Les jeunesses sont un atout formidable pour la France, qui n’est pas suffisamment mis en avant, déplore Jean-Hervé Lorenzi. Parce qu’il est urgent de donner à notre pays une politique qui valorise enfin les jeunesses, en favorisant l’insertion professionnelle et l’entrepreneuriat, ce sujet sera une priorité des prochaines Rencontres Économiques d’Aix-en-Provence.
Ils sont 9,2 millions de 18 à 29 ans. On les dit “jeunesse sacrifiée” ce qui est bien excessif mais il est clair que cet atout formidable que la jeunesse représente pour notre pays n’est pas suffisamment mis en valeur. Il n’y a, de fait, que peu de politiques destinées à la jeunesse et les chiffres ne trompent pas. L’âge d’entrée au travail est un de plus élevé en Europe, à 22 ans et 5 mois, le taux de pauvreté est supérieur à celui des autres classes d’âge et chacun connaît le grand problème de logement auquel elle fait face. Par ailleurs, il y a à peu près 1 million et demi de jeunes désocialisés baptisés NEETS, qui n’ont aucune vocation à le demeurer. Cette insertion, bien trop faible, de cette jeunesse pour qui la transition entre les études et le monde du travail est très chaotique, est le problème majeur de notre développement. La lutte contre cette perte de sens liée à ces voies sans issues, ces projets avortés, ces jeunes sans formation, cette énergie gaspillée devrait être la grande cause nationale.
L’absurdité économique du traitement de la jeunesse
Empêcher les jeunes d’entrer dans le salariat ou les entraver dans leur projet entrepreneurial est une absurdité économique.
Premièrement c’est un coût social et économique de laisser la jeunesse livrée à elle-même, alors que le nombre NEETs s’allonge comme les queues d’étudiants pour les banques alimentaires. Les empêcher d’atteindre l’autonomie, c’est augmenter les dépenses sociales pour un État déjà en déficit et déjà endetté.
C’est aussi une innovation contrainte qui bride notre croissance de long terme. Où seront les grandes innovations de demain, les nouveaux produits, les nouveaux vaccins, les nouvelles technologies qui nous manquent cruellement aujourd’hui, si nos jeunes sont empêchés dans leur développement ? Croissance atone et défis de décarbonation insurmontable, si nous laissons notre jeunesse à l’abandon nous nous empêchons de faire face aux impératifs des sociétés modernes.
C’est enfin une augmentation des inégalités par l’hyper concentration de l’épargne entre les mains des seniors. La France est un pays fracturé, la crise des gilets jaunes et le mouvement contre la réforme des retraites nous l’ont enseigné plus que jamais. Ne rajoutons pas à cela une fracture générationnelle, propre à générer rancœur et pessimisme.
La jeunesse en quête de sens au travail
Je ne fais pas partie de ceux qui croient à une pseudo-rupture entre la jeunesse et le monde du travail. La jeunesse désire plus que quiconque relever les défis de demain. Au Cercle des Économistes nous avons mené notre propre enquête auprès de 35.000 jeunes, et les résultats sont éclairants. La jeunesse n’a pas choisi la paresse, loin de là. Elle souhaite travailler, mais pas à n’importe quelle condition. Émerge chez elle les questions des rémunérations, de l’utilité et des conditions de travail, de la hiérarchie trop ossifiée, ou encore de la reconnaissance. C’est 90% d’entre eux qui considèrent par ailleurs un projet entrepreneurial. Seulement, c’est aussi 35% de cette jeunesse, d’après notre enquête, qui admet manquer d’information pour se lancer dans l’entrepreneuriat, ou pour qui entrepreneuriat est synonyme de “galères”.
Cette génération climat, hyper sensible à l’écologie et aux questions de discrimination, désire plus que les précédentes se former continuellement et investir le monde du travail pour le bouleverser de l’intérieur. Les 800.000 jeunes français qui entrent chaque année sur le marché de l’emploi couplés à notre démographie française dynamique sont notre plus grand espoir. Ce ne sont pas essentiellement des Pouvoirs Publics et l’État que les transformations essentielles à la société viendront. Elles viendront pour une grande part de la société française elle-même.