Le remplacement d’un mode de calcul de la retraite par un autre fait apparaitre forcément des gagnants et des perdants selon Alain Trannoy.
Le système par point n’y échappe pas quel que soient ses vertus en termes d’équité. Les perdants vont se manifester, et c’est bien normal après tout, vu l’enjeu financier que représente le versement de la pension de retraite pendant une vingtaine d’années. Tout gouvernement est obligé de lâcher du lest aux perdants pour limiter leurs pertes dans une longue période de transition. De fait, même si la réforme était équilibrée au départ, à l’arrivée elle ne l’est plus. La question de qui va payer au cours de cette longue période de transition devient dès lors cruciale. Les réponses consistantes, comme au cours des réformes précédentes à se défausser sur la croissance et la dette ne sont pas praticables aujourd’hui. La croissance est trop faible et le pays est endetté à hauteur de 100%. Il n’y a dès lors que trois solutions, soit travailler plus, solution proposée par le gouvernement, soit augmenter les prélèvements, solution préconisée par la CFDT, soit baisser le niveau actuel des pensions de retraite. Pour le gouvernement, accepter la solution de la CFDT c’est se déjuger sur le plan économique car cela revient à augmenter les impôts alors qu’il a fait une marque de fabrique de les baisser. Quant à la baisse du niveau des pensions actuelles, elle aurait un coût politique dans les urnes. En acceptant la conférence de financement proposée par la CFDT, le gouvernement se dirige vers un compromis sous la forme d’un cocktail des trois solutions. La situation du gouvernement ressemble à celle d’un boxeur qui aurait à affronter deux autres boxeurs sur le même ring, d’une part les syndicats qui refusent la réforme autour de la CGT et de FO, et d’autre part les syndicats réformistes autour de la CFDT et l’UNSA. En cédant aux premiers sur les régimes spéciaux, il est dès lors poussé dans le coin du ring où la question du financement devient centrale et où il doit affronter le front uni des syndicats. Le gouvernement risque alors de payer cher le fait de ne pas s’être entendu au préalable avec les syndicats réformistes.