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Les acteurs du logement en France

La crise du logement est complexe et les acteurs impliqués dans sa résolution sont nombreux. Qui sont-ils ? Quels sont leurs rôles et quels enjeux poursuivent-ils ? Pour y voir plus clair sur ce marché atypique, où l’équilibre entre offre et demande n’existe pas, Anne-Lise Humain-Lamoure dessine une précieuse cartographie des différentes parties prenantes.

L e logement est une préoccupation importante (les dépenses de l’ensemble des acteurs représentent près d’un quart du PIB1) : sa répartition, sa nature influent sur la vie des ménages et sur la morphologie des territoires.

Or cette « marchandise » est singulière car indissociable du sol sur lequel elle est construite. La localisation (le foncier) en modifie la valeur qui en outre dépend de cycles de valorisation et dévalorisation aux facteurs multiples. Le logement, lieu de vie et marqueur social, intègre une valeur d’usage et de représentation symbolique. S’y ajoutent encore deux particularités. L’intervention de la puissance publique y est forte. L’équilibre entre offre et demande n’existe pas : les ménages font des choix sans une totale connaissance du marché tandis que l’offre est majoritairement le fait de professionnels qui le structurent. Quels sont les acteurs de l’ensemble de ces processus ? Par leurs moyens juridiques, politiques et financiers, leur échelle d’action, ils n’ont pas la même importance. C’est ainsi qu’ils sont présentés ici, sans prétendre à l’exhaustivité.

« Le logement,
lieu de vie et marqueur social, intègre une valeur d’usage et de représentation symbolique. »

ANNE-LISE HUMAIN-LAMOURE

Les acteurs publics sont structurants. L’État contrôle les cadres règlementaires, une part de la gestion du parc social, les grandes actions de renouvellement urbain, les aides aux ménages, aux investissements privés, la redistribution par une fiscalité à la production, à l’acquisition, à la cession et à la détention. Les municipalités et intercommunalités contrôlent la planification de l’habitat, l’usage du foncier et la maîtrise d’ouvrage d’ensembles urbains (via des sociétés d’économie mixte). Mais l’effort financier de l’État a baissé depuis 15 ans. Il privilégie des dispositifs de défiscalisation, d’accession à la propriété, se désengage du logement social en y associant des acteurs privés (entreprises sociales pour l’habitat, contribution logement des entreprises). La décentralisation s’inscrit dans ce mouvement : chaque territoire est censé avoir les moyens de sa politique, de fait beaucoup s’associent à des acteurs privés. Grâce au contrôle du foncier, une municipalité peut aussi négocier les caractéristiques des futurs logements dont le profil des habitants, favorisant ainsi selon ses choix une mixité ou une homogénéité sociale.

Les acteurs privés sont nombreux, déterminants dans la construction et les transactions (par an 370 000 logements neufs construits, un million de logements anciens vendus)2 : propriétaires fonciers, entreprises du bâtiment, aménageurs et promoteurs, architectes, investisseurs. De grands groupes comme Nexity, Altarea, Bouygues, Kaufman & Broad ou Icade développent plusieurs métiers (construction, commercialisation, gestion) et sous-traitants (équipements). Internationalisés, ils diffusent de nouveaux produits immobiliers comme les résidences fermées. Ils acquièrent ainsi un grand rôle dans la fabrique de la ville. De même, le marché de la location est de plus en plus structuré par des sociétés foncières ou immobilières, parfois promoteurs comme Altarea ou BNP Paribas Real Estate. Les banques et sociétés de crédits immobiliers sont des acteurs clés pour les ménages (environ 30 %). Certaines banques ou sociétés d’assurance développent des filiales immobilières, toutes proposent de la « pierre papier », prisée par les gestionnaires d’actifs. Des fédérations professionnelles (de promoteurs, géomètres-experts, syndics, etc.), comme la Fédération Nationale de l’Immobilier (FNAIM), influent sur les politiques nationales.

Les particuliers contribuent à modifier le logement par leurs stratégies résidentielles. 58 % des ménages sont propriétaires de leur résidence principale, 25 % locataires dans le parc privé, 18 % dans le parc social. Si les prix et les loyers ont quasi doublé en 20 ans, cette moyenne cache de fortes disparités. Seuls les ménages les plus aisés peuvent miser sur un accroissement de la rente foncière (induisant induration des beaux quartiers ou gentrification des grandes villes). Mais la plupart n’ont que les moyens de stratégies d’évitement de certains quartiers alors dépréciés. Des dispositifs de participation (certains obligatoires en matière d’urbanisme) permettent aux habitants de prendre part aux projets locaux. Mais seules quelques associations luttant pour le droit au logement, l’amélioration de l’habitat (Emmaüs, Droit Au Logement) pèsent à l’échelle nationale.

Enfin, les (re)localisations des entreprises ont un impact sur le logement, mais la dissociation entre lieux d’emploi et de résidence est croissante. Les voies de transports (et donc les Régions) conservent un rôle structurant. À la marge, les locations touristiques (Airbnb) accroissent la pénurie et le coût des logements dans des centres-villes.

Le logement concerne des acteurs nombreux aux enjeux divergents : assurer un droit au logement décent et cerner des besoins mouvants ; construire des logements accessibles et rentables en améliorant leur qualité environnementale ; favoriser la mixité sociale en maintenant un niveau d’aide publique acceptable.

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