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Karl Marx : le théoricien de la mondialisation

S’appuyant sur les travaux d’Aristote, d’Adam Smith et de David Ricardo, Karl Marx a su décrire comme personne les rouages du système capitalistique, sa dynamique et ses contradictions. A ce titre, il a eu une grande influence sur le développement de la sociologie. Historien, philosophe, journaliste économiste et homme politique, ses idées ont nourri l’ensemble des courants de pensée se réclamant du marxisme. C’est sans doute le dernier grand théoricien de l’économie politique

Olivier Pastré, membre du Cercle des économistes, revisite des extraits de l’auteur :

Karl Marx (1818-1883) est peut être l’économiste qui a le plus contribué à transformer la planète. Pas toujours en bien, c’est le moins que l’on puisse dire. Mais est-ce la faute de ce rejeton de la bourgeoisie rhénane si l’interprétation de son œuvre a donné lieu à certaines des pires dérives politiques de l’histoire de l’Humanité ?

Ce travailleur et ce militant infatigable, qui n’aurait pas pu accomplir son œuvre sans l’indéfectible soutien de son épouse, Jenny, baronne de Westphalie, n’a, certes, pas toujours vu juste et eu la main heureuse en matière d’intuition économique. Sa théorie de la baisse tendancielle du taux de profit, qui faisait l’impasse sur l’innovation et les gains de productivité, a été continument remise en cause par la réalité du progrès technique. De même ses développements sur la paupérisation (absolue et relative) des travailleurs et sa conséquence, supposée logique, du triomphe du prolétariat a été, c’est le moins que l’on puisse dire, battue en brèche par les faits, juges implacables de la pertinence des théories.

Mais cela pèse de peu de poids par rapport aux intuitions les plus fécondes de Marx. Marx a mieux que personne décrit ce qu’allait être la mondialisation. Il a le premier pressenti que le système capitaliste disposait de ressorts qui allaient lui permettre de dominer et d’unifier le monde. Partant d’une critique (la plus convaincante à mes yeux) de la « loi des débouchés » de Jean-Baptiste Say, qui veut que l’offre et la demande se rencontrent et s’égalisent pour le plus grand bien des entreprises et des consommateurs, il a démontré que la réalité était plus complexe et que la concurrence n’était pas toujours la règle. A partir de là, il a aussi le premier théorisé les crises que le système capitaliste allait, de manière récurrente, avoir à affronter.

En parallèle, Marx allait, avec un siècle d’avance, nous expliquer les ressorts internes de la société de consommation. Parti de la théorie de l’aliénation religieuse de Feuerbach (1804-1872), Marx va démontrer comment les salariés peuvent se laisser prendre au piège du « fétichisme de l’objet », phénomène que redécouvriront, un siècle plus tard, les théoriciens de la société du paraître.

Il n’y avait que 11 personnes à l’enterrement de Karl Marx le 17 mars 1883 au Highgate Cemetary de Londres. Des milliards d’hommes se battront, par la suite, pour défendre, en les déformant le plus souvent, ses idées. Ce qu’il y a de choquant aujourd’hui ce n’est pas que l’on conteste nombre des présupposés de Marx mais que l’on ignore certaines des fulgurances de ce génie, fulgurances qui prennent toute leur actualité à la lumière de la crise que nous vivons. « Indignez- vous » : on a aujourd’hui, avec Stéphane Hessel, le Marx que l’on mérite ! Si vous êtes allergique à la lecture de Marx (il est vrai que lire Le Capital, sur la plage, cela peut surprendre…), lisez au moins ce qu’en ont écrit Albert Camus ou Simone Weil : vous ne perdrez pas votre été !

Un dernier mot du maitre en cette période où tout le monde s’interroge : « Etre radical, c’est saisir les choses à la racine. Or, pour l’homme la racine c’est l’homme lui-même ». Bonne méditation cher lecteur…

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