Dans la dernière ligne droite vers le Brexit, les regards se tournent vers l’état de santé économique du Royaume-Uni. Selon Jean-Paul Betbeze, malgré les difficultés, le pays se prépare à une sortie de crise, lente mais certaine.
Le pire n’est pas sûr du tout pour le Royaume-Uni aux prises avec deux problèmes. Le premier est la résurgence du COVID-19, qui mènerait à un autre reconfinement, donc à des baisses de la bourse et de la livre, liées à des craintes de plus forte récession. Le second problème est cette semaine dite décisive (mais qui sait ?) des négociations sur le Brexit. Sur ce sujet, les marchés tanguent entre les messages sibyllins de Michel Barnier, mêlant un peu d’espoir avec un peu d’inquiétude, la « narrow path » annoncée par Ursula von der Leyen et ceux, plus contrastés, de Boris Johnson. Il insiste sur la grande importance des difficultés rencontrées et la nécessaire endurance pour gagner, obligatoire.
Donc les marchés ne parviennent pas à broyer du noir ! D’abord, concernant le COVID-19, c’est au Royaume-Uni qu’a été homologué le vaccin avant les autres, et y a été administré aussi pour la première fois au monde (plus de 150 000). Alors, si le nombre de cas se remet à monter, c’est peut-être temporaire ! Et si le taux de mortalité est élevé, il est en repli.
Ensuite, concernant le Brexit, les marchés n’arrivent pas à se convaincre d’une issue « dure », avec des embouteillages monstrueux à Douvres et des explosions des prix des produits alimentaires, on a parlé de 30% (!). Ils reçoivent au contraire avec intérêt le travail minutieux et pratique qui se mène, au-delà des menaces et des grands principes. Menaces des navires de guerre britanniques qui barreraient la route aux chalutiers français ou hollandais : le leurre est gros ! Surtout, la surveillance demandée par Bruxelles des subventions accordées par Londres et l’acceptation obligatoire, par Londres, de l’évolution des normes édictées par Bruxelles, posent de redoutables difficultés, si le Royaume-Uni entend recouvrer sa souveraineté. Sauf si les négociateurs précisent les cas litigieux, qui seront donc moins nombreux, et se mettent d’accord sur un processus d’arbitrage des conflits. Les marchés se disent que plus on affine, plus on approche d’un deal ! Même s’il en est réduit.
C’est bien pourquoi la bourse remonte un peu avec ces bonnes interprétations, même si le chômage monte (4,9%). Cependant, cette « remontée » boursière est toute relative, la City ayant perdu 13% depuis janvier, sous les effets du virus et d’un hard Brexit redouté, à comparer au -7% pour le CAC 40 et à +2% pour le DAX allemand, outre-Rhin où l’économie a repris plus de couleurs. La politique économique britannique est donc prudente. Il ne s’agit pas de dire « quel qu’en soit le prix » : le Chancelier de l’échiquier a annoncé des impôts futurs, ce qui calme la hausse des taux longs à 0,3%, face à une inflation à 0,7%. Le taux réel britannique est ainsi à -0,4%, comme la moyenne franco-allemande : bien joué !
C’est bien pourquoi aussi la livre a perdu 6,4% depuis le début de l’année par rapport à l’euro, laissant l’euro monter de 5% par rapport au dollar. Pas mal joué non plus. La Banque d’Angleterre avance prudemment : elle ne veut pas de taux à 0%, ils sont à 0,1%, ce qui donne une pente des taux positive qui soutient les banques. Pas de subvention pour elles, contrairement à la zone euro (TLTRO). Et la Banque d’Angleterre achète des bons du trésor (875 milliards de livres), sans excès non plus.
Bref, le Royaume-Uni se prépare à une sortie de crise lente, dans des conditions complexes qu’il met en avant. Il souligne ses difficultés mais signe des accords avec l’Australie, le Japon, Singapour et négocie un mini-deal avec les États-Unis, pour éviter les taxes punitives américaines… contre l’Union-Européenne. Le temps presse pour que Donald Trump signe, mais on parle de réduire les taxes sur le whisky écossais. Pas mal joué !