Mercredi 18 septembre, Emmanuel Macron se rend à Rome. Le président de la République y rencontrera notamment le chef du gouvernement italien, Giuseppe Conte, au sortir de la crise politique estivale. La parfaite stabilité n’est pas encore revenue en Italie, et Patrice Geoffron explique pourquoi le pays bénéfice malgré tout d’une certaine bienveillance de la part des marchés financiers.
Pour s’extraire d’une crise gouvernementale aiguë au cœur de l’été, l’Italie a usé d’une «plasticité institutionnelle» qui étonne ses voisins. Après l’alliance dystopique entre la Ligue et Cinque Stelle (M5S) – sortie des urnes au printemps 2018 – la nouvelle coalition procède également de la politique-fiction : le M5S et le Parti Démocrate (PD) n’avaient alterné qu’invectives et marques de mépris jusqu’alors, et il aura fallu le putsch de Matteo Salvini pour, face à l’urgence, sceller une trêve.
Pour l’heure, les marchés accordent plus de crédit que les Italiens eux-mêmes à la nouvelle « combinazione ». Ces derniers tablent sur une durée de vie courte pour l’attelage M5S-PD (quelques mois seulement pour 40% des Transalpins), même si Guiseppe Conte a conquis le respect d’une majorité d’entre eux (à hauteur de 60%), après avoir affirmé son autorité dans la tempête.
En revanche, les marchés manifestent à la fois soulagement et bienveillance : l’Italie ne dénote pas dans le mouvement général de baisse des taux, les emprunts d’Etat à 10 ans s’établissant sous les 1% contre plus de 3% il y a 12 mois. La charge de la dette ayant pesé 3,6% du PIB en 2018, l’avantage tiré sera substantiel.
Attitude moins conflictuelle
L’Italie bénéficie certes du cadeau d’adieu aux Européens de Mario Draghi, au terme de son mandat (annonce d’une baisse du taux de dépôt, reprise des achats de dette), mais cette décrue des taux italiens procède aussi de facteurs spécifiques. Moody’s, dans un «avis de crédit», résume l’impression générale en saluant l’amorce d’une Pax Romana : le nouveau gouvernement est apprécié pour son attitude moins conflictuelle vis-à-vis de la Commission et des partenaires de la zone euro, installant une atmosphère plus propice à contenir le coût de la dette.
Il est vrai que les signaux abondent d’une meilleure accointance entre Bruxelles et Rome. La première est la nomination de Paolo Gentiloni au poste de commissaire européen chargé des affaires économiques, moins dans l’espoir d’éviter une procédure d’infraction pour l’Italie, que de jouer un rôle actif dans la réforme de la gouvernance de l’UE. Ainsi que, au sein du gouvernement, celle de l’ancien eurodéputé Roberto Gualtieri (Économie et Finances) et d’Enzo Amendola (Affaires Européennes). Mais, si ces deux membres du PD ont un beau profil d’ambassadeurs en charge du dialogue avec Bruxelles, la nomination de Luigi di Maio (M5S) aux Affaires Étrangères place l’euroscepticisme haut dans la hiérarchie.
Pour maintenir au pouvoir l’attelage M5S-PD, la détente des taux ne suffira pas et Guiseppe Conte aura besoin de trouver des marges de manœuvre à Bruxelles : il a exposé un programme de politique générale basé sur une relance des investissements publics, un gel de l’augmentation de la TVA, une baisse des impôts, l’obtention d’un statut spécial pour le Sud… L’ambition affichée par Conte – après d’autres – n’est pas d’obtenir un aménagement temporaire, mais d’œuvrer pour une réforme du pacte de stabilité.
Matteo Salvini aura peut-être, malgré lui, donné des arguments à son ancien allié : il réunissait ce dimanche des milliers de partisans en Lombardie, annonçant un gouvernement du peuple dans quelques mois et, d’ici là, une guérilla à coup de référendums (accessibles à partir de 500 000 signatures). Cette menace brûlante, sur l’Italie et sur l’Europe, ne sera pas le moindre atout de Conte dans les négociations amorcées au sein de l’UE.