" Osons un débat éclairé "

« Les principaux leviers de l’investissement en Afrique » – Réunion de travail de haut niveau

La réunion de travail du 11 février du Cercle des économistes & du Centre de Développement de l'OCDE

Contexte : bref rappel chronologique

Le 29 novembre 2019 à Madrid, le Centre de développement de l’OCDE, l’Union Africaine et le Ministère espagnol des Affaires étrangères ont co-organisé le Forum Afrique sous la thématique « Intégration africaine : investir dans notre avenir commun », pour poser les bases d’une ambition nouvelle pour soutenir l’investissement en Afrique. Les discussions ont notamment permis d’échanger sur les politiques à mettre en place pour promouvoir la transformation productive en Afrique, afin de produire plus d’emplois de qualité et de bien-être pour la population. Il a aussi été discuté des nouvelles sources de financement de la meilleure manière d’organiser l’investissement régional pour une meilleure intégration économique entre États. En effet, comme souligné dans le rapport Dynamiques du développement en Afrique 2019 la réalisation d’une véritable transformation productive en Afrique exige des investissements plus importants et soutenus dans le capital humain, l’infrastructure et les activités productives à même de renforcer les complémentarités au niveau régional et continental.

Le 2 décembre 2019 à Dakar, la République du Sénégal, le FMI, les Nations Unies et le Cercle des économistes se sont réunis autour du thème : « Développement durable, dette soutenable : Trouver le juste équilibre » en présence de six chefs d’État de l’UEMOA, de la directrice générale du FMI, de la vice-secrétaire générale des Nations Unies et de hauts représentants d’institutions internationales. La conférence s’est achevée sur une vision ambitieuse, partagée par toutes les parties présentes : le Consensus de Dakar. Cet accord, présenté à l’issue des échanges par le Président Macky Sall, vise à faire évoluer les postulats du Consensus de Washington en changeant les paradigmes économiques et le regard sur les investissements dans la région à travers sept points[1].

Les participants à la présente réunion de travail de haut niveau du 11 février 2020 se sont donc réjouit de cette convergence des deux initiatives.

La réunion de travail du 11 février 2020

La discussion a été articulée autour deux questions principales : quels leviers pour amplifier les investissements et garantir la soutenabilité des investissements en Afrique, notamment en changeant la perception du risque. Les participants ont souligné à l’unanimité l’importance de renforcer les relais internes qui tirent la dynamique de croissance économique en Afrique : 4,6% en moyenne annuelle sur la période 2000-2018, comparée à 2,6% en Amérique latine et 7,4% en Asie.

Cette croissance économique en Afrique est tirée par la demande interne (69%) pendant la même période et par les investissements (publics, mais aussi privés), spécialement en 2018.

Effectivement les flux d’IDE en 2018 vers l’Afrique ont augmenté de 11% (USD 46 milliard). À titre de comparaison, en Asie à peine ils ont progressé de 4% et les flux d’IDE á destination des pays développés sont tomées au niveau le plus bas depuis 2004, enregistrant un repli de 27%. Néanmoins, les conditions d’affaires en Afrique, selon le rapport Doing Business 2020, s’améliorent chaque jour avec 25 pour cent des reformes répertoriées ayant été mises en œuvre dans le continent.

Une fois cette contextualisation faite, les participants se sont penchés sur les grands leviers à actionner pour amplifier les investissements et garantir la soutenabilité des investissements pour les décennies à venir en Afrique. Comment tirer parti du dividende démographique a été l’un des points majeurs des échanges, compte tenu des 2,5 milliards d’habitants qui comptera l’Afrique en 2050 dont plus de 50% résideront dans les villes. En outre l’âge moyen de 24 ans, représente une formidable opportunité pour le marché de consommation mais également un défi pour la création d’emplois de qualité pour la jeunesse africaine. Chaque année 29 millions des jeunes arrivent en effet sur le marché du travail.

Parmi les réponses à ces problématiques, l’investissement dans le capital humain et l’innovation ainsi que le développement du réseau des institutions financières, au niveau local et une appropriation plus forte des politiques de développement, ont été proposées. Certes, les ressources fiscales intérieures ont augmenté de USD266.9 milliards en 2005-9 à USD328.7 milliards en 2017. Mais leurs niveaux actuels (17,2% ratio impôts/PIB) restent insuffisants pour développer les secteurs économiques prioritaires.

 

La question de mobilisation des ressources financières additionnelles a été une dimension forte des discussions. Les engagements pour le financement des infrastructures ont dépassé US100 milliards en 2018, en hausse de 24% par rapport à 2017. Les gouvernements africains sont la principale source de financement des infrastructures à hauteur de USD37.5 milliards dollars (37% des engagements), suivis par la Chine USD25,7 milliards (25% du total). Le secteur privé de son côté a financé milliards 12% du total (PIDA/NEPAD 2019). Outre l’amélioration de l’apport qualitatif mais aussi quantitatif de l’aide publique au développement, une question qui doit nous préoccuper c’est l’importance de la mobilisation de ressources privés supplémentaire—les banques, les marchés financiers et les fonds, y compris l’épargne.

La question sur l’adaptabilité du modèle financier à la réalité africaine et comment dépasser le frein à la désintermédiation et aux modes alternatifs de financement des entreprises se pose en Afrique. En effet, aux États-Unis d’Amérique, environ 80% du financement total des entreprises se fait à travers le recours direct aux marchés des capitaux, 60% dans le cas de l’Union Européenne, et 20% en Asie (contre seulement 5% en Afrique).  De ce fait, on estime qu’entre 2015 et 2019 une moyenne de 250 opérations de capital-investissement privées destinés aux startups des secteurs du numérique et technologique africains ont atteint environ USD8 milliards par an, mais celles-ci ont irrigué presque exclusivement quatre pays : le Nigeria, l’Afrique du sud, le Kenya et l’Égypte.

 

Les financements bancaires et les autres sources des financements doivent être mobilisés de façon complémentaire. L’épargne privée intérieure de l’Afrique s’élevait à environ USD430 milliards en 2017, ce qui représente une source importante mais encore inexploitée pour financer les investissements productifs. Alors que les investisseurs institutionnels africains détiennent USD350 milliards d’actifs, ils investissent principalement en dehors du continent. Les apports extérieurs ont rapporté USD190.5 milliards au continent chaque année pendant la période 2015-17. Ils sont principalement constitués de transferts des diasporas (USD70.4 milliards) et des investissements privés (IDE : USD50.5 milliards et investissements de portefeuille : USD24.2 milliards), suivi par l’aide publique au développement (USD53 milliards). Les investissements privés en Afrique représentent 15% du PIB en moyenne, pour la période 2009-2016, bien inférieure à celle de l’Asie (24%) et des pays LAC (17%).

Enfin, un des enjeux centraux de cette rencontre a porté sur la nécessité de dépasser le Consensus de Washington afin d’assouplir les critères de notation de la dette en Afrique. Les pays Africains ont fait l’erreur d’appliquer mécaniquement, sans les adapter à leurs réalités propres, les règles de Bale 2, Bale 3, et de Bruxelles (Maastricht). Ce sont des réglementations trop contraignantes pour un financement efficace des économies africaines. La dette en Afrique Subsaharienne, s’élève actuellement à 55% du PIB, ce qui ne fait pas peser de risque majeur, même si elle représentait environ 25-30% il y a 10 ans.

Plus que le niveau de la dette, ce sont d’autres indicateurs qu’il faut surveiller de près. Les éléments plus préoccupants pourraient être les structures de dettes souveraines en majorité non concessionnelles, un rendement encore faible des monnaie locale et des investissements réalisés grâce à un endettement en devises fortes. Les participants ont attiré l’attention sur le fait que le Pacte de stabilité et croissance (Amsterdam 1997) constitue un critère très contraignant même pour les états membres de l’Union Européenne (UE). À cette complexité viennent s’ajouter les paramètres du risque évalué par les agences de notation pour qui une même notation ne représente pas forcement le même profil de risque. Les actifs sont assujettis à ces notations, d’où l’idée d’une diversité plus importante de l’évaluation du risque, qui ne remplace pas les produits actuels des agences de notation mais qui soient mis en parallèle pour affiner leur analyse localement.

 

Les prochaines étapes

Il a été conclu qu’il faut inlassablement revenir sur l’idée d’un monde en mouvement et que les situations politiques et économiques ne sont pas immuables.

Les discussions vont se poursuivre, à Aix-en-Provence (juillet 2020), mais aussi lors de la prochaine réunion EMnet sur l’Afrique prévu au mois d’Octobre 2020.

Le Centre de Développement compte aussi inviter Le Cercle des économistes pour la réunion technique du rapport AfDD 2020, prévu fin avril 2020.

[1] Les sept énoncés du Consensus de Dakar sont : 1) Mieux mobiliser les ressources fiscales internes ; 2) améliorer la gouvernance des finances publiques ; 3) prendre en compte l’impact environnemental et le choc terroriste ; 4) rappeler l’opportunité que sont les besoins en investissements dans la région ; 5) rééquilibrer les relations commerciales avec les pays occidentaux ; 6) mettre en place des notations plus objectives du risque des investissements en Afrique et 7) trouver les bases d’une gouvernance financière mondiale plus équitable.

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