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Le système social français à l’épreuve du vieillissement 

Mis en place au sortir de la Seconde Guerre mondiale, la protection sociale régit les solidarités et les transferts entre les générations. Mais la baisse des naissances et le vieillissement viennent ébranler un système imaginé dans une période de croissance démographique et économique. Tour d’horizon avec Renaud Villard, directeur général de L’Assurance retraite, des principaux défis qui s’annoncent… et de quelques idées reçues. 

Sur quels principes fonctionne le système de protection sociale  ? 

La protection sociale est un ensemble extrêmement vaste, qui représente environ 600 milliards d’euros par an. Il y a d’abord le risque-socle, universel, assuré en général par la Sécurité sociale, qui permet de se protéger face aux risques maladie, retraite, famille et chômage. Puis il y a un deuxième étage, parfois optionnel, qu’on connaît plutôt pour la santé avec les mutuelles ou les complémentaires, qui va garantir un confort plus important face à ce risque. La protection sociale obéit à deux grands principes, qui fondent la promesse de la République sociale : la solidarité et la contributivité. Concrètement, solidarité cela veut dire que les bien portants paient pour les malades, les actifs pour les chômeurs et les retraités, etc. Contributivité parce que le montant ou la prestation dont on bénéficie est en général corrélé au niveau de revenu. 

La protection sociale reposerait exclusivement sur le travail  ? 

Elle est beaucoup basée sur le travail, mais moins qu’elle ne l’a été et moins qu’on ne le croit. Par exemple, la contribution sociale généralisée (CSG) est assise sur les revenus du travail mais aussi sur les revenus du capital. Cela renforce cette logique de justice sociale, car si les revenus du capital ne contribuent jamais à la protection sociale, cela pose des difficultés. 

Le vieillissement est-il une menace pour le système de protection sociale  ? 

On ne s’en rend pas compte, mais celles et ceux qui partent à la retraite aujourd’hui sont nés au pic du baby-boom, quand il y avait quasiment un million de naissances par an. Nous sommes en train d’absorber cette vague démographique, et cela se passe bien. Il va falloir ensuite prendre en compte le fait que les jeunes seniors d’aujourd’hui sont les très vieux de demain. Vieillir est une chance, ce n’est pas une maladie. Evidemment, on consomme plus de soins en vieillissant et on perçoit une pension de retraite, mais l’enjeu va être surtout de favoriser un vieillissement en bonne santé, grâce à la prévention. Une personne qui vieillit en bonne santé et à domicile, c’est une place en EHPAD à plusieurs dizaines de milliers d’euros par an en moins 6 000 euros par mois en moins. Une récente étude de la DREES montre qu’en 15 ans, l’espérance de vie, déjà élevée, a très peu progressé en France mais que l’espérance de vie en bonne santé a énormément augmenté. L’impact est considérable, car une personne âgée en bonne santé ne coûte pas beaucoup plus cher qu’un jeune en bonne santé.  

Malgré les réformes, avec des retraités toujours plus nombreux et des dépenses qui explosent, le système de retraites est-il condamné à être déficitaire  ? 

C’est faux ! Non, je ne le crois vraiment pas. D’abord, on l’a oublié, il a pendant longtemps été excédentaire. Et puis surtout, rappelons-nous qu’en 2000, nous avions peur de nous heurter au mur démographique du papy-boom. Le Conseil d’orientation des retraites (COR) prédisait qu’en 2030 le système de retraite serait en déficit de 100 milliards d’euros. Aujourd’hui, on prévoit plutôt un déficit de 10 à 15 milliards. Il y a eu 85 milliards de corrections, avec des réformes parfois difficiles. Donc le système est en réalité extrêmement piloté… et courageusement car le sujet est parfois épidermique ! Un système de retraite, ne peut pas être durablement en déséquilibre. Ce n’est pas une question d’orthodoxie budgétaire ou de grands principes : si le système de retraite est en déséquilibre, ce ne sont pas les actifs mais les futurs actifs qui paient pour les retraités. Et ce n’est pas à la génération qui vient dans 10, 20 ou 40 ans de payer. 

Le système de protection sociale est-il « trop généreux » ? 

Le vrai débat, c’est quelle est la part socialisée et quelle est la part individuelle dans le remboursement. Quand vous avez une lourde maladie, qui va coûter 500 000 euros, est-ce que vous êtes sur un système à la française où ce montant va être socialisé et votre reste à charge quasiment égal à zéro, ou est-ce que vous êtes dans un système à l’anglo-saxonne, où le reste à charge sera plus important et lié au choix de couverture que vous avez fait. Dans un modèle on mutualise totalement le risque, dans l’autre on le met en responsabilité individuelle. C’est un vrai débat de société. Est-ce qu’on mutualise trop pour certains sujets ? Jusqu’où un risque relève-t-il de la socialisation ? Jusqu’où doit-on élargir le champ de la protection sociale ? Il n’y a pas de bonne réponse, l’important est que ce soit un choix politique, en conscience, et pas un choix technique. C’est aux assurés et aux concitoyens de décider quand ils votent. Effectivement, le niveau des retraites en France est élevé par rapport à d’autres pays et les jeunes ont un taux de pauvreté plus élevé. Est-ce un choix politique ou est-ce un choix par défaut ? Dans le premier cas, c’est entendable. Dans le second, ça ne l’est pas. 

La protection sociale ne serait pas assez souple pour s’adapter aux évolutions de la démographie 

Elle s’adapte en permanence. On a la grande chance d’avoir tous les ans un projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), maintenant bien connu de l’opinion publique. Il permet de bouger aussi bien les grands principes que des choses très pragmatiques. La protection sociale s’adapte toujours aux réalités de la vie sociale et de la vie professionnelle. Heureusement, car ses grands principes ont été construits pendant les Trente Glorieuses, dans un monde bien différent de celui-ci. Il y a 20 ans, il n’y avait pas de travailleurs des plateformes, cette frontière grise entre salarié et indépendant n’existait pas. C’est un exemple d’adaptation permanente, parfois un peu vertigineuse et parfois compliqué pour les équipes ou pour les assurés. 

Les jeunes n’auront pas de retraite  ? 

Non, au contraire ! Le système de retraite est piloté pour leur garantir une retraite d’un bon niveau. On ne le sait pas nécessairement, mais on prélève 28% de votre salaire tous les mois pour payer les retraités. Ce serait profondément injuste que de dire : « vous allez payer 28% tous les mois pour les retraites de vos aînés mais vous, en revanche, vous n’aurez rien ». Nous faisons des projections sur très long terme justement pour vérifier que le système par répartition tient bon. Et il est extrêmement solide. Encore une fois, on parle de 10 milliards de déficit. Evidemment, il faudrait le corriger, mais il faut les rapporter aux 380 milliards représentés par les pensions : l’essentiel est financé. Ici, la transparence est essentielle pour garantir aux jeunes qu’ils ne cotisent pas à perte. 

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