Le gouvernement vient de présenter son projet de budget pour 2020. Après la crise des «gilets jaunes», le texte est placé sous le signe des baisses d’impôts pour les ménages. André Cartapanis explique pourquoi la portée politique du «PLF 2020» l’emporte sur l’impératif économique.
La présentation de la loi de finances, en conseil des ministres, est un exercice de communication politique, autant que l’expression d’une stratégie économique. Diffusé vendredi dernier, le «Projet de loi de finances 2020» propose une série de chiffres, les uns afférents à 2020, les autres pour la durée du quinquennat, et décline des prévisions, des objectifs à long terme, et des mesures immédiates… en donnant le tournis.
Quant au communiqué extrait du compte-rendu du Conseil des ministres, on y trouve des slogans peu discriminants : «une évolution de la dépense maîtrisée», «encourager les initiatives», «protéger les Français», «préparer l’avenir». Comment s’y retrouver et repérer les choix de politique économique du gouvernement pour 2020 ?
Le tryptique de Musgrave
Rappelons au préalable ce qu’est la raison d’être des interventions de l’Etat dans une économie de marché. Tous les étudiants ayant suivi un cursus en économie connaissent le triptyque imputé à l’économiste américain Richard Musgrave.
Tout d’abord, la contribution à l’allocation des ressources, ce qui inclut l’offre de biens publics et les mesures, budgétaires, fiscales ou réglementaires, de nature à pallier les imperfections des marchés, et à conforter la compétitivité ; en un mot les politiques de l’offre.
Ensuite, la régulation macroéconomique, afin de réduire l’écart entre la croissance potentielle et la croissance effective, face à des retournements de la conjoncture, ou en réponse à des chocs exogènes, à l’échelle internationale par exemple ; en un mot les politiques de la demande.
Enfin, la redistribution entre les agents économiques, et donc la modification de la répartition des revenus par l’impôt ou les transferts sociaux.
Les mesures adoptées portent donc à la fois sur l’exécution des missions économiques et politiques de l’Administration et sur les effets induits à court et à long terme pour le pays, sur le plan économique, mais aussi en matière sociale. Toutefois, le principe de non-affectation des recettes aux dépenses, tout comme la multiplicité des instruments d’intervention (fiscalité des ménages ou des entreprises, budgets de fonctionnement ou d’investissement de l’Etat, réglementations…) ne permettent pas d’adosser explicitement chaque mesure politique à chaque type de fonction.
Pas d’inflexion significative pour préparer l’avenir
Comment qualifier, alors, ce «PLF 2020» (Projet de Loi de Finances 2020) ? C’est un budget « politique », certes de nature à soutenir le pouvoir d’achat dans un contexte de ralentissement de la croissance mondiale, mais sans inflexion significative pour préparer l’avenir.
Du côté de la régulation macroéconomique, on note des baisses d’impôts sur les ménages (-9,3 milliards dont -5 par le jeu d’un allègement de l’IRPP), et le maintien d’un déficit budgétaire autour de 2,2% du PIB. C’est là une réponse prudente, mais bienvenue, au ralentissement de la croissance, estimée à 1,3% pour 2020, contre 1,4% en 2019, 1,7% en 2018 et 2,4% en 2017.
Apparaît aussi un volet redistribution dans ces choix au bénéfice des classes moyennes, après les tensions issues de la crise des « gilets jaunes ». Du côté de l’allocation des ressources, et, donc, des politiques de l’offre, on observe une baisse de l’impôt sur les sociétés (de 33 à 31% pour les grandes entreprises et de 31 à 28% pour les PME), mais on a quelque peine à repérer des mesures significatives dans le domaine des investissements publics ou de l’effort de recherche : les «investissements d’avenir» s’élèvent à 2,2 milliards, mais les effectifs de la mission «enseignement supérieur, recherche et innovation» sont gelés !
En résumé, un budget qui vise à soutenir prudemment la demande et les tensions sociales, mais sans ambition marquante pour préparer la France aux défis du «nouveau monde» cher à Emmanuel Macron.