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Génération Éco

Réussir à l’école est un souhait que formulent beaucoup de parents pour leurs enfants. Mais est-ce une affaire d’intelligence, de travail ou d’origines sociales ? Comment allier réussite et bien-être des enfants en milieu scolaire ? Elise Huillery nous l’explique et démontre que la mixité sociale améliore le bien-être et la réussite des élèves.

Cet article est extrait du dixième épisode de Génération Économie, « Réussir, c’est dans la tête ? », avec Elise Huillery, professeure à l’Université Paris-Dauphine et chercheuse affiliée au laboratoire J- PAL (Abdul Latif Jameel Poverty Action Lab). Pour cet épisode, elle discute avec Clara Baillot, journaliste et Axel Sengenès-Cros, membre du Projet Jeunesse(s) du Cercle des économistes.

CLARA BAILLOT La classe sociale des élèves détermine-t-elle leur orientation ?

Elise Huillery Les élèves d’origine sociale défavorisée ont 93 % de chance de plus que les élèves d’origine sociale favorisée de s’orienter en voie professionnelle à niveau scolaire égal. […] Deux facteurs importants expliquent [cela]. Le premier, c’est le manque d’information, qui explique un quart de l’écart. La moitié, donc le plus gros facteur, c’est la confiance en soi, le fait de ne pas se sentir capable. À niveau scolaire égal, un élève d’origine sociale défavorisée ne se sent pas autant capable d’aller en voie générale ou d’aller ensuite faire des études supérieures qu’un élève de même niveau mais d’origine favorisée. Quand c’est choisi parce que c’est ce qu’on aime, il n’y a pas de problème. Mais quand c’est lié à un manque de confiance en soi ou un manque d’information, il faut intervenir parce qu’effectivement cela crée ensuite des inégalités, qui ne correspondent pas à ce qui rend les gens heureux, mais juste aux défaillances de ne pas avoir suffisamment donné d’informations ou de confiance en soi à des élèves qui en étaient capables.

C.B. Vous avez travaillé sur des expérimentations pour favoriser la mixité sociale dans les collèges. Est-ce que vous pouvez nous dire en quoi cela consiste ?

P.R. Fin 2015, la ministre de l’Éducation, Najat Vallaud-Belkacem, a créé une initiative nationale pour encourager les territoires à favoriser la mixité sociale. Nous, en tant que chercheurs, avons suivi 22 sites qui rassemblent au total 56 collèges qui ont tous choisi des moyens un peu différents de favoriser la mixité sociale. […] On les a comparés avec des sites similaires qui n’étaient pas engagés dans ce type d’actions. […] La première chose qui nous a surpris, c’est qu’il n’y avait aucun changement dans les performances scolaires, ni positives, ni négatives. C’est surprenant parce qu’on pouvait espérer, en tout cas c’était le vœu de la ministre, réduire les écarts sociaux de réussite scolaire. Ce n’est pas le cas, parce que cela ne permet pas à un enfant d’origine sociale défavorisée de mieux réussir, de mieux apprendre quand il est dans un environnement scolaire plus mixte. Et dans l’autre sens, cela ne fait pas baisser le niveau scolaire des enfants favorisés. Ce que l’on apprend de cette étude, c’est que la mixité sociale n’est pas une mesure de réduction des inégalités de réussite scolaire. En revanche, elle favorise le bien-être de tout le monde. Personnel, en tant qu’estime de soi, de confiance en soi des élèves favorisés, parce qu’ils sont dans un environnement plus mixte, où ils sont relativement meilleurs, et cela a un effet positif sur le bien-être social, la qualité des relations, le sentiment de sécurité au collège, le climat de classe pour les élèves défavorisés qui sont dans un environnement plus mixte également. Tout le monde y gagne, pas sur un plan scolaire mais sur un plan de bien-être. Et c’est intéressant parce qu’il n’y a pas de perdant.

C.B. Axel, très rapidement, est-ce que cela vous semble intéressant de rendre obligatoire cette mixité sociale dans les établissements ?

Axel Sengenès-Cros Là on ne parle que de l’école, de ce moment-là, sauf que l’on crée des générations aussi qui sont beaucoup plus ouvertes d’esprit, qui ont moins peur de la différence, une société beaucoup plus résiliente, qui accompagne la vulnérabilité de chacun. Donc oui, complètement, je suis pour une société où on essaie d’être le plus mixte possible.

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