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Du prix du carbone aux prix à la pompe

Pourquoi les prix des carburants continuent-ils d’augmenter malgré les multiples épisodes de baisse des cours du baril ? Valérie Mignon explique comment la taxe carbone impacte les prix à la pompe et présente quelques pistes pour rééquilibrer notre système.

La tendance à la hausse des prix des carburants à l’œuvre depuis le dernier trimestre 2022 n’a pas fléchi en dépit des divers épisodes observés de baisse du cours du baril. L’une des raisons tient au fait que les taxes constituent une composante importante des prix à la pompe. En France, celles-ci contribuent en effet à hauteur de 60 % aux prix des carburants et sont, pour nombre d’entre elles, indépendantes des fluctuations des prix du brut.

L’étincelle de 2019

Tel est le cas de la principale taxe sur les carburants, la Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) dont le montant est fixé annuellement et inscrit dans la loi de finances. Depuis 2014, la TICPE intègre la Contribution climat énergie (CCE), communément appelée « taxe carbone », s’élevant initialement à 7 euros la tonne de CO2 émise pour atteindre graduellement 44,6 euros quatre ans plus tard. La hausse progressive de la taxe carbone était ensuite programmée de 2018 à 2022, date à laquelle elle devait atteindre 86,2 euros la tonne. Cette augmentation planifiée ne s’est pas produite, puisqu’elle a été gelée en décembre 2018 suite au mouvement des Gilets jaunes.

La taxe carbone étant directement intégrée aux prix à la pompe payés par le consommateur, son augmentation conduit mécaniquement à une hausse des prix du carburant : un accroissement de 10 euros du prix de la tonne de carbone se traduit par une hausse de 8,6 à 9,8 centimes le litre à la pompe. Il s’ensuit une réduction du pouvoir d’achat des ménages, raison de la colère des Gilets jaunes – cet accroissement des prix à la pompe étant en outre décuplé par l’envolée des prix du brut. Le sujet est revenu sur le devant de la scène en décembre 2022 avec la mise en place annoncée par l’Union européenne d’une taxe carbone aux frontières à compter de 2027. Les consommateurs paieront ainsi un prix du carbone sur les carburants, prix qui sera plafonné à 45 euros jusqu’en 2030 et dont l’application est susceptible d’être repoussée d’un an en cas de poursuite de la hausse des prix de l’énergie.

Quel est l’objectif de cette taxe carbone ? Il s’agit de limiter les émissions polluantes – via notamment une baisse de la consommation de carburants – afin de lutter contre le réchauffement climatique et accélérer la transition énergétique. Si un tel objectif est naturellement louable, il convient de veiller à ce que cette taxe ne pénalise pas davantage les ménages les plus modestes et, en particulier, ceux pour qui l’usage de la voiture est indispensable.

Les alternatives possibles

Plusieurs pistes peuvent être envisagées à cette fin comme la redistribution des recettes collectées aux ménages vulnérables les plus pénalisés par cette taxe. Il est ainsi prévu que les recettes provenant de la taxe carbone soient destinées à alimenter un fonds social pour le climat afin d’aider les entreprises et les ménages dans la réalisation de la transition énergétique. De même, une taxe carbone « flottante » évoluant en fonction des fluctuations du cours du baril permettrait de contrebalancer la hausse des prix du brut via une réduction du montant de la taxe et limiter ainsi l’impact sur les prix à la pompe.

 


 

Valérie MIGNON, Membre du Cercle des économistes, professeur d’économie à l’Université Paris Nanterre, chercheur à EconomiX et conseiller scientifique au CEPII.

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