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Aux impôts, citoyens !

Attention, matière démocratique hautement inflammable. L’intensité des débats actuels montre, s’il en était besoin, à quel point les questions fiscales dépassent largement le cadre des débats d’experts. Et il y a de quoi, tant les impôts sont omniprésents dans nos vies. Comme contribuables bien sûr, qui paient quasi-quotidiennement des taxes sous une forme ou sous une autre, mais aussi et surtout en tant que citoyens qui acceptons de le faire. Ce qui n’est pas négligeable, quand on sait que la moitié des richesses créées chaque année en France est prélevée par la puissance publique, sous forme d’impôts ou de prélèvements sociaux.

Pour tenter de comprendre les mécanismes profonds à l’œuvre derrière les débats actuels, il convient d’abord de se demander : qu’est-ce que l’impôt ? Si l’on se réfère à la théorie du contrat social, l’impôt est d’abord la matérialisation d’un engagement réciproque entre l’État et le citoyen. Car le développement de l’impôt est consubstantiel à celui de l’État, à plus forte raison de l’État providence. Un lien ancien donc, soumis à une tension entre deux pôles souvent antagoniques, la justice et l’efficacité, à l’origine de poussées de fièvre à l’Assemblée ou dans la rue et qui sont systématiquement ressortis dans les mots des citoyens que nous avons interrogés comme des experts qui ont contribué à ce numéro.

S’interroger sur l’impôt, c’est donc se demander ce que l’on en attend, les fins qu’on lui donne. En un mot, c’est questionner son efficacité. Car l’impôt est bien plus qu’une simple recette pour les administrations et qu’une « charge » pour les entreprises et les citoyens. Il est, avec les prélèvements sociaux, le levier qui permet à l’État d’orchestrer la redistribution massive des revenus et de réduire les inégalités. En même temps qu’il finance les politiques publiques, il oriente par ses incitations et ses dissuasions, les comportements des agents économiques en matière de santé, d’écologie ou d’aménagement du territoire. Il peut aussi devenir un outil au service de démocratie en amenant les citoyens à s’intéresser à la gestion publique.

Le deuxième temps est celui de la justice. Toute réforme fiscale – comment pourrait-il en être autrement – est placée sous le signe de la justice fiscale. Mais existe-t-il une définition partagée de la justice ? C’est là que réside toute la complexité du débat. Qui sont les « gagnants » et les « perdants » du système, si tant est qu’il doive y en avoir ? Du capital ou du travail, qui doit être mis davantage à contribution ? Des questions rendues d’autant plus complexes par la mondialisation qui, en rendant mobiles le capital et les personnes, appelle la mise en place d’une fiscalité équitable à l’échelle internationale.

Dans un tel contexte, le risque est grand de se focaliser sur les ajustements techniques, sur des taux ou des assiettes, en oubliant l’essentiel : quel projet de société voulons-nous ? L’impôt est le reflet de nos choix collectifs. Sommes-nous capables de réfléchir à la taxation des revenus, du capital, de l’héritage ou des comportements autrement qu’en cherchant quelques milliards par-ci et par-là ? Quelle place voulons-nous donner à la solidarité, à la justice sociale, à la transition écologique, dont les besoins sont appelés à exploser dans les prochaines décennies ? C’est la réflexion que nous vous proposons d’ouvrir avec ce numéro de Mermoz. Comme en 1789, lorsque pour la première fois le consentement à l’impôt a été posé, il est peut-être de temps pour chacun d’entre-nous de se réapproprier la fiscalité. Aux impôts, citoyens !

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