La part des retraites dans le PIB va forcément augmenter, vu l’évolution de la démographie française. Une fois cette certitude entendue, il reste nécessaire, selon Jean-Hervé Lorenzi, de faire la réforme des retraites telle que l’a présentée le gouvernement pour une question de justice vis-à-vis des jeunes générations. Mais sans s’arc-bouter sur la question de l’âge pivot, qui s’imposera, de toutes les façons, dans un futur proche.
Oui, il faut faire la réforme des retraites . En 2050, un Français sur trois aura plus de 60 ans, il y aura alors sept personnes âgées de 60 ans ou plus pour dix de 20 à 59 ans. Aujourd’hui donc il n’y a que 20 % de la population active qui reçoit 14 % du PIB sous forme de retraite, en 2050 ce sera plus de 30 %, ce qui signifie simplement, et cela est parfois oublié, qu’il faudrait que ces 14 % de la richesse produite chaque année passe à 21 ou 22 % payés évidemment par les jeunes et les actifs. C’est la raison pour laquelle tout ceci n’a rien à voir avec le régime par points.
S’il n’y a pas une augmentation significative du montant consacré aux retraites dans le PIB, le problème n’est pas tant celui d’un déséquilibre financier que d’une baisse inéluctable, chiffrée, du niveau moyen des pensions. Lorsque certains disent , ce n’est qu’une simple évidence arithmétique qui concerne, d’abord et avant tout, le système existant et qui est inscrit, faut-il le rappeler, dans la logique des réformes précédentes, notamment pour les salariés du privé dans la réforme Balladur de 1993, qui indexe leurs pensions sur les prix et non pas sur les salaires, sachant qu’ils évoluent moins vite.
Recherche d’une plus grande égalité
Première constatation : on augmentera vraisemblablement la part des retraites dans le PIB, quoi qu’il arrive. Deuxième point : cette augmentation, qui pèsera essentiellement sur les jeunes et les actifs, ne peut se faire que dans la transparence et la recherche d’une plus grande égalité , car on l’oublie parfois, notre système actuel est très inégalitaire et surtout pas crédible pour l’avenir. 70 % des jeunes dans tous les sondages ne croient pas à un système de répartition pour eux. C’est pourquoi le système par points est si important.
Enfin, dernière vérité à rappeler, lorsque certains voient dans toute cette opération la main démoniaque des financiers, nous avons le triste sentiment de nous retrouver dans un débat vieux de trente ans, celui de la capitalisation ou de la répartition. N’en déplaise à ceux qui agitent cette hypothèse inexacte, les Français épargnent déjà pour leur retraite, sous des formes multiples mais notamment en achetant leur logement et en plaçant une large partie de leur épargne dans des contrats d’assurance-vie. Il faut le redire, il y a en France 35 millions de contrats d’assurance-vie pour un montant de 1.700 milliards d’euros bloqués pendant huit ans. Les deux seuls vrais fonds de pension existants sont ceux des fonctionnaires, le Préfon et l’ERAFP.
Impact de la pénibilité
Demeure le blocage actuel. Il faut que le gouvernement corrige très vite les maladresses de ce projet et accepte d’une manière ou d’une autre de retirer cet âge pivot , qui est d’autant plus inutile que les Français, favorables en majorité à une réforme des retraites car ils ont conscience de la fragilité du système, vont doucement mais sûrement vers cet allongement progressif de la durée de vie au travail. Mais surtout, il nous faut régler de manière très rapide la proposition sur l’augmentation des salaires des enseignants et du personnel hospitalier.
Les déclarations générales ne suffisent pas et les calculs à faire devraient pouvoir être réalisés rapidement car il ne s’agit pas d’un problème arithmétique insurmontable : comment faire pour que le niveau moyen des retraites étalé sur toute une carrière permette que ce niveau soit égal à 75 % de la rémunération des six derniers mois des personnels. Enfin, nous devons connaître au plus vite la durée de vie à la retraite de chacune des catégories socioprofessionnelles et en déduire, ce qui est la plus grande des justices, la prise en compte de l’impact de la pénibilité sur la durée de vie d’un individu. Sur tout le reste, et à ces trois conditions, la raison peut l’emporter.