Alors que la rentrée se déroule dans une incertitude extrême sur l’évolution de l’épidémie et la reprise de l’activité économique, quelques enseignements de la première vague se dessinent quant à l’organisation du système de soins.
Premier élément troublant : en dehors des soins hospitaliers liés à la Covid19, l’activité de soins a fortement baissé pendant le confinement, qu’il s’agisse des consultations de généralistes ou de spécialistes, ou de la consommation de médicaments, sans qu’on puisse noter, à court terme, d’impact délétère sur l’état de santé de la population. Ceci indique un gisement de dépenses peu utiles pour la santé, et pointe à nouveau la nécessité d’améliorer la pertinence des soins.
Deuxième élément : alors que la télémédecine peinait à prendre de l’importance, la crise l’a fortement développée, et patients comme professionnels de santé s’y sont rapidement adaptés ; reste à savoir si ces adaptations seront durables, mais le potentiel d’amélioration de la qualité des soins et de maîtrise des coûts est manifeste.
Troisième élément, conditionnellement optimiste : l’hôpital, qu’on disait à bout de souffle, a su faire face à un afflux inédit de patients déjà fragiles, âgés et souvent obèses, nécessitant des soins lourds et longs. Si l’hôpital a tenu, c’est avant tout grâce à la formidable mobilisation des soignants eux-mêmes, malgré une rémunération dont chacun sait désormais qu’elle n’est pas à la hauteur. C’est aussi grâce à la mobilisation de l’ensemble des structures hospitalières ; les régions qui ont su rapidement articuler l’offre privée, à but lucratif ou non, avec celle des hôpitaux publics, ont mieux tenu. C’est encore grâce à la planification, très française mais en l’occurrence performante, qui a organisé le transfert de malades graves depuis les hôpitaux les plus débordés vers ceux qui ne connaissaient pas de telles surcharges. Et c’est aussi, surtout, grâce à la capacité de réaction des équipes soignantes, temporairement libérées (« quoi qu’il en coûte ») des contraintes budgétaires, et qui se sont aussi affranchies des lourdeurs bureaucratiques d’un système traditionnellement suradministré. Les soignants ont pu, face à des situations très diverses, innover dans l’organisation de leur activité, et assurer ainsi la prise en charge de tous les patients qui en avaient besoin.
Si on élargit la perspective à la santé, au-delà des soins au sens strict, le tableau est moins brillant. Les errements de la communication sur l’utilité des masques, les retards incompréhensibles sur la disponibilité massive des tests, sont de premiers points noirs. L’absence d’implication des représentants des patients, ou des usagers, dans les conseils ou les cercles de décision, a pu conduire à des mesures très décalées par rapport aux comportements des populations. Par exemple, des associations impliquées dans la réduction des risques en milieu festif auraient pu signaler très tôt que les jeunes, lassés de mois d’enfermement social, ne passeraient pas l’été sans faire des fêtes, et que la fermeture des clubs et des festivals conduirait à l’explosion de soirées clandestines, dont certaines sont devenues de véritables foyers de contamination. Idem sur le rôle laissé aux élus locaux : c’est seulement grâce au lobbying de quelques élus bretons que les maires ont obtenu l’autorisation de demander aux préfets des dérogations aux décisions de fermeture des plages. La Covid19 a montré les limites du jacobinisme sanitaire : saurons-nous en tirer les leçons ?