Propos introductif de Christophe Agnus, Reporters d’Espoirs
Avant de commencer, je donnerais quelques chiffres pour illustrer ce thème. Le tourisme représente 7 % du PIB en France, soit 250 milliards de chiffre d’affaires. C’est aussi 250 millions d’emplois dans le monde. Ça, c’est le côté positif. Mais le tourisme représente aussi en France entre 10 % et 14 % des émissions de gaz à effet de serre, ce qui est un autre problème. Il représente également, partout dans le monde, un épuisement des ressources en eau ; un touriste consomme deux fois plus d’eau en moyenne qu’un local, il génère des pollutions avec par exemple 63 000 navires de croisières dans les Caraïbes. Or, un croisiériste pèse 3,5 kilos de déchets par jour, contre 0,8 kilo pour un local. Enfin, il y a des problèmes d’eaux usées, de destruction des habitats, etc. Le tourisme suppose donc de nombreuses problématiques environnementales.
Malgré la Covid-19, le tourisme a retrouvé ses tendances. Nous constatons même aujourd’hui des chiffres supérieurs au tourisme pré-Covid. Nous savons que la planète ne va pas s’adapter, ce sera peut-être au tourisme de le faire. Et pour poser cette question, j’ai à mes côtés deux personnes expertes du sujet.
Pascal Savary, président d’ATREAM, une société de gestion spécialisée dans les fonds immobiliers qui gère 4 milliards d’encours et possède 300 actifs dans 400 pays : Center Parcs, Pierre & Vacances, Mama Shelter, mais aussi des investissements dans le Club Med. Jean-Pierre Nadir a fondé puis dirigé l’Agence Ici Voyages pendant 20 ans avant de la revendre. Aujourd’hui, il a lancé Fairmoove pour des voyages éthiques et avec pour mission de développer le tourisme responsable en réconciliant les intérêts de la planète et des touristes.
Comment s’adapter à la problématique qui nous occupe et baisser notre impact, alors que des modèles tels que celui de Center Parks utilisent des infrastructures polluantes à l’instar des grandes piscines chauffées ?
Synthèse
Pascal Savary souhaite donner une image davantage positive du tourisme : la France est le premier marché touristique en Europe avec 90 millions de touristes étrangers, dont 80 % européens, et représente 14 milliards d’euros de chiffre d’affaires excédentaires chaque année. L’industrie touristique est particulièrement vectrice d’emplois. Par exemple, le dernier Center Parks a généré 450 emplois directs et 150 emplois indirects, dont 70 % des collaborateurs étaient auparavant au RSA. Le tourisme peut apporter une réponse au besoin de formation dans le domaine du service en France. De plus, les infrastructures de tourisme permettent de mettre en avant des territoires, de redynamiser leur économie. Face au défi climatique, le tourisme s’adapte toutefois il se heurte à certains obstacles. Un effort important de pédagogie doit être mené auprès des clients quant à certaines décisions (baisse de la température des piscines, adaptation des hébergements, etc.), en même temps que des investissements considérables doivent être mis en place dans les cinq années à venir. Le secteur, conscient de l’enjeu, se prête volontiers à l’exercice cependant il n’est possible d’investir dans la transition énergétique que s’il y a de la croissance.
Le tourisme est la solution, il n’est pas le problème, affirme Jean-Pierre Nadir. Souffrant d’une image de pollueur de la planète, le secteur a du mal à s’adapter et à apporter les bonnes réponses. Pourtant, arrêter le tourisme et notamment les déplacements en avion ne sauvera pas l’humanité. Seul un tiers des déplacements en avion sont attribués au tourisme et il existe des solutions pour favoriser la « bonne » aviation (inciter à la sobriété, supprimer les vols low cost, privilégier les vols directs et compagnies qui pratiquent l’éco-pilotage). En réalité, l’enjeu est de donner au touriste les clés pour prendre les bonnes décisions dans l’organisation de son voyage. Le tourisme est aussi la solution car il contribue au développement de pays dont la population dépend de cette industrie pour vivre au jour le jour. Il peut justement aider à créer des dynamiques positives sur place en tenant compte des problématiques environnementales dans la construction des infrastructures. Il est possible de recréer des chaînes gagnantes, cohérentes avec les ressources locales, en favorisant un tourisme juste et non standardisé. Enfin, le tourisme a une grande vertu : chacun peut s’en saisir comme une opportunité sociale ce qui est fondamental dans un monde qui manque d’emplois.
Les acteurs de l’industrie touristique partagent donc les mêmes convictions et les mêmes valeurs, notamment du respect des individus et de l’empathie. Pascal Savary rappelle que la croissance du tourisme en France et en Europe est supérieure à la croissance économique de la France, ce qui fait du tourisme une industrie locomotive pour notre pays. Jean-Pierre Nadir croit que le sujet réside dans le fait de donner les moyens aux personnes de se développer et également que le voyage peut avoir une visée éducative forte. Finalement, le nouveau tourisme n’est plus un tourisme de prédation mais de distribution pour le bien de tous, le touriste et les populations locales.
Points forts des débats
- Pascal Savary insiste sur le rôle de l’industrie touristique pour la réinsertion dans l’emploi de personnes en difficulté en France, Jean-Pierre Nadir rejoint le propos en soulignant pour sa part le rôle bénéfique du tourisme à l’étranger pour favoriser un développement cohérent avec les questions environnementales.
Propositions
- Faire du tourisme une variable d’apaisement dans le cadre du défi environnemental auquel nous faisons face (Jean-Pierre Nadir).
- Répondre aux problématiques de l’emploi en France en améliorant l’image du tourisme et des métiers de service (Pascal Savary).