Espoirs déçus.
De part et d’autre de l’Atlantique, les promesses formulées par les populistes américains et britanniques s’envolent déjà. « Une bonne partie de la presse internationale souligne l’importance de la victoire d’Emmanuel Macron dans un contexte où, jusqu’au second tour de l’élection présidentielle en France, les forces populistes, poussant pour la fermeture des frontières et tenant des propos anti-immigration ou racistes, tenaient le haut du pavé », estime Hélène Rey. Selon l’économiste, qui vient d’être couronnée du Prix Maurice Allais de Science économique 2017, les précédents historiques de l’ascension de leaders fascistes après la Grande Dépression des années 1930 laissaient présager le pire. « D’un point de vue économique, les années 1930 sont en effet l’épisode qui présente le plus de similarités avec la période que nous traversons depuis 2008. Bas, en France, l’érosion de la démocratie en Hongrie et en Pologne, la belligérance de la Russie et ses velléités de saper le fonctionnement des démocraties libérales ne sont pas rassurantes ».
Etats-Unis, premières trahisons des promesses de campagne.
Hélène Rey estime que « la marée est peut-être en train de refluer. Peut-être sommes-nous en train d’entrer dans un monde où la réalité retrouvera peu à peu ses droits, et le charlatanisme économique des partisans du Brexit, de Trump ou de Le Pen, sera enfin exposé au grand jour ». Et l’économiste d’illustrer son propos avec le cas américain : « les républicains avaient juré de rénover l’Obamacare et de rendre l’assurance-santé plus abordable tout en préservant la couverture des millions d’Américains qui avaient enfin pu accéder aux soins. Or, toutes les caractéristiques du Trumpcare vont dans la direction opposée : si cette proposition devient loi, les coûts vont se renchérir pour les personnes les plus âgées, les plus malades, les plus pauvres ». Hélène Rey en est convaincue : « il est douteux qu’une telle trahison des promesses de campagne puisse passer inaperçue dans l’opinion, même avec beaucoup de faits alternatifs et de diversions ».
Au Royaume-Uni, réveil brutal.
Outre-Manche, les partisans du Brexit avaient fait miroiter les énormes économies que le pays ferait en cessant de contribuer au budget européen. Des économies qui auraient pu être utilisées pour financer le système de santé britannique. « Moins d’un an après le vote du Brexit, il est de plus en plus clair que les choses ne se passent pas tout à fait comme dans les contes de fées de Nigel Farage ou de David Davis », constate Hélène Rey. « Tout le monde sait maintenant que les chiffres avancés par la campagne pro-Brexit sur les contributions à l’UE étaient mensongers et surévalués. Le National Health Service semble aller de mal en pis, et le public prend conscience qu’une partie non négligeable du personnel de santé est composée d’immigrés (de l’UE ou d’ailleurs) qu’il ne serait pas si facile de remplacer », précisait récemment l’économiste dans une tribune publiée dans le quotidien Les Echos. Selon Hélène Rey, la difficulté des négociations avec l’Union européenne sur le coût du divorce et les accords commerciaux commence également à affleurer dans le débat public. « Theresa May et les tabloïds essaient, bien sûr, de blâmer l’UE pour les difficultés rencontrées », au risque d’envenimer encore plus les discussions.