Evidemment, l’Afrique ne sera pas épargnée par l’épidémie mondiale, avec un décalage par rapport aux pays les plus avancés. La récession va les atteindre, mais tout doit être fait cependant pour démentir les sombres prévisions des Nations-Unies qui parlent d’une diminution de moitié du PIB africain. L’impact économique de l’épidémie se fera par trois canaux.
Le premier est évident, la conséquence d’une récession très forte de l’économie mondiale en 2020 et qui impactera massivement le tissu des PME, si décisives pour l’activité et l’emploi. Le second canal, c’est celui de la crise financière touchant d’abord les pays avancés mais qui aura de nombreuses conséquences en Afrique, et surtout la réticence des pays avancés qui se seront massivement endettés auparavant. Le troisième canal est l’effet déjà enregistré sur les prix des matières premières et notamment le pétrole, qui va mettre nombre de pays africains en situation d’illiquidité voire d’insolvabilité.
Comment éviter le pire ? On pense d’abord à l’immense besoin de sécurisation sanitaire à mettre en œuvre : d’après l’ONU, il faut investir 10,4 milliards de dollars dans les systèmes de santé ! Et à cet engagement urgent, il faut associer, pour limiter la crise économique, une volonté et une audace nouvelles via un investissement majeur des pays développés dont c’est évidemment l’intérêt bien senti. N’imaginons pas un instant qu’une catastrophe africaine n’aurait pas d’incidences sur les flux migratoires vers l’Europe.
Il faut maintenir la perspective d’une Afrique continent du 21ème siècle, au-delà de la pandémie, dans les discours publics et dans les actes. Pour cela, les gouvernements de ces pays doivent faire preuve à la fois de pragmatisme, de solidarité et de rupture dans les politiques économiques pour le continent dans son ensemble.
Pragmatisme, solidarité, rupture
Pragmatisme ? La pandémie pousse les pays avancés à desserrer à juste titre les contraintes financières et budgétaires et nous conduit à inventer de nouveaux modes d’intervention et de régulation. Cela doit être aussi le cas pour les pays africains qui ont tout autant que nous le droit de s’affranchir de règles qui paraissaient gravées dans le marbre. Les questions de survie sont plus décisives que des règles budgétaires ou des principes monétaires fixés pour temps calmes. Les pays africains sont fondés à mettre entre parenthèses pour quelques trimestres l’orthodoxie monétaire et budgétaire.
Solidarité ? Se rejoignent, derrière ce leitmotiv, les préoccupations centrales, pour la plupart des pays africains, de l’investissement, du financement et de la dette. Les chiffres évoqués de soutien du FMI, 50 milliards de dollars, sont très insuffisants pour les 54 pays. N’oublions pas qu’au-delà des mesures d’urgence, il faudra relancer massivement les investissements en infrastructures dès le second semestre 2020.
Ruptures dans les politiques publiques ? Les Etats-Unis et l’Europe imaginent des plans de relance orignaux avec la volonté de retrouver une forme de souveraineté dans la capacité à produire des biens et services stratégiques sur son propre sol. Mêmes ruptures pour les gouvernements africains qui doivent également rééquilibrer leur positionnement dans les chaines de valeurs mondiales avec le souci de renforcer les transformations sur place et de permettre au secteur agricole, si décisif à tous points de vue, de se rééquilibrer notamment au bénéfice des cultures vivrières.
Il y a quelques mois, nous posions, avec les hauts responsables africains, les bases du consensus de Dakar permettant de sortir de la vision rigide et passéiste du consensus de Washington. Une exigence renforcée par la pandémie.