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Hausse des taux : les banques stressées ?

Après dix hausses successives, la BCE a laissé ses taux d’intérêt inchangés lors de sa dernière réunion, jeudi 26 octobre. Pas de baisse à l’horizon pour les taux qui restent élevés. Face à cette évolution, les banques sont-elles particulièrement en risque ?

Nombreuses furent les voix qui se sont élevées contre le niveau des taux d’intérêt jugés « trop bas » en soulignant les conséquences en termes de bulles sur le prix des actifs financiers et réels, sur les tentations d’endettement excessif, sur l’incitation à la prise de risque pour chercher du rendement etc. Les banques centrales furent accusées de laxisme.

Nombreuses sont les voix qui se sont élevées contre la hausse brutale des taux d’intérêt (+4,5 points pour les taux directeurs de la BCE entre juillet 2022 et septembre 2023 ; +5 points pour le taux de la FED entre mars 2022 et juillet 2023) en soulignant les risques d’instabilité bancaire et financière. Les économies occidentales ont déjà connu des variations de telle ampleur dans un laps de temps réduit (sept. 2007 -déc. 2008 pour la FED ; oct. 2008 – mai 2009 pour la BCE) mais à la baisse puisque dans un contexte de crise bancaire.

Cependant, les effets des variations de taux sont asymétriques. Schématiquement, lors de baisses de taux, le prix des actifs financiers augmente (évidemment sauf en cas de crise) à la satisfaction des détenteurs de titres et des institutions financières et bancaires dont la duration des actifs est supérieure à celle du passif. A l’inverse, lors de remontées de taux, la baisse du prix des actifs est d’autant plus préoccupante qu’elle s’inscrit dans un contexte d’endettement élevé.

Les conséquences d’une remontée brutale

Les banques sont-elles particulièrement en risque avec cette remontée brutale des taux ? Le scénario de stress test renforcé utilisé par le FMI dans son dernier rapport sur la stabilité financière (octobre 2023) apporte quelques éléments de réponse car l’impact des scénarii macroéconomiques sur les revenus des banques intègre les effets sur la marge nette d’intérêts, sur les pertes des titres de dette et sur les provisions sur perte. Plus de 40% des banques ont une marge nette d’intérêts qui baisse, phénomène plus prononcé pour les banques hors USA car les banques US répercutent plus facilement la hausse des taux sur les crédits accordés (crédits immobiliers à taux variable par exemple).

La situation de n’en est pas pour autant moins risquée car il est documenté depuis longtemps . L’impact de la hausse des taux sur les titres de dette est différencié selon les pays. Si un quart des actifs bancaires mondiaux sont constitués de titres, dont la moitié détenue comptablement jusqu’à échéance, mais seulement 30% pour les banques américaines, l’impact doit tenir compte des couvertures mises en place (40% des positions bancaires en moyenne). Dans le scénario adverse du FMI, malgré les couvertures, les pertes peuvent être relativement importantes et se traduire par une diminution des fonds propres des banques, les banques allemandes apparaissant plus sensibles (duration plus élevée de leurs actifs). , avec par exemple, la prise en compte des interactions entre structure de financement des banques, stabilité des dépôts et solvabilité.

Depuis la pause marquée par la FED et la BCE, les inquiétudes se sont portées sur le niveau élevé, éventuellement durablement, des taux d’intérêt. Dans un environnement où les dettes (en pour cent du PIB) ont augmenté de 40 points au cours des deux dernières décennies, la soutenabilité des dettes peut paraître préoccupante même pour certains pays avancés. Quelle conséquence sur l’activité économique ? A court terme, il est délicat de conclure compte tenu de l’écart de croissance entre les USA et la Zone Euro. Sur le long terme, les effets cumulés d’un manque d’investissement se répercute sur la croissance. En Zone Euro le problème vient de la forte dispersion des taux d’inflation et donc des taux réels entre les pays. Une fois le niveau des taux stabilisé, les banques retrouvent leur marge nette d’intérêts. Quel sera l’impact net ? Le niveau d’intérêt ne sera probablement pas la principale variable explicative.

 


 

Catherine Lubochinsky, Membre du Cercle des économistes et Professeur à l’Université Paris II

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