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La réforme territoriale, clef de la croissance

Le président de la République a donc décidé d’accélérer la réforme territoriale pour réduire la dépense publique afin de gagner en efficacité. Les économies attendues de la réduction du nombre de régions métropolitaines de 22 à 14 et de la suppression de la clause de compétence générale des départements et des régions sont de l’ordre de 10 à 12 milliards d’euros au bout de cinq à sept ans si le lancement du processus est réussi. L’enjeu est donc important quand l’objectif de la réforme globale des finances publiques est de ramener progressivement la croissance en volume de la dépense à un demi-pourcent par an.

Mais ce serait une grave erreur de réduire la réforme territoriale à une simple chasse aux gaspillages, si nombreux et insupportables que soient ces derniers. Car avec ce seul objectif, la mutation en cours peut se limiter au maniement d’une hache en partie à l’aveugle.

Or l’objectif de réduction de dépense, si pertinent soit-il, doit être second par rapport à la nécessaire relance de la croissance économique afin de réduire le chômage. Mais comment la réforme territoriale peut-elle créer des emplois marchands à forte valeur ajoutée ?

Le monde connaît une mutation majeure depuis les années 1980, avec une accélération foudroyante depuis le milieu des années 1990, marquée par la troisième révolution industrielle dont l’informatique structure la grappe d’innovations de rupture. Nous sommes entrés dans une économie entrepreneuriale de la connaissance qui met l’entrepreneur au coeur du processus de création de richesses en sa capacité d’assembler les compétences des chercheurs et des ingénieurs, et les financements et l’expérience des capitaux-risqueurs. Mais, simultanément, se développe une économie de l’informatique, d’Internet et des logiciels en réseaux qui s’appuie sur les progrès foudroyants de la microélectronique. L’ensemble de ces transformations provoque l’avènement de l’« iconomie » entrepreneuriale.

Or l’iconomie entrepreneuriale se développe essentiellement dans les métropoles et les territoires connectés, fiscalement et socialement accueillants pour les chercheurs, investisseurs et entrepreneurs. La réforme territoriale doit donc d’abord faire émerger des métropoles agiles et agréables à vivre opérant dans des territoires apportant tous les ingrédients nécessaires au développement de l’iconomie. En créant ces métropoles et ces territoires, la réforme territoriale facilitera les économies nécessaires permettant de réduire la dépense publique, mais en accélérant le processus de croissance plutôt qu’en le bloquant. Le critère clef de la réforme, dans les regroupements et découpages, doit donc être l’essor de l’iconomie, la baisse de la dépense en découlant, alors que l’inverse n’est pas vrai : un mauvais découpage peut bloquer le développement de l’iconomie. Ce sont des critères économiques et industriels qui doivent guider la réforme plutôt que des critères administratifs, qui ne sont importants qu’en accompagnement d’un découpage qui doit être d’abord « iconomique » et stratégique.

Dans ce contexte, il faut structurer le territoire autour de trois réseaux de métropoles : le premier est constitué du Grand Paris de 12 millions d’habitants, qui produit 29 % du PIB de la France et ne reçoit que 22 % des revenus nationaux, faisant de Paris un moteur de production et de redistribution vers les autres territoires. Le deuxième devrait comprendre une métropole ou réseau métropolitain de rang européen pour chacune des 13 régions métropolitaines continentales (hors Corse) qui émergent du processus de réduction au même nombre de régions (hors Ile-de-France, qui devrait elle-même grandir). Le troisième devrait comprendre une cinquantaine de grosses intercommunalités maillant le pays au plus près des territoires. Chaque métropole doit s’organiser pour favoriser les interactions entre chercheurs, entrepreneurs, ingénieurs et capitaux-risqueurs pour que tous les territoires puissent entrer dans l’iconomie.

Or, la réforme territoriale de François Hollande résulte d’un regroupement politiquement acceptable des régions et non d’une action stratégique fondatrice d’un nouvel essor de l’économie française. Tout n’est pas perdu, mais une occasion historique de modernisation est ratée.

 

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