Amorcée au printemps 2020, l’appréciation de la monnaie unique s’est poursuivie durant l’été, atteignant à la mi-août son plus haut niveau face au dollar depuis deux ans (1,19 $ pour 1 €). Valérie Mignon explique les raisons d’une telle évolution et quelles sont les conséquences pour l’économie française.
L’appréciation de l’euro face au dollar s’explique à la fois par des facteurs conjoncturels et des aspects plus structurels. La période reste marquée par une très vive incertitude, affectant tout particulièrement les États-Unis fortement touchés par la crise sanitaire. Le gouvernement américain est vigoureusement critiqué sur sa gestion de la pandémie, ce qui peine à convaincre les investisseurs. Cette incertitude est en outre accentuée par les tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine, qui, loin de s’être affaiblies durant la crise actuelle, se sont au contraire endurcies.
Ces facteurs s’ajoutent à des aspects plus structurels concernant l’économie américaine. Outre les violences raciales, un taux de pauvreté et des inégalités (notamment en matière d’accès aux soins) qui ne cessent de s’accentuer, les craintes sur la reprise économique américaine sont renforcées par les difficultés à trouver un accord sur le régime d’allocations chômage.
L’appréciation de l’euro est ainsi liée à l’affaiblissement du dollar, résultant des craintes sur l’économie l’américaine liées à la gestion de la pandémie et aux prises de position – notamment vis-à-vis de la Chine – de Donald Trump.
La dynamique à la hausse de la monnaie unique est aussi à mettre au crédit des instances européennes qui ont fait preuve d’une vive réactivité dans la gestion de la crise. Réunis en Conseil extraordinaire à Bruxelles fin juillet, les dirigeants de l’Union européenne sont parvenus à un accord sur un plan de relance visant à faire face à la pandémie et sur un budget à long terme de l’Union. Outre le signe d’une gestion coordonnée et active de la crise, ce plan a mis en avant un attachement fort des États membres à la monnaie unique, réaffirmé tout particulièrement par l’Allemagne, contribuant à accroître les flux de capitaux vers la zone euro et à renforcer la devise européenne.
L’appréciation de la monnaie unique peut-elle entraver la reprise économique en Europe ? Si un euro fort allège la facture – notamment si elle est libellée en dollars – des importations, cela pénalise évidemment les exportations. Outre le secteur du tourisme déjà très fortement affaibli par la pandémie, les secteurs manufacturiers exportateurs (automobile, aéronautique, agriculture, luxe) sont les plus touchés. L’ampleur de ces effets ne doit toutefois pas être surestimée dans la mesure où les exportations françaises se situent surtout au niveau intra-européen.
Une attention particulière doit par ailleurs être portée à l’impact sur l’inflation. Alors que nous sommes déjà bien loin de la cible affichée de 2% par la Banque centrale européenne, la baisse du coût des produits importés engendrée par l’appréciation de l’euro contribue à tirer l’inflation vers le bas. Ce mécanisme pourrait alors impacter les salaires et, en conséquence, la croissance. Il est bien entendu beaucoup trop tôt pour envisager un tel scénario en France, d’autant plus si la reprise économique passe par une relance de la demande intérieure aidée par une hausse de la confiance des ménages et des entreprises.
A la crise sanitaire et aux réactions des gouvernements pour y faire face, s’ajoutent les élections américaines à venir, autant de facteurs qui contribuent à accroître l’incertitude et rendent difficiles toute prévision quant à l’évolution de la monnaie unique.