" Osons un débat éclairé "

Opération Jeunesses : Recréer l’espoir chez les 18-30 ans

Socrate affirmait que « rien n’est trop difficile pour la jeunesse », soulignant le potentiel infini d’espoir que représente cette génération. Pourtant, dans les grandes décisions et les débats politiques actuels, les jeunes sont trop souvent oubliés. Le projet Jeunesse(s), initié par le Cercle des économistes, vise à leur redonner la parole pour construire un avenir plus juste et durable. L’objectif est de favoriser une meilleure compréhension des enjeux auxquels ils font face en dialoguant avec eux et en utilisant une méthodologie dédiée pour définir des solutions concrètes et adaptées.

Dans cette note, Jean-Hervé Lorenzi et Helen Verryser présentent les principaux enseignements d’une enquête menée avec plus de 35 000 jeunes de 18 à 30 ans sur quatre thématiques principales : la santé et le bien-être, l’environnement, la démocratie et la citoyenneté, la formation et le travail. Celle-ci a révélé une jeunesse confrontée à de nombreuses difficultés, mais malgré tout porteuse d’espoir pour l’avenir. Loin des clichés, les réponses des jeunes nous montrent une génération en transition, parfois paradoxale, mais surtout prête au changement.

Cette année les Rencontres Économiques d’Aix-en-Provence sont marquées par la présence du dossier « Jeunesses » comme cela ne fut jamais le cas ni précédemment ni aujourd’hui dans d’autres manifestions. Notre objectif est clair : mettre les décisions à prendre pour les 9,3 millions de personnes qui ont entre 18 et 30 ans au cœur même des préoccupations politiques et sociales de notre pays.

Pour cela, nous avons engagé un processus exceptionnel associant débats avec plusieurs dizaines de milliers de jeunes et des propositions qui seront soumises par quatre représentants de cette génération à la Première ministre.

Et oui, ces 13,7 % de la population totale sont une communauté importante à prendre en compte et elle est confrontée à des défis majeurs en termes d’emploi, d’inégalités sociales et territoriales, de transition écologique, de participation citoyenne ou de santé physique et mentale. Les sujets sont nombreux : le taux de chômage, la transition écologique, la dépression, l’isolement, le logement, la formation, les inégalités… Et les solutions sont possibles !

Jusqu’à présent trop souvent oubliée lors des grandes décisions et débats politiques, cette génération est prête à dialoguer et à s’engager dans la vie publique.

Nous avions commencé modestement en 2022 en lançant une opération inédite : DAC – Discuter, Agir, Changer. Avec près de 16 000 répondants de 18 à 28 ans, cette conversation a permis de brosser le portrait d’une jeunesse partagée entre inquiétude, espoir et désirs d’engagement, et de nuancer au passage quelques idées reçues sur la « génération Z ». Cette initiative a souligné un moral « en berne » chez les jeunes, une image du travail entre attentes d’intégration économique et d’épanouissement, des difficultés à se redonner un horizon collectif, des pistes pour réapprendre à faire société – où l’éducation est vue comme un préalable indispensable -, et pour finir, la démystification de cette nouvelle « génération climat ».

Mais en 2023, le Cercle des économistes a changé d’échelle avec le lancement de son Projet Jeunesse(s), une initiative sans précédent avec, pendant 8 semaines, plus de 35 000 jeunes répondants qui ont partagé leurs avis sans filtre ! A terme, l’ambition est de favoriser une meilleure compréhension de leurs enjeux économiques actuels pour définir, dans un esprit de dialogue et avec une méthodologie dédiée, des solutions concrètes et adaptées.

Organisé en quatre grandes thématiques : la santé et le bien-être, l’environnement, la démocratie et la citoyenneté et enfin la formation et le travail, portrait de propositions en faveur d’une politique économique pour les jeunesses… Voici les principaux résultats.

La santé des jeunes, un sujet fondamental, et pourtant…

Les chiffres de l’enquête DAC 2022 et 2023 reflètent une situation préoccupante pour les jeunes en termes de santé. La pandémie de la Covid-19 et le confinement ont eu un impact significatif sur leur bien-être psychologique, avec plus de la moitié des 18-30 ans déclarant un certain mal-être. Toutefois, il est encourageant de noter une certaine libération de la parole sur la santé mentale : 75 % des jeunes estiment que le sujet n’est pas tabou.

Parmi les jeunes déclarant un mal-être, ils sont 62 % à exprimer une forte corrélation entre leur niveau d’épanouissement social et leur situation financière. L’enquête a montré que le système d’aides sociales ne permet pas aux jeunes de vivre dignement, une situation aggravée par une augmentation du coût de la vie, des problèmes de logement et d’alimentation. Le passage dans la vie active est également une grande source de préoccupations et de difficultés pour de nombreux jeunes en raison d’un statut souvent précaire qui impacte leurs conditions de vie et leur bien-être.

« Je n’ai pas les moyens de payer toutes les factures, juste l’électricité, mais je n’ai pas de chauffage, du coup l’hiver est TRÈS froid, je n’ai pas d’eau chaude vu que je n’ai pas de gaz » – Femme de 19 ans

L’étude a également révélé un constat inquiétant sur un mal-être lié aux discriminations subies chez les jeunes : plus de la moitié a déjà vécu des situations de discrimination ou de harcèlement. Ce phénomène touche en particulier les femmes, qui sont 64 % à avoir expérimenté des discriminations liées à leur genre. D’autres types de discriminations ont également été déclarées telles que le harcèlement scolaire, la xénophobie et le racisme.

« En tant que femme, ce sera certainement du harcèlement sexiste, ou même sexuel si je n’ai pas de chance, et question discrimination et bien niveau travail c’est le jackpot » – Femme de 22 ans

Face à ce constat, l’enquête DAC a également mis en lumière l’urgence pour les pouvoirs publics de faire davantage pour les jeunesses en favorisant notamment l’accès au sport et à la culture. Leurs vertus sur le bien-être, le contact, l’intégration sociale et pour la vie professionnelle ne doivent pas être sous-estimés.

Entre anxiété et engagement, portrait de cette « génération climat »

En 2023, le rapport DAC pointe que le climat est une préoccupation pour la plupart des jeunes (87 %). De même, la protection de la biodiversité est considérée comme une question prioritaire par 90 % des jeunes interrogés. Cette préoccupation environnementale se traduit également par un engagement plus important : 94 % des jeunes sont ouverts à s’engager pour le climat. Cette inquiétude, loin de se traduire par de la résignation, encourage en réalité un réel besoin d’engagement. Il se manifeste avant tout par de petits gestes au quotidien pour 46 % d’entre eux, une prise en compte de l’impact sur l’environnement de leurs déplacements (66 %) et une attention particulière portée sur leur consommation énergétique (84 %).

De nombreux jeunes reconnaissent leur propre responsabilité dans le changement climatique, c’est pourquoi ils remettent en question les modes de vie traditionnels et leurs choix de vie, tels que la parentalité et l’équilibre entre l’ambition professionnelle et l’engagement environnemental, d’après les témoignages récoltés lors de cette enquête.

« La crise environnementale actuelle influence certains de mes choix, y compris ma décision de ne pas avoir d’enfant. Je crains que les générations futures ne connaissent pas le même niveau de qualité de vie que nous avons aujourd’hui » – Femme de 18 ans

Au-delà de ces actions volontaires, ils sont 3 jeunes sur 4 à se dire prêts à accepter des mesures autoritaires pour y parvenir. Les jeunes ont également exprimé des doutes quant à l’efficacité des sommets internationaux, tels que les COP et les bienfaits de la mondialisation. Face à l’ampleur de la tâche, ils se demandent s’ils doivent être ceux sur qui reposent les efforts. Ils expriment la nécessité d’un changement systémique et critiquent le manque d’actions des entreprises et des gouvernements.

« La situation ne peut pas changer avec des actions venant d’en bas. Il faut qu’en haut les puissances prennent leurs responsabilités sérieusement » – Homme de 26 ans

Comment les 18-30 ans désirent faire société dans une France fracturée

L’enquête a révélé une inquiétude croissante chez les jeunes quant à leur avenir et leur place dans la société, une perte de confiance envers les institutions démocratiques, mais également une méfiance grandissante des jeunes envers la politique et la démocratie. En 2022, 37 % des jeunes ne se sentaient représentés par personne en politique. En 2023, ce chiffre a augmenté à 83 %. Ces chiffres traduisent un sentiment généralisé de n’être pas suffisamment écoutés lors des débats et décisions politiques, avec seulement 5 % d’entre eux se sentant entendus. Ce sentiment de fracture générationnelle est accentué par l’impression généralisée chez les jeunes (deux tiers des répondants) de devoir réparer les choix politiques des générations précédentes, tandis qu’ils sont à 74 % à exprimer une réelle préoccupation quant à la réforme des retraites.

« On a d’une part les vieux qui ont toujours connu le même système politique et économique qu’ils ne souhaitent pas changer car cela remettrait tous leurs acquis économiques leurs droits sociaux et j’en passe et ils pourraient tout perdre. De l’autre la jeunesse qui aimerait changer cela pour avoir quelque chose de plus égalitaire, de partage et d’égalité des chances… » – Homme de 26 ans

Face à ces constats, nombreux sont les jeunes qui demandent une éducation civique et citoyenne qui les aiderait à comprendre le fonctionnement du système politique et des rôles qui y sont associés. Ils expriment également la volonté de réorganiser le système politique français pour redonner plus de place au peuple dans les débats, remodeler la société pour qu’elle soit plus égalitaire et qu’elle se concentre davantage sur l’égalité des chances. Enfin, il ressort de l’enquête une forte attente envers les pouvoirs publics pour qu’ils assurent mieux les conditions d’une vie décente (éducation, soins, logement, emploi).

« Un canal simple et accessible pour interagir avec les institutions au quotidien. Il est difficile de s’exprimer auprès d’elles hors des élections, les citoyens sont peu consultés sur des aspects sociaux et sociétaux qui nous engagent tous  » – Homme de 26 ans

Comment accompagner les jeunes vers le marché et le futur du travail ?

Sésame pour entrer dans la vie active, le diplôme semble conserver une certaine importance aux yeux des jeunes, qui sont deux tiers à le considérer comme tel. En outre, 75 % des jeunes considèrent que la transition entre les études et la vie active est trop brusque et source de pression, et deux tiers d’entre eux estiment qu’ils manquent d’accompagnement dans ce moment charnière.

« On ne nous laisse pas le temps de nous connaitre suffisamment pour savoir comment, en tant qu’individu, avec notre personnalité, qu’est-ce qu’on peut apporter à la société et qui nous permettrait l’épanouissement » – Femme de 28 ans

En ce qui concerne les attentes des jeunes dans le travail, les chiffres de 2022 montrent que pour 49 % d’entre eux, le bien-être au travail est un objectif, et 69 % souhaitent pouvoir définir un équilibre entre vie professionnelle et personnelle. En 2023, le travail reste principalement un moyen de gagner sa vie pour 58 % des jeunes, bien avant d’être un moyen d’épanouissement (26 %). Faut-il y voir un désenchantement du monde du travail ? Les conditions de travail sont également un sujet important pour les jeunes, avec une attente particulière sur la pénibilité (20 %), le salaire (20 %) ou encore la localisation (20 %).

« Je pense que les jeunes ont l’envie et l’énergie de travailler mais d’une manière différente des autres générations » – Homme de 26 ans

Face aux mutations du monde du travail, les jeunes ressentent un réel besoin d’être formés tout au long de leur vie professionnelle en plébiscitant à 75 % la formation continue en entreprise. Ils sont également convaincus à 82 % de la nécessité de se former aux nouveaux enjeux contemporains tels que le climat et l’égalité. Ces attentes se reflètent aussi dans leur choix d’entreprise, avec 48 % d’entre eux qui prennent en compte la politique RSE de leur futur employeur dans leurs critères de choix.

Enfin, l’entrepreneuriat est-il l’avenir du travail pour les jeunes, comme on l’entend souvent ? S’ils sont 26 % à l’associer à une forme d’indépendance, il est aussi pour 42 % des jeunes synonyme d’inquiétudes (peur, « galère », désintérêt…).

Il ressort de cette enquête que les jeunes recherchent un modèle de travail plus flexible, un environnement professionnel bienveillant, et un sentiment d’utilité pour la société s’alignant avec leurs valeurs personnelles. Ils considèrent que la formation et les métiers doivent être adaptés à la transition technologique et numérique, mais que cela peut menacer les emplois peu qualifiés, dans un contexte où seulement un tiers des jeunes voit l’arrivée de l’IA comme quelque chose de positif en 2023.
En conclusion, les premiers enseignements de cette enquête révèlent une jeunesse en proie à de nombreuses difficultés, mais malgré tout porteuse d’espoir pour construire un avenir plus juste et durable.

Il est essentiel de reconnaître que les jeunes constituent une partie importante de la population et que leur réussite est primordiale pour l’avenir du pays. En investissant dans leur éducation, leur formation et leur développement personnel, les conséquences ne pourront que contribuer à la croissance économique et sociale en France.

Les 7, 8 et 9 juillet prochains, les Rencontres Économiques d’Aix-en-Provence seront totalement bouleversées par cette nouvelle approche, cette initiative ambitieuse et réaliste !

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