se présenter aux élections européennes. Comme Joschka Fischer me l’a dit un jour, lorsque je lui ai demandé s’il avait déjà eu de telles ambitions : « Pourquoi jouer en deuxième division quand on joue en Bundesliga ? » Ou encore la célèbre réplique de la série télévisée Borgen : « A Bruxelles, personne ne peut vous entendre crier. »

Deuxièmement, il faut cesser de prétendre qu’il existe une politique étrangère européenne sur toutes les questions, sauf les moins importantes et les plus banales. Les pays membres gèrent leur propre politique étrangère et ne céderont jamais leur souveraineté en matière de défense ou d’affaires étrangères. La politique du plus petit dénominateur commun n’est pas une politique du tout.

Le Service européen pour l’action extérieure compte plus de 4 000 employés. Honnêtement, que font-ils tous ? Quel est l’impact de leur travail ? Comme l’a demandé un jour Stefan Lehne, un ancien diplomate autrichien qui travaille aujourd’hui pour Carnegie Europe : « Lorsque Josep Borrell Fontelles, l’actuel haut représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, prend la parole, parle-t-il vraiment pour quelqu’un d’autre que lui-même ? »

En termes de défense, il existe des missions européennes importantes, bien que mineures, comme la lutte contre la piraterie. Mais les Européens devraient renoncer au fantasme d’une armée européenne. Il n’y a pas de volonté d’en avoir une, et il n’y a pas de structure politique qui pourrait en commander une avec une légitimité démocratique. Et je n’ai pas encore trouvé dans les États membres plus de quelques personnes prêtes à mourir pour l’Union européenne plutôt que pour leur nation.

Des améliorations sont néanmoins possibles. Une meilleure intégration des forces existantes, bien sûr. Plus d’efficacité dans les dépenses, afin que chaque pays ne dispose pas d’une version médiocre des mêmes capacités. Une plus grande standardisation des équipements et surtout des munitions. Un effort sérieux pour améliorer la mobilité militaire en cas d’urgence, un objectif que l’OTAN ne peut atteindre sans la participation des gouvernements européens. Une académie de défense européenne, pourquoi pas ?

Mais cessons de prétendre, après la Libye et l’Ukraine, qu’il existe une alternative européenne à l’OTAN ou même au parapluie nucléaire américain.

Troisièmement, l’Union européenne devrait se concentrer sur l’amélioration de ce qu’elle fait actuellement et cesser de chercher de nouveaux domaines dans lesquels échouer. Ursula von der Leyen considère le programme de vaccination Covid-19 comme un grand succès dans un nouveau domaine pour Bruxelles. Mais en réalité, il était lent, inefficace, motivé par l’idéologie et, avant qu’il ne démarre, de nombreux Européens sont morts. Luuk van Middelaar a expliqué ce tableau très contrasté dans son excellent petit livre, « Pandemonium : Sauver l’Europe ».

Il en va de même pour l’achat de munitions pour l’Ukraine et les États membres. L’achat en gros est une bonne idée, mais il faut laisser les États individuels se regrouper pour le faire. Donner à l’Ukraine des fonds pour acheter directement ses propres munitions, puisque son armée sait bien mieux que la Commission ce dont elle a besoin et ce qui fonctionne le mieux, sans le fardeau supplémentaire d’une bureaucratie européenne.

La réaffectation complète de l’étrange « Facilité européenne pour la paix » pour rembourser les États membres qui envoient des armes à l’Ukraine était une bonne idée, un moyen de répondre de manière plus urgente à la guerre et d’instrumentaliser une institution existante mais mal considérée. Mais il ne faut pas en faire un modèle. La PESCO est également une bonne idée, mais il est organisé de manière à limiter la concurrence des alliés non européens de l’OTAN, comme les États-Unis et le Canada, ce qui en fait davantage un instrument de politique industrielle que de coopération en matière de défense.

Pourquoi ne pas plutôt réparer enfin le marché unique ? Achever l’union bancaire ? S’assurer que l’euro est imprenable, avec les institutions financières adéquates pour le soutenir ? Négocier une politique d’asile commune qui soit équitable pour des pays comme l’Italie ? Améliorer et mieux gérer Frontex ?

Ce ne sont pas des rêves irréalisables. Et ils nécessiteront davantage de fonds – qu’il en soit ainsi. À l’heure actuelle, avec environ 1 % du PIB européen, le budget insignifiant de l’UE est la meilleure indication que les ambitions de l’Union ne sont pas partagées là où cela compte, c’est-à-dire dans les États membres.

Il faut que le financement soit à la hauteur de l’ambition. C’est ainsi que l’on pourra, plus que toute autre chose, « recréer les espoirs ».

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