" Osons un débat éclairé "

La recherche économique est particulièrement active en France

Alors que s’est ouvert l’appel à candidatures pour l’édition 2024 du Prix du Meilleur Jeune Économiste – la 25e – nous avons proposé à Agnès Bénassy-Quéré, première lauréate du prix en 2000, de se livrer à une rétrospective. Tour d’horizon de ce que nous dit ce Prix de la recherche économique en France.


Cet article est extrait du premier numéro de la revue Mermoz« Travail : rebattre les cartes ».


Depuis sa création, en 2000, le Prix du Meilleur Jeune Économiste a distingué un total de 88 économistes français de moins de 41 ans, dont 30 lauréats du Prix ( parfois co-lauréats ) et 58 nominés. La quasi-totalité d’entre eux ont poursuivi leur carrière académique tout en renforçant leurs liens avec les sujets de politique économique, dans des domaines aussi variés que la macroéconomie, l’économie du travail, la finance, la fiscalité, le commerce international, les inégalités, les politiques industrielles, l’économie du développement, l’économie de l’environnement et du dérèglement climatique, etc. Le Cercle peut s’enorgueillir d’avoir dès 2005 distingué Esther Duflo, qui allait recevoir le Prix Nobel en 2019, ainsi qu’Emmanuel Saez et Gabriel Zucman, tous deux lauréats ultérieurement de la médaille John Bates Clarke ; mais aussi Pierre-Olivier Gourinchas, futur Chef-économiste du Fonds monétaire international, et beaucoup d’autres économistes très impliqués dans la conception et l’évaluation des politiques économiques, notamment en France. Mention spéciale pour Philippe Martin, lauréat du Prix en 2002 aux côtés de Thomas Piketty. Philippe nous a éblouis tout au long de sa trop courte carrière par sa capacité à faire parler la recherche, à fédérer la profession, à insuffler un vent créatif et joyeux dans les travaux du Conseil d’analyse économique et autres cercles de réflexion, en France et en Europe.

Décerné chaque année par le Cercle des économistes et le journal Le Monde, le Prix du Meilleur Jeune Économiste est particulier en ce qu’il récompense la combinaison de l’excellence académique et de la pertinence en termes de politiques publiques. Il joue un rôle clé en identifiant de jeunes chercheurs encore peu connus des décideurs et des médias. Le renouvellement de l’écosystème intellectuel autour des politiques publiques est un enjeu majeur pour la qualité des politiques menées et pour la rationalité des débats. Dans une époque marquée par l’effet de manche et le slogan, ce prix a une valeur inestimable. Il permet aux politiques publiques de ne pas se laisser distancer par les avancées de la recherche ; et aux journalistes de renouveler efficacement leurs carnets d’adresses.

Ce prix bénéficie d’une importante couverture médiatique qui permet à un large public de découvrir les thématiques de recherche des économistes français. C’est un moyen privilégié de présenter l’éventail des domaines de recherche couverts par les chercheurs en économie. Le prix a ainsi permis au cours des deux dernières décennies de médiatiser certaines problématiques économiques qui jusqu’alors n’était que peu traitées par les médias français et étaient discutées principalement dans les cercles académiques. Il permet ainsi de corriger certaines idées reçues, comme l’idée selon laquelle les économistes seraient prisonniers de leurs modèles et ne se préoccuperaient pas des préoccupations des citoyens telles que l’environnement ou les inégalités.

La recherche économique est particulièrement active en France. Contrairement à une vision répandue mais datée, cette recherche n’est en général pas théorique mais bel et bien appliquée, assise sur un ensemble de méthodes statistiques éprouvées permettant d’identifier des relations de causalité ou de quantifier les effets d’équilibre général des politiques menées. Grâce à l’ouverture des données microéconomiques et à la montée en qualité des formations doctorales, la France a très largement rattrapé son retard en matière d’évaluation des politiques publiques. Les chercheurs ont aussi beaucoup progressé pour présenter leurs travaux sous des formes accessibles.

Si le nombre de chercheurs de haut niveau intéressés par les politiques publiques a fortement augmenté, la contrepartie est une certaine spécialisation qu’il est important de respecter pour en tirer le meilleur bénéfice possible. Ne demandez pas à un lauréat du Prix du Meilleur Jeune Économiste de répondre de manière informée à n’importe quelle question économique !

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