Réunis vendredi 5 avril, les ministres des Finances de la zone euro se sont inquiétés du ralentissement économique au sein de l’Eurogroupe, particulièrement en Allemagne et en Italie. Jean-Paul Betbèze explore les marges de manœuvre dont dispose le président de la BCE, Mario Draghi, pour relancer la machine. En point d’orgue, une nécessaire restructuration bancaire.
Trou d’air : il est là, et seulement ici désormais, alors que les États-Unis vont mieux (196.000 emplois nouveaux en mars contre 180.000 attendus, 33.000 le mois précédent), et la Chine, aussi, avec ses politiques agressives de crédits aux entreprises. Certes, la Banque centrale européenne va répéter que la récession ne menace pas et que ce ralentissement est, au contraire, l’addition de problèmes géopolitiques externes (baisse des échanges internationaux et tensions avec la Chine, avec la politique de Donald Trump). N’empêche, l’économie de la zone est faible : 0,8% de croissance environ, un taux de chômage de 7,8% ; 1,4% d’inflation sur un an (contre 1,5% le mois précédent et 1% pour l’inflation sous-jacente), des taux à long terme de plus en plus bas.
Tout se passe comme si la thèse de Mario Draghi du «ralentissement géopolitique importé» avait de plus en plus de mal à convaincre. La baisse du chômage est très modeste, tout comme la hausse des salaires. Ce qui ne correspond pas bien à la thèse de la reprise interne, même lente. D’autant que la productivité du travail baisse : -0,2%. Mario Draghi met toujours en avant la hausse des salaires négociés, mais elle concerne les plus grandes entreprises, et encore ! Enfin, les dernières données peuvent inquiéter, qu’il s’agisse d’Allemagne ou d’Italie.
Donc Mario Draghi va «en rajouter» dans sa politique monétaire. «En rajouter» sur les taux courts, en prêtant plus longtemps à 0% : au moins un an après son départ ! « En rajouter » sur les taux longs, pour les maintenir au plus bas, en gardant le volume de son portefeuille de bons du trésor, réinvestis en titres longs : plusieurs années après son départ ! « En rajouter » pour sa politique de soutien aux banques, avec des vagues de crédits à taux très bas pour qu’elles puissent faire, à leur tour, des crédits à taux plus bas, soutenant ainsi l’investissement des entreprises – même si certaines peuvent se surendetter ! «En rajouter», dans sa politique de soutien aux crédits bancaires, en réduisant les taux négatifs que la BCE impose aux banques sur leurs liquidités (un prélèvement annuel de 7,5 milliards d’euros), pour les pousser à prêter plus ! Ce qu’il veut, c’est s’inscrire dans la durée : celle d’une croissance faible avec peu d’inflation, même si les taux sont bas.
Travailler à la restructuration du système bancaire
Certes, Mario Draghi n’oublie pas la géopolitique interne à la zone euro : montée des populismes et des groupes eurosceptiques, sans compter le Brexit, mais il ne peut en parler trop directement. Ce qui dépend de lui, de plus en plus, en fait, c’est de travailler à la restructuration du système bancaire. Luis de Guindos, son vice-président, le 27 mars, devant le groupe des ECB watchers est clair : « redoubler d’efforts pour surmonter les défis structurels », notamment en réduisant «les coûts en personnel», «les réseaux d’agences» et «l’exposition aux prêts en souffrance» s’impose.
Immédiatement, les cours boursiers des banques montent de 3 à 4%. Depuis, on parle du mariage de Deutsche Bank avec Commerzbank, un couple très allemand, et très éprouvé, à moins qu’Unicredit, l’italien, veuille marier Commerzbank avec sa filiale HypoVereinsbank ! Ceci sachant que la Société Générale n’est pas loin, et que des gestionnaires d’actifs sont aux aguets si les instances surveillant la concurrence, en Allemagne et en Europe, demandent à Deutsche Bank des cessions partielles !
Bref, Mario Draghi doit aujourd’hui aider la restructuration bancaire de la zone, s’il veut qu’elle reparte !