Ignoré dans les politiques publiques, le choc du vieillissement coûtera vraisemblablement plus cher que la transition écologique. Pour Jean-Hervé Lorenzi et Alain Villemeur, un débat national s’impose pour repenser les solutions à la perte d’autonomie, identifier les ressources financières et les recrutements à assurer.
La transition écologique est à juste titre au cœur de toutes nos préoccupations. Nous savons qu’il nous faudra investir un minimum de 50 milliards d’euros annuellement jusqu’en 2050 pour obtenir la neutralité carbone à cette date. Mais, en fait le choc du vieillissement va vraisemblablement coûter encore plus cher, et nous en sommes aujourd’hui totalement inconscients.
Nos calculs montrent qu’il faudra faire face à une hausse des dépenses de protection sociale – retraite, santé, dépendance, aidants – d’au moins 100 milliards d’euros en 2032, puis de 140 en 2042.
L’arrivée aux âges élevés des générations du baby-boom bouleverse le paysage de la protection sociale. Leur entrée dans l’âge de la fragilité, induit une hausse des frais de santé et à partir de 2030, elles entreront massivement dans l’âge de la perte d’autonomie, ce qui accroîtra encore les dépenses. Les enjeux sociaux de cette transition sont majeurs et déstabilisants, ignorer ces défis expose à une détérioration insupportable de la protection sociale et à des inégalités croissantes. De plus, le risque de conflits intergénérationnels pourrait remettre en question les systèmes de financement et déstabiliser la société.
Agir pour le Grand âge, c’est maintenant !
L’actualité illustre qu’il faut enfin prendre à bras-le-corps ces questions. Car aujourd’hui, c’est la création d’un 5ième risque mais sans avoir assuré un vrai financement, c’est le scandale Orpéa , c’est la crise du financement des Ehpad et du recrutement dans les différents métiers indispensables, c’est la volonté affichée de favoriser le maintien à domicile mais sans aucune boussole…
Les multiples projets de loi envisagés ne sont pas à la hauteur des enjeux et le déni politique, persistant, devient insupportable. Un débat national s’impose pour repenser les solutions à la perte d’autonomie, identifier les ressources financières et les recrutements à assurer. Pour relever le défi du Grand âge, nous préconisons l’élaboration d’une politique qui s’appuierait sur trois parties.
La première porterait sur le type d’habitat à développer afin de sortir du tout-Ehpad. Cela impliquerait des actions publiques afin de favoriser le déploiement des services à domicile dont les effectifs sont constants depuis longtemps, inégalement répartis selon les territoires et insuffisamment valorisés. Il convient aussi de multiplier les alternatives aux Ehpad et résidences seniors par les maisons intergénérationnelles, l’habitat partagé, les maisons de répit…
Une assurance-dépendance obligatoire après 45 ans ?
La deuxième identifierait de nouvelles ressources financières, au-delà du financement classique de la protection sociale, étant considéré les déficits publics existants. Dans ce contexte, il faut envisager une solidarité largement financée par les seniors. Nous considérons que les jeunes générations doivent être exemptées de contributions, compte tenu de leurs revenus bien plus faibles, de leur taux de pauvreté bien supérieur et d’un patrimoine inexistant. Mériteraient alors d’être étudiés plusieurs leviers comme l’instauration obligatoire d’une assurance-dépendance au-delà de 45-50 ans, la contribution des patrimoines importants des seniors, ou encore la multiplication des dispositifs de liquéfaction du patrimoine.
La troisième se consacrerait au développement de tous les métiers liés au Grand âge, à leur valorisation salariale et à l’amélioration de leurs conditions de travail.
On le voit, les financements nécessaires sont gigantesques, surtout si on rajoute les besoins d’investissement dans la transition numérique. La politique retrouvera ses droits avec la difficulté que les séniors seront déterminants dans les votes à venir.