" Osons un débat éclairé "

« Pas d’inflation, plus de crédit : les bourses vont aimer, pas forcément tout de suite »

 Lors de la dernière réunion de banquiers centraux de Jackson Hole aux Etats-Unis, le Président de la FED Jerome Powell  a annoncé qu’il pourrait à l’avenir laisser glisser temporairement l’inflation au-dessus des 2% avant d’agir sur les taux. Qu’en sera-t-il en Europe ? Jean-Paul Betbeze explique dans quelles mesures,  pourquoi et comment les bourses vont réagir.

1% d’inflation sous-jacente des ménages sur un an en juillet aux États-Unis, hors alimentation et énergie, alors que Jerome Powell, le Président de la Banque Centrale Américaine, en veut 2% à 2 ans ! C’est l’un de ses deux objectifs : l’inflation autour de 2%, avec le plus faible taux de chômage possible, le second. Pourquoi donc un tel manque d’inflation, que faire pour le combler ? Ce sont là les questions qui le taraudent ce jeudi 27 août, à l’occasion de sa conférence (virtuelle) à Jackson Hole, devant ses collègues banquiers centraux et tous les marchés du monde.

Mais au fond, 1%, c’est facile à expliquer : le COVID-19 ! Il fait monter le taux de chômage américain à 10,2%. Et pour le taux de chômage au plus bas, son second objectif : le COVID-19 ! Mais Jerome Powell sait bien qu’il ne s’en sortira pas aussi facilement, car une autre question est dans tous les esprits depuis plusieurs mois : au premier trimestre 2020, donc avant le virus, l’inflation était à 1,8%, donc au-dessous de 2%, mais pour un taux de chômage à 3,5%, « en plein emploi » ! Pourquoi, en janvier, si peu d’inflation pour si peu de chômage et comment faire, à partir de septembre, pour retrouver 2% d’inflation, avec quel taux de chômage et quand ?

-0,2% d’inflation en août en zone euro, c’est évidemment pire, avec un taux de chômage à 7,9% : c’est le virus qui est derrière la baisse des prix et la remontée de l’inflation, mais là encore il n’explique pas tout. En janvier, l’inflation était à 1,4% et le taux de chômage à 7,4%. En zone euro, il n’y avait, déjà, là aussi, pas assez d’inflation.

Que va faire Jerome Powell ? Se compliquer la tâche ! Il annonce, ce 27 août, qu’il veut désormais 2% d’inflation en moyenne à moyen terme, donc qu’il acceptera plus de 2%, sachant surtout qu’il veut un taux de chômage faible plus « inclusif », qui tiendra compte de ce qui se passe dans les communautés dont les revenus sont « moyens ou faibles ». Donc pas de chiffre global de taux de chômage : des indicateurs plus fins et locaux seront préférés. Pour les marchés, l’inflation pourra donc aller jusqu’à 2,5% sinon plus, avec des taux d’intérêt qui resteront très longtemps très bas, et la politique de quantitative easing va durer, aussi, très longtemps.

Que va faire Christine Lagarde ? Dans six mois, elle fera le même exercice d’aggiornamento que Jerome Powell, mais se compliquera différemment la tâche ! Elle cherchera à avoir une politique monétaire qui réduise les inégalités – ce qui se rapproche du plein emploi « inclusif » de Jerome Powell – et à participer, en plus, à la lutte contre le réchauffement climatique. Ceci implique des financements sélectifs, normalement opposés aux règles de neutralité de la BCE et des horizons très longs. Mais, pour les marchés, l’inflation devra monter jusqu’à 2% sinon bien plus, avec des taux très longtemps très bas et une politique de quantitative easing qui va durer, aussi, très longtemps – comme avec Jerome Powell !

Les bourses vont comprendre, avec ces nouveaux objectifs, que cette désinflation persistante, au-delà du virus, qui vient de la mondialisation, de la Chine, des robots et de la révolution technologique, implique beaucoup de financement pas cher, longtemps. Les entreprises zombies vont en profiter, les jeunes pousses aller en bourse et les grandes entreprises se concentrer en s’endettant, mondialisation oblige. Beaucoup d’argent, les bourses vont aimer. Trop ? Elles vont d’abord prendre leurs profits, avant de repartir.

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