Cela fait bien longtemps que l’on évoque les conflits entre générations dans notre pays, et cela à juste titre. Il suffit de considérer le marché du travail pour constater que la situation de la jeunesse d’aujourd’hui n’est guère enviable par rapport à celle que nous avons connue. Difficulté de se loger, d’obtenir un CDI, voilà deux maux qui structurent l’intégration si difficile des jeunes français à une société pourtant très développée.
Est-ce que la pandémie a renforcé cette réalité, est ce qu’elle risque de créer des tensions fortes qui dépasseraient les clivages sociaux intragénérationnels ? Bien sûr que oui. Quelque ait été le caractère indiscutable des mesures qui ont consisté à privilégier la sécurité sanitaire par rapport à la sécurité économique, il ne fait aucun doute que les principales victimes de cette pandémie ont été les personnes âgées mais que la victime de l’accélération du chômage dans les mois qui viennent, sera la jeune génération, celle qui devait entrer sur le marché du travail. Cela ne remet pas en cause le bien-fondé de cette décision, c’est juste un fait. En septembre nous auront sans nul doute quelques centaines milliers de jeunes qui auront du mal à trouver soit stage soit contrat de travail. C’est sans nul doute, le problème le plus délicat auquel se trouve confronté le gouvernement, car si aucune solution satisfaisante n’était trouvée, on ferait face une classe d’âge sacrifiée. Il faut donc trouver une solution le plus rapidement possible. Le problème porte sur 700 000 primo-entrants sur le marché du travail, répartis entre 500 000 qualifiés et 200 000 sans aucune qualification. La solution la plus facile, mais la plus paradoxale pour un gouvernement qui a voulu réformer les retraites et de fait allonger la durée de vie au travail serait que l’on mette à la retraite 700 000 plus de 60 ans de manière à libérer le même contingent d’emplois. C’est un raisonnement absurde puisqu’il est grotesque d’imaginer que l’on puisse remplacer systématiquement des gens qui ont une grande expérience par des jeunes qui n’en n’ont pas. Il n’empêche, conservons l’idée que cela puisse être une partie marginale d’une solution globale. La deuxième solution serait d’imaginer des incitations très fortes pour les entreprises qui embaucheraient des jeunes. C’est faisable mais assez peu crédible car la crise est passée par là, et a laissé les entreprises souvent exsangues, notamment les PME et donc incapables de procéder à des embauches. On peut d’ailleurs, considérer que le milliard d’euros décidé pour faciliter l’apprentissage correspond bien à cette approche mais elle concerne uniquement des jeunes en formation. Enfin pour les 200 à 300 000 qui ne bénéficieront d’aucune de ces solutions il faut proposer tout autre chose. En aucun cas on ne peut souhaiter qu’ils ne se retrouvent sans activité ni formation. L’idée serait donc pour les étudiants d’augmenter d’un an la durée d’étude, ce qui pourrait prendre la forme d’un apprentissage, ou d’une amélioration de leurs qualifications. Pour les autres, les moins qualifiés, il faut penser un véritable point d’accroche à ce que pourrait être une perspective de vie professionnelle.
Tout cela ne peut être envisageable que si l’on fournit des bourses d’une année qui permettent à chacun de pouvoir vivre, en espérant que Septembre 2021 sera plus favorable. Aujourd’hui, 38% des étudiants touchent une bourse comprise entre 1000 et 5500 euros par an. Je propose que cette opération « survie d’une classe d’âge » fonde la bourse au niveau du RSA ce qui coûterait l’ordre de 2 milliards d’euros, et serait une sorte de RSA étendu aux jeunes mais réservé à cette classe d’âge et avec une conditionnalité de formation forte.