" Osons un débat éclairé "

La conjoncture financière à la veille de 2023

L’année 2022 s’achève et notre économie s’apprête à entrer de plain-pied dans l’An nouveau. A quel rythme et avec quel acquis de croissance ? Philippe Trainar explique pourquoi la conjoncture financière 2023 ne devrait pas être plus sereine que celle de cette année.

Avec une inflation qui semble culminer, les anticipations devraient maintenant s’orienter à la baisse pour l’inflation et les taux d’intérêt, et à la hausse pour les anticipations d’activité, dans un contexte où les experts prévoient néanmoins une très faible croissance en France, dans la zone euro et aux Etats-Unis, sans exclure un risque de récession.

Les conséquences d’une éventuelle récession

La mauvaise nouvelle concerne naturellement l’éventualité d’une récession et les conséquences qu’elle fait peser sur les dividendes et la valorisation des actions. Toutefois, elle est plus ou moins compensée, par les deux bonnes nouvelles que constituent d’une part la contraction de l’univers des risques, qui résulte de l’environnement macro-économique décrit plus haut et que confirme les indicateurs d’incertitude économique ainsi que l’orientation des primes de risque, d’autre part les perspectives de taux d’intérêt moins élevés, même si ces révisions restent marginales à ce stade. Au total, le contexte macro-économique et macro-financier actuel, s’il se confirme, ne devrait donc pas trop peser sur la valorisation des actions et des obligations d’Etat.

Il serait cependant osé d’en conclure que la conjoncture financière de 2023 sera plus sereine que celle de 2022. Tout d’abord, la conjoncture reste très volatile et marquée par l’ampleur exceptionnelle des incertitudes liées tant à la normalisation des politiques monétaires qu’à la situation géopolitique, avec la reconstitution de blocs plus ou moins stables. Il faut souligner la nature systémique de ces deux incertitudes qui sont très fortement corrélées entre elles au niveau global et auxquelles peu d’agents économiques échappent, et qui sont donc susceptibles de générer des ondes de choc de dimension mondiale extrêmement violentes.

En d’autres termes, il est très difficile aujourd’hui de se protéger contre ces incertitudes. Les débats nationaux sur le réchauffement climatique, les discriminations et leur réparation, qui gagnent chaque jour en âpreté, génèrent de nouvelles tensions politiques extrêmes, pouvant aller jusqu’à flirter avec la guerre civile, y compris dans des pays pourtant réputés pour leur maturité politique, et ne font qu’ajouter au risque systémique existant.

La piqûre de rappel britannique

Il est clair que, dans ces conditions, les deux instruments de politique économique les plus indolores que sont la politique monétaire et la politique budgétaire, vont continuer à être sollicités pour absorber les chocs susceptibles d’affecter notre économie. Malheureusement, tous les indicateurs montrent que les marges de manœuvre de ces instruments sont aujourd’hui limitées.

La détermination des banquiers centraux à contrôler l’inflation et à reprendre en main les bilans des banques centrales ne fait plus guère de doute et toute velléité de s’en écarter un tant soit peu sera sévèrement sanctionnée par une perte de confiance brutale, dont le coût en termes de niveau de vie sera très élevé. Du côté des gouvernements, la détermination est beaucoup moins nette. Certes, tant que les politiques budgétaires et sociales évoluent de concert, comme cela semble être le cas aujourd’hui au niveau de la zone euro, les risques de crise financière demeurent contenus. Mais, comme nous l’a rappelé la récente crise britannique, tout écart par rapport au « concert des nations » sera violemment sanctionné par une perte de confiance brutale, coûteuse en termes d’activité et de niveau de vie.

Qu’en conclure pour la France ? Sa situation financière devrait rester « sous contrôle » tant que sa politique budgétaire ne se désolidarisera pas de celle de l’Allemagne. Par chance, l’Allemagne a adopté un plan de relance de 200 milliards d’euros qui permet à la France de rester dans le peloton autour de l’Allemagne et de voir son écart de taux par rapport à l‘Allemagne diminuer. Mais, attention, sa marge de manœuvre est très faible car la France sollicite d’ores et déjà beaucoup plus ses finances publiques et sociales que ne le fait l’Allemagne. Plus que jamais, la France est condamnée à suivre pas à pas les choix allemands si elle veut éviter un « avis de tempête » financière.

 


 

Philippe Trainar, Membre du Cercle des économistes, Professeur titulaire de la chaire assurance du CNAM et Directeur de la Fondation SCOR pour la Science

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