L’immigration contrôlée, sous forme de visas temporaires est l’un des outils les plus efficaces parmi ceux à notre disposition dans la lutte contre l’immigration irrégulière, explique Emmanuelle Auriol.
L’article 3 du projet de loi sur l’immigration a suscité une levée de boucliers parmi les élus de droite qui craignent qu’un titre de séjour « métiers en tension » crée un appel d’air migratoire. Or, ce ne sont pas quelques titres de séjour temporaires en plus ou en moins qui peuvent stimuler ou inhiber l’immigration, mais bien le fait que plus de 61% des entreprises françaises rencontrent des difficultés pour recruter. Les tensions sur le marché du travail créent la pression migratoire. En effet, les immigrés pour motif économique, qui représentent plus de 95% de l’immigration mondiale, ne viennent pas dans les pays riches pour faire du tourisme, ni pour bénéficier du système de protection sociale, et encore moins pour changer la culture locale : ils viennent pour travailler !
Une politique paradoxale et dangereuse
En l’absence de canaux légaux suffisants, des travailleurs sans papiers, qui représentent à peu près 1% de la population européenne, comblent les pénuries de main-d’œuvre dans les secteurs à bas salaires, tels que l’agriculture, la restauration, la construction ou encore les services à la personne, et utilisent dans plus de 90 % des cas les services de passeurs. Paradoxalement, la politique de véto des visas de travail (moins de 52000 en 2022 en France) promue par la droite française a pour effet pervers de décourager la migration circulaire et d’allonger la durée du séjour des immigrés en situation irrégulière qui se trouvent coincés chez nous quand la situation économique se dégrade. Ce statu quo, qui sert les intérêts des partis populistes, est dangereux pour la démocratie et dommageable pour notre croissance et notre économie.
Il existe pourtant un moyen plus efficace de répondre aux besoins du marché du travail. En effet, des permis de travail temporaires existent dans de nombreux pays pour recruter légalement des travailleurs étrangers peu qualifiés. Au Canada, par exemple, les permis d’une durée inférieure à trois ans dépassent certaines années les autres types de visas de travail. Ils sont ainsi passés de 101 000 en 2001 à 338 000 en 2013. En France, l’OFII organise chaque année la venue de travailleurs étrangers sur la base de visas temporaires pour cueillir les clémentines en Corse.
Visas temporaires
Politiquement et économiquement attrayants, ces types de visas permettent de promouvoir des politiques fondées sur le droit, offrant aux migrants un passage sûr et un accès aux marchés du travail légal. Pour garantir le retour des travailleurs temporaires à l’expiration de leur visa, les gouvernements des pays riches doivent combiner de fortes sanctions à l’encontre des employeurs de sans-papiers, avec le renforcement des incitations intégrées dans les régimes de visa, telles que le paiement différé d’une partie des revenus au moment du retour dans le pays d’origine, et l’attribution de points en vue d’un statut prioritaire pour d’autres visas futurs, comme cela se pratique au Canada.
C’est un enjeu économique et politique majeur car l’opinion publique est, à juste titre, beaucoup plus préoccupée par l’immigration irrégulière que par l’immigration régulière : 81% des Français considèrent que les personnes qui travaillent en situation régulière doivent être considéré comme chez elles en France. Les parties qui ont fait de la lutte contre l’immigration leur raison d’être l’ont bien compris. Ils bloquent au parlement toute possibilité de mettre en place une politique d’immigration de travail encadrée et contrôlée, étouffant la croissance française et favorisant l’immigration irrégulière, qui est leur fonds de commerce.