Quelles pistes pour réorganiser notre système de santé ? La pandémie de Covid-19 et ses effets sanitaires et économiques ont mis en avant à la fois la résilience du système de soins français, mais aussi ses faiblesses, voire ses errements.
Comparaison n’est pas raison. Selon l’auteur de cette note, notre système de santé n’est ni le meilleur au monde comme certains le prétendent, ni le pire comme d’autres le laissent entendre. Les deux constats doivent être relativisés mais le secteur de la santé et l’hôpital sont arrivés à la croisée des chemins et nécessitent une profonde réorganisation, une vraie réforme.
Après un rappel historique utile à la compréhension de l’état de notre système aujourd’hui, Jean-Martin Cohen-Solal balaye les pistes d’actions : crise des urgences, remotivation, respect et revalorisation des équipes soignantes, proximité (pas gage systématique de qualité), révolution des nouvelles technologies, prévention… Sans parti-pris, l’ancien Directeur général de Mutualité Française bat en brèche quelques idées reçues.
Notre système de santé autrefois considéré comme le meilleur du monde serait-il devenu maintenant le pire ?
Trop souvent les jugements et réactions manquent de nuance, comme dans bien d’autres domaines.
Ce n’était pas le meilleur, ce n’est pas aujourd’hui le pire.
Chaque pays a un système de santé et de protection sociale qui dépend de son histoire, de ses valeurs, des comportements des citoyens, des moyens consacrés à la santé collectivement et/ou individuellement. Comparer d’un pays à l’autre est certes tentant, permet des enseignements, mais se révèle souvent peu concluant.
Je me dois de préciser d’où je parle : baby boomer, médecin généraliste ayant exercé 42 ans en cabinet libéral à temps plein, puis à temps partiel, ayant eu des responsabilités dans des cabinets de ministres de la santé et dans le monde mutualiste. Récemment retraité, j’ai repris du service à l’occasion de la pandémie pour assurer des gardes de régulation au Centre 15 du Samu de Paris, puis pour vacciner durant plus d’un an. J’ai ainsi repris contact avec la médecine d’urgence et de très nombreux patients et professionnels de santé. Je préside également depuis quelques années une association gérant 12 Centres Medico Psycho Pédagogiques en Île- de-France qui suivent des enfants autistes. Donc ni un économiste, ni un chercheur mais plutôt un praticien et un observateur un peu privilégié des évolutions positives et négatives de notre système de santé.
L’agression du Covid sur un système déjà souffrant
Le système de santé a subi un choc très violent avec la pandémie de Covid-19, choc qu’il est parvenu à encaisser mais qui l’a profondément déstabilisé.
Depuis des années il subissait des chocs plus « mous » mais qui laissaient présager des difficultés à venir. Depuis près de 10 ans un homme comme Laurent Berger ne cesse de dire en public et en privé son inquiétude sur cette situation, à partir de sa connaissance de ce système et de ses contacts fréquents avec ses acteurs, pendant que beaucoup continuaient à vanter le « meilleur système de santé du monde ».
Ces « chocs mous » touchent tout autant la médecine de ville que la médecine hospitalière ; ils sont pluri factoriels et découlent des évolutions démographiques, des bouleversements scientifiques et technologiques, de la dégradation des conditions de travail et de rémunération des personnels paramédicaux et à la réduction du nombre de médecins en exercice. Il faut y ajouter la place insuffisante faite à la prévention et à la réduction des inégalités sociales de santé et aussi la demande croissante de santé de nos concitoyens et à la surcharge administrative liée notamment à des exigences légitimes de sécurité.
Le « choc dur » de la pandémie n’a fait que rendre plus visibles et plus insupportables les inadaptations aux évolutions. Les solutions proposées sont trop souvent manichéennes : augmentation massive des recrutements (alors que nombre d’offres d’emploi ne trouvent pas de candidat), augmentation massive des rémunérations (mais sans augmenter les prélèvements sociaux), non fermeture ou même réouverture de lits hospitaliers (alors qu’il faut privilégier l’ambulatoire), supprimer le numerus clausus (à l’inverse de ce qui a été fait dans les années 1980/2000)…
A l’hôpital, l’explosion actuelle est la conséquence directe de la crise du Covid-19. Durant cette pandémie tous les soignants se sont investis de la mission de faire face et de tenir. Et ils ont réussi ensemble. Pendant la crise sanitaire, le pragmatisme a prévalu et on les a laissé s’organiser par eux-mêmes, transgressant certaines règles et procédures excessives, tout ben leur donnant les moyens nécessaires. Ils ont su travailler en équipe, tous mobilisés autour d’un objectif commun, avec parfois un effacement provisoire des hiérarchies, au nom de l’efficacité. Par exemple, on a vu des chefs de service de chirurgie se transformer en aides-soignants de réanimation parce que le besoin était celui-là. Ils sont ensuite revenus au statu quo ante. Les personnels semblent souffrir d’une sorte de traumatisme post traumatique qui leur rend insupportable ce retour au statu quo ante. Certains quittent déçus et résignés les hôpitaux publics.
Une mue à faire
La première préoccupation des français après le pouvoir d’achat est la santé. Déjà avant la crise du Covi-19 le sujet était en tête des inquiétudes en raison de déserts médicaux et des tensions de plus en plus fortes dans les hôpitaux.
Il est temps de repenser le système de manière efficace et en répondant aux besoins actuels de nos concitoyens à partir de la médecine de leur quotidien, la médecine de ville. Ce système devrait être plus accessible et plus efficace en termes de résultats d’espérance de vie et de lutte contre les inégalités de santé.
La médecine française n’a pas vraiment effectué sa mue entre la médecine de réparation, celle de l’après-guerre, et ce que l’on appelle la médecine des 4 P (préventive, prédictive, participative, personnalisée), celle d’aujourd’hui et de demain.
Des constats défiant des idées reçues
On est face à un paradoxe : le ressenti est qu’il y a de moins en moins de moyens dans notre système de santé alors que les dépenses de santé ont considérablement cru ces dernières années.
Quelques chiffres
- Les dépenses de santé sont passées de 140 milliards en 2000 à 210 milliards en 2020, 50% d’augmentation en 20 ans, une croissance bien supérieure à celui du PIB.
- Nos dépenses de santé sont actuellement de 12,4 %, à peu près comme en Allemagne, Suisse et le Japon, loin derrière les USA(18%), alors que ce pourcentage est de 8,8 % en moyenne parmi les pays de l’OCDE. Cela représente 5300 € par habitant, contre 10 000 aux USA, 6500 en Allemagne, 3600 en Italie et Espagne et 4 000 € en moyenne dans l’OCDE.
Malgré ces dépenses importantes le mécontentement est général : les citoyens, les professionnels de santé médicaux et non médicaux, pratiquant en ville, à l’hôpital public ou privé, à but lucratif ou non, les élus, les gestionnaires…
Les Français sont globalement bien soignés pour des pathologies graves surtout, sans aucune sélection à la prise en charge. Pour l’illustrer, après un appel téléphonique, au moindre doute le Samu envoie des secours, la règle est « le doute profite au patient », peu nombreux sont les pays où l’on fait de même.
Le reste à charge après prise en charge par l’assurance maladie et les complémentaires santé (mutuelles, assurances) est le plus faible des pays de l’OCDE : 9,8% en France, 23,8% en Espagne,23,1 en Italie, 12,4% en Allemagne, pour 18,2 en moyenne de l’OCDE.
Mais la performance en terme d’espérance de vie n’est pas à la hauteur de ces investissements et surtout les inégalités persistent ou même s’accroissent.
Quelques chiffres
- L’espérance de vie à la naissance est passée de 2010 et 2019 de 84, 7 à 85,6 ans chez les femmes et de 78 à 79, 8 ans chez les hommes nous plaçant parmi les premiers pays au monde. Nous sommes moins performants pour l’espérance sans incapacité (7 ème en Europe pour les femmes et 9 ème pour les hommes). Mais surtout on constate 13 ans d’écart pour l’espérance de vie à la naissance chez les hommes entre les 5 % les plus aisés et les 5 % les moins aisés, cette différence étant de 9,8 ans chez les femmes. L’’espérance de vie est de 4,4 années plus longue pour les hommes ayant eu le bac et 2, 5 années chez les femmes.
- Quant à la mortalité infantile elle est passée de 4,5 pour 1000 naissances en 2000 à 3,32 en 2012, pour remonter à 3,56 en 2019 ; cette évolution préoccupante touche principalement la période néonatale précoce et les familles de condition modeste.
- Sur le plan de la santé publique on constate que 16, 5 % des moins de 15 ans fument en moyenne dans les pays de l’OCDE alors qu’ils sont 24 % en France, quant à l’alcool nous consommons, encore 11, 4 litres par personne alors que la moyenne OCDE est de 8,7 l par personne.
- 54% des hommes, 44% des femmes de 18 à 74 ans et 17% des enfants de 6 à 17 ans sont en surpoids ou obèses ; depuis 50 ans, les jeunes de 9 à 16 ans ont perdu 25% de leur capacité physique.
- 66% des 11-17 ans présentent un risque sanitaire préoccupant avec plus de deux heures d’écran par jour et moins de 60 minutes d’activité physique par jour.
Le problème des « déserts médicaux » ne fait que croitre, il est la résultante d’un problème d’aménagement du territoire devenu un problème de santé et maintenant un vrai problème « politique ».
On observe en effet chez les populations résidant dans les déserts médicaux des retards de prise en charge des pathologies aiguës (AVC, infarctus), un manque de dépistage et de suivi de certains cancers, mais aussi et surtout des maladies chroniques (diabète, hypertension) qui demandent des soins de support par des paramédicaux (kinésithérapie, orthophonie) eux aussi moins disponibles. Cela entraine davantage d’abandon de soins : le risque est le découragement ou le déni. Quand les délais avant de voir un professionnel de santé sont longs, kilomètres à parcourir nombreux.
Les errements de la démographie médicale depuis les années 70
Par rapport aux besoins constatés, on manque de soignants, médecins et non médecins, et tous s’estiment insuffisamment reconnus et mal remunérés.
On n’a pas formé assez de médecins durant des années . Aux débuts de la discipline de l’économie de la santé, au milieu des années 1970, devant l’envolée des dépenses de santé, on professait que pour maitriser cette évolution, la solution était de diminuer l’offre, notamment de médecins. Le constat était que le coût d’un médecin de ville était pour 1⁄4 de ses honoraires et pour 3⁄4 de ses prescriptions.
Les pouvoirs publics ont donc imposé un numérus clausus très strict pour entrer en faculté de médecine.
Quelques chiffres
Il y avait plus de 9000 étudiants en médecine en 1970, 8600 ont été autorisés en 1971 jusqu’à à un minimum de 3500 en 1993 avant de remonter peu à peu 4000 en 2001, 7400 en 2009 à 9300 en 2019 quand il a été supprimé.
Parallèlement on a incité, début 1988, les médecins « prescripteurs » à prendre leur retraite en leur versant une prime annuelle compensant le fait qu’ils arrêtent leur activité mais leur autorisant à pratiquer une activité pour laquelle ils ne prescrivaient pas (médecine scolaire, médecine du travail…). Ce mécanisme qui concernait en 1988 les médecins de plus de 60 ans a bénéficié aux médecins de 57 ans en 1996 avant d’être supprimé en 2003.
Les pouvoirs publics (de droite comme de gauche), sans opposition (au contraire) des syndicats médicaux, ont donc planifié le manque de médecins que l’on constate actuellement et qui crée les déserts médicaux. Ils n’ont anticipé ni les progrès formidables de la médecine, ni la démographie, ni l’allongement de la durée de la vie, ni l’explosion des maladies chroniques, ni l’augmentation de la demande de santé. Ils n’avaient pas plus prévu que le temps médical disponible tant en ville qu’à l’hôpital allait diminuer de part les évolutions sociétales et les règlementations (françaises et européennes) du temps de travail.
Quelques chiffres
- En 2019 il y avait 3,2 médecins/1000 habitants en France, 4,4 en Allemagne,4,3 en Suède, 3,6 aux Pays Bas mais 2,7 au Canada et 2,6 aux USA, 3,6 dans la moyenne des pays de l’OCDE.
- 320 000 médecins sont aujourd’hui inscrits à l’Ordre des médecins. Il n’y en jamais eu autant et pourtant la situation est plus préoccupante que jamais. 70 000 médecins sont retraités, la moitié en cumul emploi-retraite, la moitié n’exerçant plus du tout sauf à titre gratuit. 250 000 médecins ont une activité de pratique médicale à temps plein ou temps partiel. Mais le renouvellement générationnel fait que le nombre de médecins « entrants » est inférieur à celui des médecins « sortants ». Avec un vieillissement inquiétant puisque 44 % des médecins sont âgés de plus de 55 ans alors que la moyenne dans les pays de l’OCDE est de 34 %.
S’ajoute une baisse importante de l’attractivité de la pratique en ville comme à l’hôpital. Environ 20% des étudiants en médecine d’une promotion vont vers d’autres activités que le soin : starts up, industrie pharmaceutique ou biomédicale, communication etc, ils n’étaient que 6 à 7 % il y a une dizaine d’années.
Chez les médecins de moins de 40 ans on constate un accroissement de l’activité à temps partiel. Les plus jeunes pratiquent la médecine 4 à 4,5 jours par semaine. Il y a 3 ans c’était 5,5 jours. Cette tendance est forte en médecine de ville comme en médecine hospitalière, elle est due à une évolution générale de la société.
Heureusement qu’il y a de nombreux médecins étrangers, non diplômés en France (environ 4000 par an) mais peu exercent en ville.
Aller vers la médecine des 4 P impose de revoir le mode de pratique médicale. Beaucoup de représentants de la médecine libérale se réfèrent encore souvent à la Charte de la médecine libérale de 1927, écrite à l’époque contre les mutuelles qui assuraient alors seules la couverture santé. Elle repose sur 7 principes et notamment le libre choix, le paiement direct par l’assuré, la liberté totale de prescription, le secret médical, la liberté d’installation. Si certains de ces principes se justifient encore, comment peut-on se référer à un texte datant de quasiment un siècle alors que la pratique médicale et même toute notre société ont complétement changé. On constate également que l’exercice isolé dans son propre cabinet ou en cabinet simplement partagé est encore majoritaire en France alors que ce type de pratique ne devrait plus être qu’exceptionnel.
De plus la médecine de ville (on appelle médecine de ville tout ce qui est médecine non hospitalière) est très segmentée entre médecine générale (103 000 médecins) et médecine de spécialisée(125 000) avec un rapport inverse de ce qui serait souhaitable.
La rémunération de ces médecins, qu’ils estiment insuffisante, est principalement basée sur le paiement à l’acte. Depuis quelques années s’y ajoute une rémunération par forfaits sur objectifs de santé publique dont la part croit et qui est plus à même de rémunérer la prise en charge des maladies chroniques ou de la prévention par exemple.
Quelques chiffres
Selon l’OCDE, les généralistes gagnent en moyenne 3 fois le salaire moyen des Français, alors que les spécialistes gagnent en moyenne 5 fois le salaire moyen. C’est comparable à leurs confrères au Canada ; en Allemagne les généralistes gagnent 4,4 salaire moyen, les spécialistes 5,3, en Belgique 2,5 et 5,6.
Urgence veut dire vite ou grave ?
Le problème des urgences est en grande partie liée au manque de médecins, doit-on d’ailleurs parler d’urgence ou de soins non programmés ? La crise, longtemps sous-jacente, explose aujourd’hui. Pour les patients urgence signifie « vite », pour les médecins cela signifie « grave », d’où parfois une incompréhension.
La crise des urgences se situe au carrefour de plusieurs évolutions : du coté des usagers une forte demande de santé et souvent sans accepter le moindre délai, du coté des médecins de ville une désaffection des soins non-programmés (en milieu urbain, ils ne font pratiquement plus de visites à domicile). D’où la surcharge des urgences hospitalières pour des actes ne le nécessitant pas et ce au détriment des patients dont l’état le justifie et des personnels débordés, sans compter le coût pour la collectivité.
Jusqu’en 2003 la permanence des soins en médecine de ville était une obligation déontologique et le tableau de garde était sous la responsabilité des Conseils départementaux de l’Ordre des médecins. En 2003, le ministre Jean-François Mattei a cédé à la pression de la profession et la participation à la garde est devenue volontaire. Il s’est alors installé dans la culture professionnelle de nombreux médecins de ville qu’il n’était pas de leur ressort d’assurer gardes et permanence des soins.
Ceux qui ont fait ce choix n’avaient surement pas anticipé le fait que cela modifiait profondément l’organisation du système et accroissait l’hospitalo-centrisme que parallèlement ils dénonçaient.
On pourrait comme des pays, tels que le Danemark, organiser un tri des urgences en amont, par appel téléphonique systématique et accord préalable du centre 15 où un médecin évaluerait, au téléphone ou par téléconsultation, si le problème est réellement grave ou non.
La mise en place progressive des Services d’Accès aux Soins (SAS) doit permettre d’accéder à distance à un professionnel de santé pouvant fournir un conseil médical, proposer une téléconsultation, orienter selon la situation, vers une consultation non programmée en ville, un service d’urgence ou déclencher l’intervention d’un SMUR. Cette organisation nécessite une étroite collaboration entre la médecine de ville et les SAMU.
D’autres expériences sont en cours. En cas de doute sur la gravité de l’état d’un patient, le médecin régulateur peut envoyer chez le patient une équipe composée d’une ou deux personnes, dont une infirmière formée. Elle contacte le médecin du centre 15 par téléphone ou grâce à une valise de téléconsultation pour lui transmettre ses constats et qu’il prenne une décision.
Un système trop centré sur un hôpital en souffrance
A l’hôpital la crise est ancienne, liée aux rémunérations et aux conditions de travail des personnels, aux difficultés de recrutement, à la gestion des urgences, aux relations souvent difficiles entre secteur public, secteur privé non lucratif et lucratif et entre médecine hospitalière et médecine de ville.
L’hôpital est trop souvent considéré comme LE pilier du système de santé alors qu’il y a beaucoup plus d’actes médicaux pratiqués chaque jour en ville qu’à l’hôpital.
C’est le lieu de l’excellence en matière de pathologie grave, c’est un lieu de recherche, un lieu d’enseignement et de formation. C’est donc une référence incontournable. Mais on ne devrait faire à l’hôpital que ce que l’on ne peut faire qu’à l’hôpital.
Question lancinante : y a-t-il trop ou pas assez de lits hospitaliers, en ferme-t-on trop et pour quelles raisons ; faut-il des hôpitaux, quelle que soit leur taille, au plus près des populations ?
Quelques chiffres
Il y avait en France 484 000 lits hospitaliers en 2000, 396 000 en 2019. Il y a aujourd’hui 1400 hôpitaux publics, 1000 hôpitaux ou cliniques à but lucratifs et 680 à but non lucratif. Il y avait en 2019 5,8 lits pour 1000 habitants en France, moins qu’en Allemagne, Japon, Corée, plus qu’aux USA (2,8), Suisse (4,6) Suède (2,1), la moyenne des pays de l’OCDE étant de 4,4 lits / 1000 habitants.
Si des services hospitaliers ferment (provisoirement) trop souvent c’est la plupart du temps par manque de personnel médical et paramédical. Heureusement un certain nombre de médecins et d’infirmières étrangers viennent combler ces manques criants, mis ce n’est pas une situation durable.
Comment faire en sorte que les milliers de postes de paramédicaux disponibles dans nos hôpitaux trouvent des candidats. Il est temps de réfléchir au statut et à la rémunération des infirmières et de tout le personnel paramédical, on voit bien que les augmentations salariales du Ségur de la santé n’ont pas répondu aux attentes qui vont au-delà.
Quelques chiffres
Le nombre infirmières en France 11,1 / 1000 habitants la moyenne des pays de l’OCDE étant de 8,8, leur salaire étant 0, 9 % du salaire moyen alors qu’il est de 1,2 % dans les autres pays de l’OCDE, par exemple 1, 4 en Espagne, 1 au Royaume-Uni.
Si les personnels hospitaliers médicaux et paramédicaux quittent l’hôpital c’est en raison de la désorganisation mais aussi et surtout pour des raisons de rémunération et de manque de reconnaissance. Réduire les « malaise des infirmières » au seul sujet de la rémunération serait une erreur (les augmentations pourtant non négligeables du « Ségur de la santé » n’ont pas suffi à calmer le malaise). On cite d’ailleurs le chiffre de 180 000 infirmières formées et ne pratiquant pas ou plus cette profession.
Etant donné que leurs responsabilités et leurs missions avaient beaucoup évolué, les infirmières ne veulent plus être plus considérées dans le Code de Santé publique comme des « auxiliaires » médicales alors qu’elles sont devenues des partenaires fonctionnelles des médecins.
Il faut permettre d’adapter l’organisation du travail en fonction du type de spécialité et des spécificités locales et régionales. Par exemple certains paramédicaux souhaitent par exemple que la durée des vacations ne soit plus de 8 heures mais de 12 heures, notamment dans les régions où le temps de transport est long et le prix des loyers élevés. Cela demande un dialogue entre la direction, les médecins et les paramédicaux. Il faut prendre en compte les difficultés de vie liées à l’exercice de ces métiers et aussi que les collectivités locales, les centres hospitaliers proposent des logements, des crèches pour faciliter la vie et alléger les contraintes.
Par ailleurs, à l’hôpital il existe une surenchère tarifaire causée par le manque de médecins ou d’infirmières titulaires. Pour éviterÉCONOMIQUE
de fermer des services, certains établissements rémunèrent des intérimaires à des tarifs prohibitifs. Ce qui a encouragé des « mercenaires » à démissionner de leur établissement, devenir et profiter ainsi de cette aubaine. Pour contrer cette pratique qui pèse sur les budgets et désorganise les services, un texte législatif a fixé des plafonds de rémunération sous menace de sanction financière pour les établissements ne les respectant pas. En raison de la crise du Covid-19 ce texte n’a pas été vraiment été appliqué. Il faudrait le faire maintenant à la fois pour des raisons budgétaires et aussi pour pousser ces professionnels de santé à rester durablement dans ces établissements.
Les progrès thérapeutiques, le raccourcissement des temps de séjours ont également largement modifié le fonctionnement hospitalier.
Par exemple, une ablation de la vésicule biliaire se fait maintenant en ambulatoire (le patient passe moins d’une journée à l’hôpital ou à la clinique) alors qu’il y a 25 ans il restait hospitalisé une bonne semaine. Ce progrès qui demande une organisation rigoureuse des équipes médicales et paramédicales et une pression sur ces équipes avec de plus une modification des rapports avec le patient avec lequel les équipes paramédicales ont une relation différente et obligatoirement moins humaine et moins valorisante.
Il faut organiser le système en intégrant la gradation des soins, c’est à dire que le patient puisse entrer dans le système de santé au niveau le plus adapté à la gravité de sa pathologie.
Le financement de l’hospitalisation publique et privée est assuré depuis 2004, par la T2A (Tarification A l’Activité) aujourd’hui largement condamnée, mais comme l’ont été précédemment le financement par le budget global et encore avant le budget au prix de journée, donc il n’y a pas de solution miracle. Toute méthode trop rigide entraine des effets pervers qui nuisent au bon fonctionnement. Là encore, une évolution un peu plus en nuance intégrant des critères plus médicaux moins économiques permettrait de mettre en œuvre des progrès tant diagnostiques que thérapeutiques.
Pendant longtemps le poids des médecins a été beaucoup trop important dans la gouvernance de l’hôpital. Des textes plus récents ont probablement « envoyé le balancier » un peu trop loin. Il s’agit de trouver maintenant un bon équilibre entre le rôle de la direction (organisation globale et de suivi de l’équilibre économique des établissements sans aller vers un objectif de rentabilité) et celui des professionnels de santé (organisation des stratégies de soins) pour en arriver à un équilibre souhaitable pour assurer les missions de l’hôpital.
Proximité n’est pas synonyme de qualité
Aujourd’hui tout français doit pouvoir bénéficier du « juste soin » aussi rapidement que son état de santé le nécessite et sans risque de perte de chance.
En raison des progrès de la médecine, on ne peut plus faire rimer qualité avec proximité pour les prises en charge demandant une certaine expertise et une pratique régulière et fréquente.
Donc la remise en cause de « petits » hôpitaux et de petites maternités ne répondant plus aux critères de qualité et de sécurité se justifient, dans l’intérêt des patients. Il faut qu’une maternité fasse au moins 300 accouchements par an (soit moins d’un par jour) et qu’il y ait en permanence sur place ou joignable avec un accès rapide à l’établissement un obstétricien, un médecin anesthésiste, un pédiatre et des sages femmes.
Ces règles ont été fixées en 1998 ; entre 2000 et 2021 le nombre de maternités est passé de 720 à 480. Il s’en est suivi une augmentation de la taille de grosses maternités et l’apparition d’espaces géographiques où des femmes pouvaient rencontrer des difficultés pour être suivies ou accoucher. La part des femmes vivant à plus de 45 minutes d’une maternité est passé de 0,6 à 0,9 %. Pour y remédier, l’Assurance maladie prend en charge, depuis la mi-avril 2022, 5 jours d’hébergement avant la date d’accouchement prévue dans un hôtel proche de la maternité (avec un accompagnant) pour les femmes enceintes habitant à plus de 45 minutes de la maternité, ce qui parait une solution pragmatique raisonnable.
Pour les situations d’urgence avérée (accident cardiaque ou vasculaire accident de la circulation …) le point clé est le temps d’accès à un service d’urgences Tout ce qui permet de réduire délai va dans le bon sens, notamment l’utilisation de moyens de transports rapides (ambulances, mais aussi hélicoptères).
Faire face aux nouveaux défis
Il faut agir sur plusieurs fronts en même temps pour faire face aux nouveaux défis : temps médical individuel réduit, déserts médicaux, impérieuse nécessité de la mise en place d’une vraie culture de prévention, maintien à domicile des personnes âgées et des personnes en situation de handicap, prise en charge des maladies chroniques.
Une réorganisation s’impose, il faut prendre la mesure de ces évolutions techniques, épidémiologiques, sociales, sociétales, pour mieux anticiper et être à même d’adapter en permanence notre système de santé. Ne plus fonctionner en silos : médecine de ville, médecine hospitalière, hôpital public, établissements privés, établissements pour personnes âgée, …
Il est impératif de structurer l’équipe de soins, composée de professionnels de santé et du medico social à champ de compétence complémentaire. En ville comme à l’hôpital elle doit avoir des compétences partagées et optimisées pour améliorer la prise en charge du patient et l’accompagner. Il faut aussi exposer au patient le parcours de soins proposé et faire en sorte qu’il y adhère et qu’il le fasse sien.
Raisonner en temps médical disponible est plus juste que de raisonner en nombre de médecins ou d’infimières, tant la sociologie et l’organisation ont changé.
Les syndicats médicaux doivent accepter d’oublier la charte de la médecine libérale de 1927 et intégrer qu’un médecin de ville peut avoir un autre statut que libéral, que d’autres professionnels qu’un médecin peuvent prendre une tension artérielle, faire un vaccin, faire une prolongation d’ordonnance ou prescrire un antibiotique en cas de cystite récidivante. La rémunération à l’acte encore de loin la plus pratiquée en médecine de ville ne permet pas de remplir les besoins actuels, la prévention, la prise en charge des personnes âgées, la prise en charge des maladies chroniques, les soins palliatifs et également la permanence des soins…
Ne parlons pas d’une enième loi parlons des pratiques. On ne fera pas bouger le système, casser les silos si on veut le faire d’en haut. Il est impératif de trouver des solutions de proximité, oublier le jacobinisme, faire travailler ensemble tous les acteurs, sans oublier les patients, autour de territoires de santé, de taille variable selon les réalités de terrain. Les Agences Régionales de Santé, trop souvent décriées, ont, pour la plupart ont joué un rôle majeur durant la crise du Covid-19 ; elles doivent trouver leur place entre le niveau national et le niveau territorial pour stimuler les initiatives et pas seulement jouer le rôle de préfecture sanitaire.
Des avancées intéressantes pour accroitre le temps médical
Former un médecin demande 8 à 10 ans, recruter des médecins étrangers de bon niveau devient de plus en plus difficile. Le nombre de médecins ne pouvant pas être accru rapidement, c’est le temps médical disponible qu’il faut accroitre en revoyant le mode d’exercice en médecine ambulatoire et en déchargeant le médecin d’actes que d’autres professionnels peuvent assurer.
Ce partage de compétences ou même ce transfert de tâches entre médecin et une autre profession paramédicale a commencé avec la vaccination contre la grippe par les pharmaciens. La crise du Covid-19 a provoqué une accélération de cette pratique et l’a étendue à d’autres professions.
C’est de plus en plus le cas entre ophtalmologue et orthoptiste, celui-ci faisant tous les examens qu’il est à même de pratiquer, l’ophtalmologue n’intervenant qu’à la fin et si nécessaire, mais gardant la responsabilité de la prise en charge et ayant défini le cadre du partage de tache avec l’orthoptiste. L’ophtalmologue peut alors se consacrer à sa valeur ajoutée.
Il faudrait aussi développer le nombre et valoriser le rôle des IPA (Infirmières de Pratique Avancée). Cette qualification est obtenue après 2 années d’études supplémentaires. Elle permet de pratiquer beaucoup plus d’actes tant cliniques que préventifs. Les IPA pratiquent sous la responsabilité d’un médecin avec qui a été défini le cadre de délégation. Par exemple pour une pathologie aussi fréquente que l’hypertension artérielle, une IPA peut prendre a tension, interroger le malade, lui donner des conseils hygièno- diététiques, interpréter le résultat de ses examens biologiques et renouveler le traitement. Si nécessaire elle dirigera le patient vers son médecin traitant. Ceci demande un véritable travail en équipe, en confiance mais également la mise au point de protocoles. En ville comme à l’hôpital les IPA permettent d’accroître le temps médical, valorisent l’expérience et la carrière des infirmières et ainsi les encourage à demeurer dans leur profession. Un frein à leur développement est la nécessité de ralentir ou d’arrêter leur activité pendant les deux ans d’études supplémentaires (certaines ARS proposent des bourses) et l’insuffisante évolution de la rémunération liée à leurs nouvelles responsabilités.
En médecine de ville commence à se mettre en place des CPTS (Communautés Professionnelles Territoriales de Santé), qui regroupent les professionnels de santé d’un même territoire qui souhaitent s’organiser librement autour d’un projet de santé répondant à des problématiques locales. L’objectif est de faciliter et améliorer la prise en charge des patients, notamment la permanence des soins. Un certain nombre de CPTS ont existé déjà, il faut les faire connaitre, évaluer leur fonctionnement et les développer.
Les EPS (équipes de soins primaires) les centres de santé ou les MSP (Maisons de santé pluridisciplinaires) sont aussi des réponses à la fois aux « déserts médicaux » et au problème des soins non programmés.
Les unes sont un travail en commun de professionnels libéraux, les autres concernent des professionnels salariés, à temps plein ou temps partiel, à l’initiative des professionnels eux-mêmes, de collectivités locales, de mutuelles…
Il faut utiliser tous les mécanismes mis en place pour permettre des formes innovantes d’exercice de la médecine en équipe. Le partage des taches au sein d’une véritable équipe soignante qui tient lieu, de fait, du médecin traitant, contribuant efficacement à pallier aux déserts médicaux. Même si la population fait pression parce qu’elle accepte de plus en plus mal de ne pouvoir facilement accéder aux soins qu’elle estime nécessaires, la contrainte ne marchera pas. On aura beaucoup de mal à obliger un médecin ou une autre profession de santé à s’installer durablement dans un territoire où son conjoint ne peut trouver un emploi ou ses enfants un lycée correspondant à leurs aspirations.
L’essentiel est de faire en sorte d’accroitre le temps médical disponible par ces mesures structurelles ou des mesures plus ponctuelles mais qui associées les unes aux autres pourraient améliorer la situation. Par exemple, les assistants médicaux mis en place et en partie pris en charge par l’assurance maladie qui soulagent utilement les médecins des tâches administratives, de coordination, d’organisation…
La révolution des nouvelles technologies
Grâce aux nouvelles technologies, les starts up santé, les données, l’Intelligence artificielle, nous vivons une révolution qui permet d’aller vers plus de qualité, d’efficacité. Elles apportent également plus de fiabilité et de sécurité aux médecins dont le rôle d’écoute et de conseil des patients se trouve accru. Mais il faut éviter que la fracture numérique n’accroisse les inégalités. La télémédecine permet de rapprocher l’expertise du patient ; les circonstances particulières de la pandémie ont accéléré son développement ; pour compenser les déserts médicaux, elle devient indispensable. Il est préférable d’encourager la télémédecine assistée par une infirmière, une aide-soignante, formées, intermédiaire humain entre le patient et le médecin à distance, par exemple dans les EHPAD.
Le dossier médical est un outil structurant permettant d’aller vers un parcours de santé plus rationnel. Il est inconcevable aujourd’hui que le « carnet de santé » s’arrête à l’âge de l’adolescence. Il est indispensable que chacun puisse garder de manière sécurisée toute son histoire médicale, ses traitements, ses vaccinations, ses éventuelles allergies etc… Ceci permettrait un meilleur suivi avec tous les professionnels de santé qu’il aura choisis.
Ce dossier qui avait commencé à être mis en place au début des années 2000, attend toujours son vrai déploiement après plusieurs esquisses dont aucune n’a été convaincante. Tous sont réticents, patients (probablement par manque d’information, de négligence et/ou souci de protection de ses données), professionnels de santé (sous le prétexte d’alourdissement de leurs tâches administratives) pouvoirs publics (qui ont trop facilement reculé devant les réticences). Pourtant la valeur ajoutée est évidente.
La mise en place par l’Assurance maladie de « Mon Espace de Santé », nouvelle mouture du carnet de santé, intégrant des applications pratiques et rendant de vrais services aux patients et aux professionnels de santé doit devenir cet outil structurant et aujourd’hui indispensable, les nouvelles technologies.
En matière de formation médicale aussi les nouvelles technologies permettront aux professionnels de se former plus rapidement et plus facilement a formation médicale continue est encore beaucoup trop « aléatoire » ; si elle est théoriquement obligatoire depuis longtemps, rien n’empêche un professionnel de santé de ne jamais se former alors que les progrès médicaux ou les crises (on l’a vu récemment avec le Covid-19) la rend indispensable techniquement et éthiquement. Chacun doit pouvoir bénéficier du « juste soin » en fonction des données scientifiques les plus récentes et validées.
La prévention, la priorité depuis 40 ans
On ne peut que se réjouir que pour la première fois un ministre de la Santé soit ministre de la Santé ET de la Prévention.
Il n’y a pas de culture de prévention en France contrairement à d’autres pays notamment anglosaxons. Elle est pourtant depuis des dizaines d’années annoncée comme une priorité politique (par exemple première des priorités santé de François Mitterrand en 1981). Des progrès sont notables, par exemple pour la consommation de tabac et d’alcool, l’hygiène buccodentaire, le dépistage. Il y a 30 ans quand on était gêné par la fumée en réunion, on sortait, aujourd’hui c’est l’inverse, on ne fume plus en avion, en train et dans les lieux publics.
La consommation d’alcool a diminué mais les lobbies sont toujours très ou même trop présents. Se brosser les dents est devenu une habitude et le dépistage des cancers par exemple presque systématique.
Mais la France est toujours en retard en matière de prévention.
Demander aux médecins d’en être les maitres d’œuvre est tentant mais peu réaliste. L’expérience l’a prouvé, ils sont mal formés pour cela et trouveront toujours cela moins valorisant que le soin. De plus le champ de la prévention déborde largement le champ de la médecine. L’environnement, le logement, le transport, la nutrition, autant de facteurs qui influent directement sur notre santé.
C’est là aussi sur le travail d’équipe qu’il faut compter. De nombreuses professions de santé sont bien placées et à même d’être efficaces dans ce domaine. Infirmières, sage femmes, pharmaciens, kinésithérapeutes, diététiciens…
Pour faire émerger une culture de prévention il faut aussi aller vers prévention positive en montrant aux citoyens le bénéfice à court et moyen terme de la modification d’un certain nombre de comportements et commencer dès le plus jeune âge, à l’école notamment.
Dans ce domaine les inégalités sociales de santé sont majeures, la corrélation entre niveau de vie et obésité, consommation d‘alcool, de tabac, manque d‘exercice physique, pratique de dépistages est en effet évidente.
Pour être concret, on pourrait par exemple mettre en place des consultations systématiques à certains âges de la vie afin de faire de la prévention primaire et du dépistage.
Assurées par l’équipe de soins elles devraient être rémunérées en tenant compte du temps nécessaire et prises en charge par l’assurance maladie et /ou les mutuelles. Pratiquées par exemple à 25, 45 et 65 ans, elles permettraient de dépister et prendre en charge des maladies chroniques ou psychiques, de donner des conseils « hygièno-diététiques », de contrôler les vaccinations, d’encourager à l’exercice physique, d’anticiper et prévenir le vieillissement… et suivre toit cela dans « Mon espace santé ».
Des défis majeurs à relever
Les dysfonctionnements du système de santé sont encore plus aigus pour les personnes âgées, en situation de perte d’autonomie et les difficultés qu’elles rencontrent dans leur parcours de santé agissent comme un miroir grossissant.
Avec l’allongement heureux de l’espérance de vie les besoins de ces personnes vont bien sûr croitre. Le vieillissement est en lui-même une pathologie chronique lente qui favorise la survenue d’autres pathologies chroniques, aigues ou dégénératives.
Si l’on veut leur permettre aux personnes âgées et en perte d’autonomie de rester chez elles le plus longtemps possible et dans de bonnes conditions sanitaires et sociales il est impératif que le système se réorganise autour du domicile et qu’une équipe pluridisciplinaire les accompagnent.
Ensuite si une personne en perte d’autonomie nécessite un hébergement, comme pour la maladie, il faut réfléchir désormais en fonction de la gradation des besoins constatés. Il faut différencier les établissements qui prennent une personne âgée peu dépendante et en bon état général et ceux qui prennent une personne lourdement dépendante avec des altérations physiques et/ou psychiques. L’encadrement social et aussi médical devra être adapté aux deux types d’établissements.
Quant à un autre défi majeur qu’est la psychiatrie, sa crise est si grave, si inquiétante, qu’en parler nécessite une note ad hoc.
Plutôt une régulation reposant sur l’évaluation qu’une Grande Sécu
Pour certains, le remède ne pourrait être que la « Grande Sécu » qui conduirait une sorte de nationalisation pour faire face au manque d’efficience du système et à l’explosion des dépenses de santé. Ils préfèrent cela plutôt que d’encourager les acteurs publics et privés à innover.
S’il est légitime que notre système de santé soit régulé par l’État, c’est peut-être précisément dans sa mission de régulation que notre État est devenu le moins agile. Plus prompt à légiférer, à réglementer, à encadrer a priori plutôt qu’à encourager les initiatives et les évaluer a posteriori. Si l’État veut que son rôle de régulation soit efficace et accepté, il doit être d’abord garant et aller vers une vraie simplification administrative. Alors que chacun a pu observer que c’est grâce aux initiatives de terrain et aux coopérations que notre système a tenu pendant la crise, l’approche par la réglementation et le cloisonnement limite la place et le rôle des territoires dans la conduite de la politique de santé et encadre inutilement.
Le débat ne doit pas se faire qu’entre initiés. Il n’y a pas de solution unique venant d’en haut, il faut définir les moyens nécessaires et multiplier les expériences de proximité en tenant compte des évolutions, démographiques, sociales, sociétales, scientifiques et techniques puis les évaluer. On voit d’ailleurs qu’un certain nombre d’initiatives portent déjà leurs fruits.Le débat ne doit pas se faire qu’entre initiés. Il n’y a pas de solution unique venant d’en haut, il faut définir les moyens nécessaires et multiplier les expériences de proximité en tenant compte des évolutions, démographiques, sociales, sociétales, scientifiques et techniques puis les évaluer. On voit d’ailleurs qu’un certain nombre d’initiatives portent déjà leurs fruits.
On doit aller vers une démocratie sanitaire, échanger au-delà des acteurs, avec les patients, les corps intermédiaires, les élus nationaux et locaux puis partager les constats et les solutions proposées pour les faire accepter.
Conclusion
Le système de santé traverse une crise, aggravée par la pandémie, qui touche la médecine de ville et l’hôpital. Ce n’est pas qu’une question de moyens, il n’a pas su évoluer et n’est pas adapté aux défis actuels.
Afin de répondre aux besoins des patients, l’ensemble des acteurs doit accepter de se remettre en cause et coopérer pour redonner de l’efficience et de la fluidité et trouver de nouvelles règles de fonctionnement. On n’y arrivera qu’en décloisonnant et en favorisant les initiatives de proximité.