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Construire un chemin d’espérance

La notion d’espoir est souvent perçue comme rassurante et empreinte d’optimisme, particulièrement en temps d’incertitude. Pourtant, l’espoir peut également conduire à la passivité, à l’inverse de la volonté, telle que les stoïciens la définissent, qui implique l’action et finalement le changement. De plus, un espoir déçu peut engendrer de la tristesse, des frustrations, de la colère et du cynisme. En France, la politique incarne souvent un espoir déçu, en présumant que la surpuissance d’un seul individu peut tout résoudre et déterminer l’avenir du pays.

Axelle Lemaire, directrice déléguée à la Croix-Rouge, propose plutôt de développer une forme d’Espérance qui puisse conduire à des actions réfléchies et fortes afin de recréer les espoirs. Cette approche de l’Espérance s’inscrit dans la lignée de ce que Malraux entendait par cette notion, à savoir l’action. L’Espérance peut également prendre une dimension théologique, impliquant une condition de solidarité et une prise en compte réelle de la pauvreté. Que ce soit à travers des figures telles que Greta Thunberg et le pape François, ou encore à travers la mythologie grecque, l’espoir a traversé les âges et les époques en cherchant à atteindre un objectif ultime d’amélioration et de progrès dans le cadre d’un projet commun.


« Recréer l’espoir » : c’est le thème des prochaines Rencontres Économiques d’Aix-en-Provence organisées par le Cercle des économistes. De prime abord, ce choix m’a interpellée. Est-il vraiment pertinent de parler d’espoir au vu de la situation actuelle, si grise ? L’espoir n’est-il pas un encouragement à l’attentisme pour qui considère, comme Gramsci, que l’intelligence est pessimiste ? A quelles conditions peut-on tenter de « recréer l’espoir » ?

De l’espoir pour répondre à l’urgence des crises ?

« I don’t want your hope. I don’t want to be hopeful, I want you to panic ! » C’est en ces termes que Greta Thunberg s’exprimait lors du Forum économique mondial de Davos en 2019. Derrière une réaction d’apparence spontanée, les propos de la jeune activiste résumaient à eux seuls toute la difficulté de recourir à la notion d’espoir dans ce moment historique.

Les diagnostics posés sur les crises environnementales, mais aussi sociales, économiques et démocratiques qui grondent dans notre pays sont sévères et de plus en plus partagés. Avec les résultats que l’on connaît : accélération des catastrophes naturelles, hausse des inégalités, crise des gilets jaunes et mobilisations sociales contestataires, dette publique massive, abstention électorale, vote pour les extrêmes, défiance démocratique.

Or aucune organisation – ni les pouvoirs publics, ni les entreprises, ni les associations et encore moins la société dans son ensemble – n’est prête à faire face à cette intensification d’événements exceptionnels répétés. Avec les crises, l’exceptionnel est devenu l’ordinaire.

Ainsi, sauf à devenir une Chief Happiness Officer, me suis-je donc sentie un peu démunie à l’idée de recourir à la notion d’espoir. Celui-ci revêt tant de facettes que, pour l’apprivoiser, j’ai eu envie de l’appréhender à travers des réflexions éclectiques empruntées à la littérature, la philosophie, ou encore l’étude des religions.

L’espoir au fond de la jarre

Pour cela, comme il est fascinant de plonger dans la mythologie grecque ! C’est par les lectures du soir faites à mes enfants que j’ai eu le bonheur d’en redécouvrir les récits, contés par Murielle Szac. Dans un épisode de la vie d’Hermès, l’écrivaine relate l’histoire de la boîte de Pandore. Lorsque Pandora désobéit à son époux Epiméthée et se laissa aller à la curiosité en ouvrant la boîte interdite, en dépit de l’interdiction faite par Zeus, ce sont tous les maux de l’humanité, maladies, fléaux et guerres, qui se répandirent sur terre. Au moment de refermer la jarre, seul l’espoir reste au fond.

« Seul, l’Espoir restait là, à l’intérieur de son infrangible prison, sans passer les lèvres de la jarre, et ne s’envola pas au dehors, car Pandore déjà avait replacé le couvercle, par le vouloir de Zeus, assembleur de nuées, qui porte l’égide » – Hésiode, Les Travaux et les Jours, v. 42-105

Est-ce à dire que l’Espoir est encore plus dangereux que les guerres et les fléaux, et qu’il faut le brider pour ne pas se leurrer ? Ou, au contraire, que c’est dans la noirceur de la détresse la plus profonde que l’espoir peut renaître ?

L’espoir est un sentiment

L’espoir n’est qu’un sentiment. Il peut, à ce titre, être faussement rassurant. La volonté est différente car elle implique le mouvement. A contrario, l’espoir encourage une forme de passivité et d’abandon de soi que les philosophes stoïciens de l’Antiquité redoutaient. Dans ses Lettres à Lucilius, Sénèque écrit : « Quand tu auras désappris à espérer, je t’apprendrai à vouloir ».

La notion d’espoir est emplie de l’optimisme dont elle se nourrit, et il est tentant de s’y raccrocher en ces temps sombres. Espérer, du latin sperare, signifie « considérer quelque chose comme devant se réaliser ». Selon l’Académie française, c’est même « attendre avec confiance un bien que l’on désire.  Aimer à croire, à penser. Souhaiter. » L’espoir, en cette acception, pourrait être un piège empreint de bonnes intentions, confortant l’esprit humain dans l’illusion que les crises actuelles seront résolues par une sorte de pensée solutionniste magique, en dehors de la prise de risque inhérente à l’action et sans que les espoirs additionnés ne forment un projet commun.

Quand les progrès rapides de l’intelligence artificielle (IA) contribueront de plus en plus à flouter les frontières entre le vrai et le faux, le sage sera celui qui ne cultivera pas les espoirs mais cherchera à comprendre la marche extérieure du monde pour éclairer celle-ci et, sans avoir peur, mieux l’orienter. « Tu cesseras de craindre en cessant d’espérer. La crainte et l’espoir, qui paraissent inconciliables, sont pourtant étroitement unis », nous dit Sénèque.

J’ai découvert récemment le travail éclairant de la philosophe Corine Pelluchon sur le concept d’espoir : « Le sentiment d’espoir, en assurant un état d’attente confiante, voire la conviction, que ce qu’on attend peut, ou doit, se réaliser est une stratégie psychique. Cette stratégie, d’une part reste attachée à l’épreuve de réalité à travers la reconnaissance de la dimension du leurre et de l’illusion qui est partie prenante de nos espérances ; d’autre part, elle tend à court-circuiter le principe de réalité en tant que celui-ci est porteur de jugement affirmant que nos vœux intérieurs ne correspondent pas nécessairement à ce qui peut être retrouvé à l’extérieur ».

Dans son sens premier la notion d’espoir, d’ordre psychologique, relève donc d’un état subjectif de la personne ; elle renvoie à l’attitude consistant à tourner son esprit vers un avenir plus radieux que ne l’est le présent. Elle s’inscrit dans le court terme, comme un réflexe primaire, et concerne surtout l’être en tant qu’individu et non pas élément appartenant à un groupe humain faisant société.

Pour le Cercle des économistes, il n’est donc pas anodin de relier l’espoir à l’analyse économique, qui a longtemps présupposé la rationalité des comportements des agents en faisant peu de cas de leur subjectivité ! Et fort heureusement, la pensée moderne en économie adopte l’interdisciplinarité et intègre l’historicité, l’épistémologie, la sociologie, l’ethnologie… et la psychologie. Un prix Nobel d’économie a d’ailleurs été décerné à Richard Tayler, de l’Université de Chicago, dont les travaux prennent en compte les émotions dans les décisions individuelles et les orientations des marchés. On pourrait même considérer que l’économie comportementale est une clé de compréhension nécessaire des crises. C’est la démarche de l’économiste Robert Boyer qui, dans un livre récent, considère que « l’irruption d’incertitudes radicales appelle un aggionarmento de la théorie de la rationalité en économie ».

Que le très sérieux Cercle des économistes envisage l’homo economicus comme un sujet traversé par les émotions en se penchant sur le sujet de l’espoir, c’est finalement une bonne nouvelle !

Gare aux espoirs attentistes

Pourtant, il n’est plus temps de rêver. Ce que les experts constatent avec lucidité. La scientifique-citoyenne (et co-présidente du groupe numéro 1 du GIEC) Valérie Masson Delmotte, tire la sonnette d’alarme avant de quitter son mandat au sein du collectif onusien. La chercheure estime désormais que les conséquences du changement climatique sont « irréversibles » et dénonce les « mesures fragmentées qui maintiennent le fonctionnement économique actuel » par des politiques publiques non transformatrices. De la même manière, la magistrale « leçon inaugurale » d’Esther Duflo au Collège de France offre au lecteur la démonstration de l’effet indéniable du changement climatique sur la pauvreté.

Gare aux espoirs déçus

Et puis, la promesse d’une aube douce, c’est un futur espoir déçu. Et ce dernier peut générer tristesse, frustrations, colère, cynisme. C’est vrai de la déception amoureuse. Et c’est particulièrement vrai de la politique en France, dans un pays à régime présidentiel conçu et pratiqué de telle manière qu’il laisse à penser qu’un seul être peut tout faire et que de cette surpuissance dépend l’avenir de tout un pays. La Constitution de la Ve République n’est pas adaptée au XXIe siècle : le texte et son interprétation n’ont pas intégré la maturité démocratique du peuple français, puisqu’ils entretiennent le mythe d’un président-dieu, ou d’un président-roi, qui incarnerait l’Espoir attendu. Il suffit que le candidat vainqueur se drape dans les habits trop grands de cette incarnation pour que la déception suive l’élection. Ainsi des témoignages, qui se multiplient, exprimés par ceux que l’on dénomme les « déçus du macronisme ». Mais n’avait-on pas placé trop d’espoir en un seul homme ? Sans même analyser son parcours de vie et de métier, son expérience politique et le détail de son programme.

Le recours à l’espoir est d’autant plus facile dans la vie politique que le système électoral est encore peu organisé autour du contrôle et de la redevabilité. Mon propos n’est pas ici d’affirmer que l’utopie politique est inutile. Au contraire, celle-ci est indispensable pour élever les esprits et penser le monde autrement. Mais l’ancrage de la promesse politique dans le rappel du réel et la vérité des faits l’est tout autant, pour ne pas courir le risque de décevoir.

Outre-Atlantique, la première campagne électorale de Barack Obama a pu faire rêver plus d’un électeur progressiste. Le symbole de l’accès au pouvoir d’un président afro-américain d’origine immigrée était fort et réconciliateur. Il promettait d’ouvrir la voie à d’autres. Le portrait créé pour l’occasion autour des quatre lettres HOPE par un street-artiste, Shepard Fairey, est venu symboliser cet espoir et le nommer. L’œuvre a fait le tour du monde grâce à sa capacité à unir les sympathisants autour d’une même figure. Mais l’espoir n’a pas duré…

… Car POTUS a forcément déçu, ne serait-ce que parce que le contexte politique aux États-Unis l’empêchait de faire passer au Congrès toutes les réformes promises. Même Monsieur Fairey, aurait souhaité un président plus combattif et moins consensuel.

Construire l’espérance : les cinq conditions

Non, décidément, chercher à créer de nouveaux espoirs en ce moment est un exercice hasardeux, m’étais-je dit à la lecture des auteurs précités. Je préfère l’optimisme de la volonté à l’espoir dévoyé. C’était sans compter sur André Malraux.

M’est revenu à l’esprit le célèbre récit de combat, paru en 1937, de l’écrivain et homme politique. Pourquoi cet être si affranchi, qui menait ses vies de façon libre et extasiée, aurait-il choisi L’Espoir pour décrire l’histoire qui se déroulait sous ses yeux pendant la guerre civile d’Espagne ?

Cheminant dans l’écriture de l’ancien ministre de la Culture, j’ai réalisé qu’il était possible, et absolument vital, de recréer des espoirs… mais qu’il faudrait, pour cela, parler d’espérance, en suivant un chemin bordé de quelques conditions.

Première condition : L’action

Malraux n’envisageait son engagement que par l’action, sur tous les continents et dans toutes les situations. Ainsi s’était-il engouffré dans la lutte pour combattre les fascistes aux côtés des Républicains espagnols. Parce que l’Espoir, chez lui, est inextricablement associé à la vie et à la fraternité ; il donne envie de triompher de tout et de surmonter le réel. Or c’est vrai de la guerre comme de la politique : quand je repense aux quelques années que j’ai passées au sein d’un gouvernement, c’est l’énergie trouvée dans la rencontre avec les autres et sur le terrain de l’action qui m’a fait penser que l’espoir était permis. Celles et ceux qui espéraient dégageaient une énergie contagieuse. D’ailleurs, au XXIe siècle, les créateurs d’espoirs sont souvent des entrepreneurs. Faire le pari des femmes et des hommes de bonne volonté qui s’engagent pour refuser un ordre établi néfaste et accepter de dissoudre le pouvoir de décider dans le pouvoir d’agir, telle est la première clé pour recréer l’espoir.

Deuxième condition : La gravité

A côté de l’espoir de réconfort il y aurait donc d’autres formes d’espoirs, plus proches de l’espérance. Ces espoirs-là sont comme des éclairs striés dans l’ombre, ceux que Pierre Soulages savait faire jaillir de la lumière. Le peintre voyait dans le pigment noir une couleur « très active » : « Le pot avec lequel je peins est noir. Mais c’est la lumière, diffusée par reflets, qui importe », disait-il. Cette comparaison aide, me semble-t-il, à comprendre la nature des espoirs à recréer. Ce sont des espoirs forcément graves. Sans malheurs ni souffrance, l’espoir n’a pas de raison d’être.

C’est avec cette gravité que Simone Weil évoquait « l’espoir qui apaise la douleur », celui que la mémoire de la Shoah soit transmise. Que le dramaturge syrien Saadallah Wannous estimait, en parlant de son peuple qui essuie les tragédies consécutives, que « nous sommes condamnés à l’espoir ». Ou que la climatologue ukrainienne Svitlana Krakvska explique choisissait de continuer de travailler à Kiev en dépit de la guerre faisant rage dans son pays car « quand on a le dos au mur, on ne peut pas être désespéré ».

Les crises qui traversent notre monde appellent à la gravité ; elles forment désormais la toile d’une humanité recouverte de pigment noir dont il faut faire émerger des raies de lumières pour tracer une vision d’ensemble, un chemin. Recréer les espoirs, c’est au fond former une Espérance commune qui puisse mener à des actions réfléchies et fortes.

Troisième condition : La solidarité

Je préfère, au fond, cette notion d’espérance. Celle-ci appartient surtout, aujourd’hui, au domaine spirituel : dans toutes les grandes religions révélées, l’espérance joue un rôle important comme promesse de la foi. Serait-il possible de lui conférer un sens laïc et œcuménique, pour accueillir les réponses qu’appellent les crises multiples ? Car face aux espoirs qui sonnent faux, à un système trop souvent cynique, des comportements égoïstes, un aveuglement volontaire devant les besoins de changement, l’espérance permet de garder un cap collectif et de construire une méthode.

Dans son livre, la philosophe Corine Perruchon adopte une telle démarche, renvoyant à la « sagesse biblique » et à la « vertu théologique » qu’apporte l’étude des religions pour distinguer espoir et espérance. Comme elle, je pense qu’il faut savoir lire les enseignements universels des grandes religions. Par exemple, le pape François puise dans les origines judaïques du concept d’espérance pour expliquer l’importance d’accompagner le désespoir d’une empathie profonde : « Pour parler d’espérance à quelqu’un qui est désespéré, il faut partager son désespoir ; pour essuyer les larmes coulant sur le visage de quelqu’un qui souffre, il faut unir ses pleurs aux siens. Dans notre vie, les larmes donnent si souvent naissance à l’espérance, elles sont des germes d’espérance ».

Sans empathie, l’espoir caressé par les responsables politiques et économiques est un passe-temps naïf ou une excuse coupable. On ne peut parler de recréer les espoirs qu’à la condition que le discours s’accompagne de solidarité, d’un message d’engagement destiné aux plus démunis. Il n’y a pas pire, politiquement et moralement, de promettre de lutter contre la grande pauvreté sans en faire une priorité nationale absolue. Hier, et plus encore aujourd’hui, il y a « une France qui a faim » : les banques alimentaires ont accueilli 2,4 millions de personnes l’année dernière, et les bénéficiaires sont trois fois plus nombreux qu’il y a dix ans. Alors attention au risque de mépris derrière la promesse d’espoir ! Albert Camus le comprenait, lui qui, enfant, avait connu la pauvreté. Il écrivait : « de la flatterie la plus dégoûtante au mépris ingénu, il est difficile de savoir ce qui, dans ces homélies (des intellectuels bourgeois) est le plus insultant ».

Ainsi serait-il indécent de chercher à créer de nouveaux espoirs sans s’attaquer frontalement à la suppression de la grande pauvreté. Pour cela, les dons et le travail des bénévoles arrivent trop tard. C’est bien un droit au logement et à l’alimentation qui doit être institué et organisé. Or à la place, on promet de réformer le RSA pour le conditionnaliser, alors même que ce matelas anti-pauvreté aide surtout les mères monoparentales et les jeunes sans diplôme à ne pas sombrer dans la précarité. Ne parlons d’espoir que si cet espoir peut être partagé par tous !

Quatrième condition : Le détachement et L’intelligence collective

Dans l’islam aussi, le Coran explique l’importance d’espérer le pardon d’Allah. La tradition musulmane opère une distinction claire entre espoir et espérance. Le premier, la notion d’Ar-Rajâ’, entretient les passions et désirs illusoires. L’espérance, elle (Al-‘Amanî), ne meurt pas, elle est un « espoir permanent » qui conduit au dépassement des épreuves dans la sérénité, ce que le Grand Imam de Bordeaux, Tareq Oubrou, explique avec clarté dans l’un des épisodes de ses « causeries ». Transposé à la sphère politico-économique, le raisonnement est le même : la prise de recul courageuse est indispensable pour s’extraire des demandes particulières pressantes, des exigences financières des actionnaires, des contingences imposées par les injonctions du moment au détriment des intérêts de long terme.

Détachement, et humilité. Or que d’arrogance chez beaucoup de dirigeants ! Que de morgue dans le berceau de la Silicon Valley, qui a voulu incarner l’espoir d’un nouvel ordre technologique mondial et a créé une dystopie anti-sociale. En France, l’optimisme affiché par une certaine startup Nation entretient aussi, du moins parfois, le mythe du solutionnisme technologique comme réponse à tous les problèmes du monde. Mais nous n’avons pas réponse à tout ! Le propre de l’Homme est de cultiver le doute, c’est cette capacité réflexive qui oblige à penser les limites de l’être et de l’agir. En se croyant sans bornes, l’humanité se perd et oublie d’interroger sa place et son impact. Recréer l’espoir sincère suppose la modestie dans le rapport aux autres et à la nature.

Il apparaît de plus en plus clairement qu’une politique environnementaliste ambitieuse induit le risque de à porter atteinte à des intérêts particuliers et de contrevenir à certaines libertés (liberté d’entreprise, liberté d’aller et venir, droit de propriété…). Pour arbitrer sans abîmer l’espoir, la transparence et le langage de vérité s’imposent, même s’ils sont difficiles à revendiquer dans un contexte de défiance massive.

Lorsque le rejet populaire est fort et que la gronde sociale se fait entendre, offrir des espoirs trop grands est un jeu politique risqué. Il est, par exemple, sans doute plus sage de ne pas appeler à la révolution quand on n’est pas soi-même révolutionnaire. A l’inverse, prôner un mode de gouvernance apaisé, transparent, empathique et à l’écoute des citoyens, permet d’entendre la diversité des opinions et contribue à trouver le juste équilibre entre radicalité et statu quo, ambition et inaction. Chose certaine, il est dorénavant impossible d’appréhender les problématiques de la société sans convoquer un nombre important de parties prenantes, les faire participer activement à la construction d’un diagnostic partagé et les impliquer directement dans les processus décisionnels. Pour entretenir les espoirs réalistes, l’intelligence collective n’est pas un vain mot mais une nécessité, dont la réussite est documentée par des pratiques managériales et politiques de plus en plus solides.

Cinquième condition : La sobriété durable et l’éthique

Les années 2020 resteront dans l’histoire comme une décennie pivot. Celle de l’émergence des consciences, après 50 ans d’alertes scientifiques et de négociations internationales, sur la sobriété nécessaire et le développement durable. Celle, aussi, de l’arrivée à un certain niveau de maturité technologique de l’intelligence artificielle et de son impact sur la vie quotidienne et les métiers. Avec les progrès de l’IA auto-générative et la diffusion de versions plus performantes de ChatGPT et autres modèles de langage à grande échelle, les questions éthiques se bousculent : quelle place laissée à l’imagination, la créativité, l’effort humain ? À l’information authentique ? Pour quelle conséquence sur l’emploi et quel respect des libertés fondamentales ? La promesse de l’IA est réelle : on peut en attendre d’énormes poches de productivité, une découverte de nouveaux gisements de croissance, des formes de création réinventées.

Pour autant, les questionnements éthiques soulevés en parallèle restent souvent, au sein des gouvernements et des entreprises, traités de manière trop théorique ou secondaire, au bénéfice de la seule recherche d’efficience et d’optimisation des coûts. Or la responsabilité éthique ne peut plus seulement être traitée comme un thème de dîners, un enjeu de performance, un objet de lobbying ou une campagne de communication. La loi pour une République numérique votée par le Parlement en 2016 confiait à la CNIL le rôle d’animer les débats sur l’éthique des technologies en lien avec les communautés de chercheurs et de citoyens. Il s’agit désormais de rendre obligatoire la prise en compte de tels critères dans le travail de recherche fondamentale comme appliquée et opérationnelle. La vitesse des voitures est bridée ? Celle de l’IA peut l’être aussi, si le besoin existe ! Ce n’est pas freiner l’innovation que de l’admettre mais bien orienter positivement le sens du progrès humain.

Conclusion

En fin de compte, l’avenir de l’humanité dépend des choix que nous faisons en tant qu’individus et en tant que société. Créer de l’espoir nécessite un effort collectif et un engagement à travailler pour un avenir meilleur. En s’attaquant aux causes profondes, en se concentrant sur les changements positifs, nous pouvons travailler à la construction d’un avenir plus porteur d’espoir pour nous-mêmes et les générations futures.

Je tiens à préciser, néanmoins, que ce dernier paragraphe de conclusion a été généré par ChatGPT-4. J’ai préféré, pour ma part, me questionner sur le sens du concept d’espoir dans un monde pollué et automatisé. La décennie actuelle nous porte à voir et à subir les deux bouleversements fondamentaux du siècle, changement climatique et avancées technologiques. Grâce aux Stoïciens, à Malraux, à Corinne Pelluchon ou au pape François, j’ai compris qu’il est possible de créer un chemin d’espérance, à condition de répondre à quelques commandements, et de continuer de croire en la capacité des femmes et des hommes de bonnes volontés de s’unir pour agir, avec gravité et dans la solidarité. Les pages qui suivent vont le démontrer.


Bibliographie

  • Bénédicte Bonzi, « La France qui a faim. Le don à l’épreuve des violences alimentaires », Le Seuil, 2023.
  • Robert Boyer, « Une discipline sans réflexivité peut-elle être une science ? Épistémologie de l’économie », Éditions de la Sorbonne, 2021.
  • Louis Guillou « Préface à La Maison du Peuple », dans Jean Birnbaum, Le courage de la nuance, Seuil, 2021, p. 24.
  • Aurore Coulaud et Coralie Schaub, « Entretien Valérie Masson-Delmotte, experte du GIEC : « Il y a un décalage entre les engagements climatiques et les actes », Libération, 3 mai 2023.
  • Lucas Chancel, « Richesse », dans Didier Fassin, La société qui vient, Seuil, 2022, pp. 633-649.
  • Andrée Chedid, « L’espérance », Une salve d’avenir, L’espoir, anthologie poétique, Gallimard, 2004.
  • Caroline Dufy et Florence Weber, « La nouvelle anthropologie économique », La Découverte, 2023.
  • Pape François, Audience Générale, La Croix, 4 janvier 2017.
  • Stéphane Legleye, Anne Pla et François Gleizes, « Une personne sur cinq est en situation de pauvreté monétaire ou de privation matérielle et sociale », Insee Focus n° 245, 1er septembre 2021.
  • Tom McCarthy, « Hope dashed: Obama poster artist says president is a disappointment », The Guardian, 28 May 2015
  • Tareq Oubrou, « Crainte et espérance », Causerie, 2020.
  • Corine Pelluchon, « L’espérance, ou la traversée de l’impossible », Payot & Rivages, 2023.
  • Murielle Sacz, « Le feuilleton d’Hermès, La mythologie grecque en cent épisodes », Bayard Jeunesse, Paris, 2016.
  • Sénèque, « Lettres à Lucilius », J. Baillard, 1914, p. 9.
  • Greta Thunberg, « Our House Is On Fire », Davos World Economic Forum, 2019.
  • Simone Weil, « Seul l’espoir apaise la douleur » (texte inédit, enregistrement INA et Fondation pour la Mémoire de la Shoah, 2006), Flammarion, 2022.

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