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« Trump va-t-il chasser Powell ? »

La Fed devrait-elle baisser les taux d’intérêt aux Etats-Unis ? La question se pose après une nouvelle passe d’armes entre le président américain, Donald TRump, et celui de la Réserve fédérale, Jerome Powell. Jean-Paul Betbeze revient sur le contexte délétère qui prévaut aujourd’hui à Washington sur fond de politique monétaire, et les conséquences possibles

Ce 18 juin, Jerome Powell, le Président de la Banque centrale américaine, la Fed, n’a rien changé à sa politique : les taux courts restent entre 4,25 et 4,5%, la réduction du portefeuille de bons du Trésor se poursuit. Wait and see, répété à plusieurs reprises, résume son analyse et la politique de la Fed se poursuit, sans doute pour un trimestre, le temps de mieux voir ce qui se passe. Attendons le 17 septembre.

Pourquoi cet attentisme ?

C’est la faute du Président Trump, dit-il sans le dire (mais tout le monde a compris) : la croissance sous-jacente semble bonne, mais on ne sait rien de ce qui va en résulter pour les chaînes de production avec ses nouveaux tarifs douaniers. Concernant l’inflation, elle reste faible à 2,4% sur un an en mai, après 2,3%. La consommation n’augmente que modérément avec des ménages plus inquiets, alors que l’investissement continue d’avancer, en liaison sans doute avec les innovations en cours. Le taux de chômage est à 4,2% de la population active, soit un quasi-plein-emploi, cela ne freinera pas la hausse des taux longs à trente ans qui se trouvent actuellement à 4,9%, ce qui reste élevé.

Powell coincé

Jerome Powell doit tenir deux objectifs : le plus de croissance possible avec le moins d’inflation. Il le sait, mais ne sait que faire : l’inflation va-t-elle repartir pour cause de droits de douane et la croissance chuter si la Fed augmente ses taux, sans compter la fragilisation des anticipations, des ménages pour leur consommation et des entreprises pour l’investissement, qu’amène Trump lui-même ? Peut-il se plaindre de la situation qu’il a à gérer et qui perturbe ses calculs ? Il sait que Trump ne cesse de le critiquer et dit qu’il se propose même pour le remplacer : avec lui les taux seraient à 2%, plus 700 milliards de dollars de croissance. Trump est clair : « vérifiez les droits de douane : 88 milliards de dollars ont été générés sans inflation.Nous avons une personne stupide à la Fed ; il ne réduira probablement pas ses taux aujourd’hui ». Il sait donc ce qu’il fait faire à Powell !

Et le budget ?

C’est dans ce contexte que la discussion sur le prochain budget importe, avec l’idée de Trump de creuser le déficit budgétaire, compensé par des baisses d’impôts qui soutiendraient la croissance (bien sûr). Mais les expériences passées ont montré que des baisses d’impôts favorisaient les plus hauts revenus et non pas tant la consommation des ménages modestes. Dans une économie où les écarts de richesse se creusent, la politique fiscale de baisse des impôts paraît atteindre ses limites. En revanche, l’espace est ouvert pour une politique monétaire de baisse des taux qui permettrait de soutenir la croissance, au moment même où elle est menacée dans une tension guerrière.

Et le dollar ?

On pourrait ajouter qu’une baisse des taux affaiblirait le dollar, à 1,15 pour 1 euro contre 1,02 en début d’année. Mais cette baisse, voulue en fait par Trump, n’est pas tant une baisse du dollar par rapport à l’euro ou à d’autres grandes monnaies, qu’une montée de l’or. A 3370$ l’once contre 2600$ en début d’année 2025 et 2000$ en janvier 2024, il est le grand bénéficiaire des inquiétudes qui naissent sur le dollar, monnaie mondiale de réserve, mais sans que l’euro, qui inquiète aussi, en profite. N’oublions pas que des voix s’élèvent en zone euro pour saisir les 280 milliards d’euros d’actifs russes, ce qui sonnerait le glas de l’euro monnaie mondiale de réserve.

Attendre

Baisser les taux apaiserait Trump et plairait à la bourse américaine qui s’inquiète, entre autres, de sa politique. Les Etats-Unis sont en pleine révolution technologique, avec NVIDIA qui dépasse Apple. C’est bientôt que la baisse des taux pourra plus se justifier pour des raisons économiques, monétaires (inflation et croissance) et militaires. L’or monte et le dollar se dit que sa baisse est un (petit) prix à payer pour croître. Les stable coins sont loin, et très proches du dollar. Patience, cher Powell ! 

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