" Osons un débat éclairé "

Quelle éducation pour quelle formation ?

Education concept: pixelated words Formation on digital background, 3d render

INTRODUCTION

La question portant sur les enjeux et les opportunités de l’éducation et de la formation est complexe. Elle ne peut se limiter au seul objectif de réduction du chômage des jeunes et nécessite de s‘attarder sur leur définition, d’appréhender leur importance. Qu’appelle-t-on au juste éducation et formation ? À quoi servent-elles précisément ?

Un an après la date limite fixée par les Nations Unies pour atteindre les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD), le constat est clair : malgré un net progrès depuis 2000, l’objectif de fournir une éducation primaire de qualité pour tous n’a pas été atteint dans l’ensemble des pays du monde.

Le système éducatif traditionnel est-il adapté à la croissance démographique et aux nouveaux enjeux économiques, environnementaux, géopolitiques ou sociétaux ? 40% des enseignants français s’estiment « très peu préparés » au volet pédagogique de leur métier, alors que l’éducation et la formation ont un impact quantitatif et qualitatif sur la croissance économique d’un pays. C’est à tous ces enjeux que le Cercle des économistes vous propose de réfléchir à travers ce nouveau Décryptage éco. Bonne lecture.

I. Eléments du débat

 

I. La définition de l’éducation et la formation 

1. Qu’est-ce que l’éducation et la formation ?

« Il faut fermer les écoles maternelles ou assumer notre déclin éducatif » ! Tel est le titre de la tribune signée Didier Cozin, ingénieur, rédacteur de plusieurs ouvrages sur la formation professionnelle . Selon l’auteur, le système éducatif français est sur le déclin, de l’école maternelle jusqu’à l’enseignement supérieur et la recherche. Ce déclin est illustré par trois chiffres :

110 000, le nombre de jeunes, en 2016, sortant du système scolaire sans diplôme, ni qualification selon le ministère de l’Éducation ;

– 24,1 %, le taux de chômage des jeunes entre 15-24 ans en 2016 selon l’Insee

– 1,2%, l’estimation du coût de l’inactivité des jeunes de 15-29 ans sur le PIB des 26 pays de l’Union européenne.

La qualité du système éducatif est une explication généralement apportée pour appuyer ces trois chiffres.  Cette idée est, notamment, soutenue par Edmond Malinvaud (1994) qui décrit l’éducation et la formation comme « le moyen le plus puissant du progrès social ».

Face à la crise de l’emploi rencontrée par les jeunes, une réponse est souvent mentionnée : favoriser et renforcer l’éducation et la formation.

Cependant, selon Olivier Charlot (2005) , l’éducation et la formation ne sont pas une réponse suffisante à ce problème. Bien qu’il existe une forte interdépendance entre ces deux notions, distinction doit être faite pour comprendre la question de l’éducation et de la formation.

Une première définition, apportée par le dictionnaire Larousse , met en évidence le caractère triple de l’éducation. L’éducation est présentée comme « la conduite de la formation », un « ensemble de connaissances intellectuelles, culturelles et morales acquises dans [un ou différents] domaines par quelqu’un, par un groupe » et la « mise en œuvre de moyens propres à développer méthodiquement une faculté, un organe ».

La formation est, quant à elle, définie comme le « processus entraînant l’apparition de quelque chose qui n’existait pas auparavant » et l’ « action de donner à quelqu’un, à un groupe, les connaissances nécessaires à l’exercice d’une activité ».

Les définitions de l’éducation et de la formation semblent se rejoindre sur l’apport des connaissances à un individu ou à un groupe. Cependant, une distinction se dessine : l’éducation présente un sens plus large que la formation, qui se limite à une activité en particulier.  Ces deux termes sont imbriqués et interdépendants.

Les sciences de l’éducation ne limitent pas l’éducation et la formation à ces définitions. Une conception identique se retrouve chez Francis Kramarz et Martina Viarengo .

Ces deux sphères – éducation et formation – impactent directement et indirectement de nombreux aspects de la société. Elles ont une place centrale dans le développement de la force vive – capital humain – de l’économie en guidant et appuyant l’évolution de la matrice sectorielle de la socio-économie.

La question de l’éducation et de la formation est une question à part entière, qui ne serait se limiter à son impact sur le chômage, dans un monde en évolution.

2. Définition des objectifs de l’éducation et de la formation

Selon l’OCDE  , l’éducation et la formation sont un « investissement majeur » dans les pays de l’OCDE. Bien qu’il représente un coût important, près de « 230 milliards d’USD par an » pour les pays de l’OCDE, l’éducation et la formation rapportent « beaucoup plus que ce qu’il coûte ».

Ainsi, la communauté internationale a fait de l’éducation et de la formation une priorité en l’inscrivant dans les objectifs du développement durable. Comme l’affirme le rapport de l’UNESCO  , l’objectif mentionné est de fournir et assurer un enseignement de qualité à tous, en commençant par le renforcement de l’enseignement primaire dans chaque pays du monde.

Cependant, un an après la date limite des objectifs du Millénaire pour le développement , le constat est clair : malgré un net progrès depuis 2000, l’objectif de fournir une éducation primaire de qualité pour tous n’a pas été atteint dans l’ensemble des pays du monde. La date limite de 2015 a été repoussée à 2030 , en étendant l’objectif initial à l’enseignement secondaire pour les pays ayant accompli le premier objectif.

 

shema-1

Figure 1 Rapport entre le niveau d’éducation et le niveau de revenu

 

L’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture met en avant six objectifs à remplir pour 2030 en matière d’éducation pour répondre aux besoins d’apprentissage de tous les enfants, jeunes et adultes :

– « Développer et améliorer sous tous leurs aspects la protection et l’éducation de la petite enfance, et notamment des enfants les plus vulnérables et défavorisés » ;

– Faire en sorte que « tous les enfants, notamment les filles, les enfants en difficulté et ceux appartenant à des minorités ethniques, aient la possibilité d’accéder à un enseignement primaire obligatoire et gratuit de qualité et de la suivre jusqu’à son terme » ;

– « Répondre aux besoins éducatifs de tous les jeunes et de tous les adultes en assurant un accès équitable à des programmes adéquats ayant pour objet l’acquisition de connaissances ainsi que de compétences nécessaires dans la vie courante » ;

– Accroître « les niveaux d’alphabétisation des adultes, et notamment des femmes, et assurer à tous les adultes un accès équitable aux programmes d’éducation de base et d’éducation permanente » ;

– « Éliminer les disparités entre les sexes dans l’enseignement primaire et secondaire » et instaurer l’égalité dans ce domaine en « veillant notamment à assurer aux filles un accès équitable et sans restriction à une éducation de base de qualité avec les mêmes chances de réussite » ;

– « Améliorer sous tous ses aspects la qualité de l’éducation dans un souci d’excellence de façon à obtenir pour tous des résultats d’apprentissage reconnus et quantifiables, notamment en ce qui concerne la lecture, l’écriture et le calcul et les compétences indispensables dans la vie courante ».

L’intérêt de l’éducation et de la formation est souligné par de nombreuses études. Comme l’écrit Jean-Michel Fourgous (2010) , l’école joue un rôle essentiel pour la croissance et le développement. Elle est un vecteur de croissance et un catalyseur de développement, pour les individus, l’économie et la société.

Cependant, les objectifs de l’éducation sont confus pour de nombreuses personnes. Selon Edmond Malinvaud (1994), les idées les plus répandues concernant les objectifs de l’enseignement sont :

– « permettre l’accès à la culture et à la compétence professionnelle » ;

– « homogénéiser la société, à la fois par la diffusion des connaissances et par la réduction des inégalités économiques liées au savoir » ;

– « étendre le sentiment de solidarité (…) et entraîner ainsi l’unification nationale et internationale ».

Ces objectifs sont issus de différentes définitions de ce que sont l’éducation et la formation. Le dossier de l’APED  souligne trois définitions au centre du débat sur les objectifs de l’éducation et la formation :

– La définition « institutionnaliste » – elle considère l’éducation et la formation comme des conditions essentielles au bon fonctionnement de la société en conservant ou faisant évoluer sa structure. Cette définition met en avant la capacité de l’éducation et la formation à préserver ou modifier la structure de la société.

– La définition « individualiste-humaniste » – l’éducation et la formation sont les moyens destinés à assurer le bonheur et l’émancipation des individus dans la société. Dans cette définition, la valeur de l’éducation et la formation est déterminé par ses apports aux individus, notamment en termes de qualifications, connaissances ou d’accomplissement personnel.

– La définition « progressiste » – elle envisage l’éducation et la formation comme un instrument d’émancipation collective de transformation sociale. Elles permettent de déterminer les tendances sociales de la société.

 

3. Les écoles à contre-courant : une alternative au système traditionnel

« La formation pédagogique est au cœur des préoccupations des enseignants », souligne Delphine Roucaute : . Alors que de nombreuses critiques sont soulevées contre le système traditionnel, il est possible d’observer le développement de nouvelles méthodes et nouveaux systèmes pédagogiques.

Comme rapporté par Chris Weller  dans son interview avec Bill Gates, le système éducatif traditionnel n’est plus adapté à la croissance démographique et aux nouveaux enjeux économiques, environnementaux, géopolitiques ou sociétaux. Il ne remplit plus l’une de ses fonctions primaires : contribuer au développement des connaissances d’un individu et à l’acquisition des connaissances nécessaires à cet individu.

L’auteur dénonce plus particulièrement le rapport intensif entre le système éducatif traditionnel et l’élève.  Selon lui, le système traditionnel a convergé vers une industrie de la connaissance, dans laquelle l’élève est devenu un produit standardisé.

Joshua Katz développe cette idée en attirant l’attention sur le fait que le système éducatif actuel a été développé pour accompagner la mutation de notre société vers une économie industrielle. Selon lui, dans une époque où nos sociétés tendent à se désindustrialiser, le système éducatif doit revoir sa copie pour appuyer le changement de la société.

Delphine Roucaute met en évidence, en se référant au rapport de l’Organisation de coopération et de développement économique sur l’éducation paru en septembre 2014, un second problème au système éducatif traditionnel : « 40% des enseignants français s’estiment « très peu préparés » au volet pédagogique de leur métier ».

La formation des enseignants aux différentes méthodes pédagogiques est une solution à prendre en considération. Ce constat est d’autant plus vérifié, alors qu’une partie des enseignants quitte les établissements publics pour se diriger vers des établissements privés développant « une éducation nouvelle » et de « nouvelles méthodes » pédagogiques, selon le dossier de l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire .

Le dossier de Passerelle Eco  rend comte d’une multiplication des expériences d’alternatives à la scolarité classique. Si elles restent minoritaires, ces expériences d’alternatives sont hétérogènes et revêtent de nombreuses formes : l’enseignement à domicile, les écoles privées confessionnelles ou hors contrat, et suivant des pédagogies alternatives comme les écoles Montessori ou Steiner-Waldorf http://steiner-waldorf.org/pedagogie/.

Delphine Roucaute considère qu’il est difficile de parler d’une alternative commune au système traditionnel, tant ces expériences sont plurielles, fragmentées et différentes. Elles ont, pour une grande majorité, un point commun : placer l’élève au centre de l’éducation, en prônant « un apprentissage à partir du réel et du libre choix ».

Le dossier de l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire  complète cette observation, en observant que cette « nouvelle éducation » se fonde sur trois principes normatifs :

– Le principe de non-directivité ;

– Le principe de liberté d’orientation ;

– Le principe de la dynamique de groupe.

L’articulation de ces principes tend à restructurer les salles de classe, en cherchant la coopération entre les élèves plutôt que la compétition, et l’accompagnement personnalisé des élèves par un « animateur » – diplômé ou non par l’enseignement national – dans une démarche d’autogestion des enseignements par les élèves.

Ces nouvelles méthodes, bien qu’ayant un faible rayonnement, présentent, à ce jour, de bons résultats en termes d’apprentissage. Selon Ramin Farhangi , ils constituent des exemples d’alternatives dont le système traditionnel doit s’inspirer pour chercher des solutions face à ses nombreux défis.

 

 

II. Quels défis pour l’éducation et la formation ?

1. Difficulté scolaire, décrochage scolaire et problématique d’inclusion

Le ministère de l’éducation français souligne que la lutte contre le décrochage scolaire doit être une priorité.

Alors que le niveau de formation initiale a sensiblement progressé au cours des dernières décennies, le taux d’échec demeure important, comme le souligne Jean-Baptiste Prévost (2012) . Notamment, l’enseignement secondaire fait sortir chaque année un nombre important de jeunes sans diplôme ou avec de faibles qualifications. « Un quart des jeunes entrés en 6e en 1995 » ont renoncé à terminer leur formation dans l’enseignement secondaire.

Le processus d’insertion des jeunes peu ou pas diplômée est une réalité forte, notamment mise en évidence par le rapport sur l’emploi des jeunes en Europe rédigé par Philip Cordery (2015). Une asymétrie grandissante entre le marché du travail et ces catégories de jeunes se développe, poussant les jeunes peu ou pas diplômés à s’éloigner du marché du travail salarié.

L’éducation et la formation ont une place centrale dans le développement des individus et leur intégration dans la société. Ce constat est partagé par Francis Kramarz et Martina Viarengo  qui soulignent que la déconnexion précoce des jeunes au système éducatif impacte durablement leur insertion sur le marché du travail et l’ensemble de leur parcours dans la société.

L’inadéquation du système éducatif et de son système d’orientation est souvent dénoncée pour expliquer la difficulté des jeunes dans le système éducatif et leur propension à décrocher. Cependant, selon l’éducation nationale , il ne serait qu’une explication parmi tant d’autres dans le processus menant les jeunes à décrocher.

De nombreuses variables sont à prendre en considération pour expliquer le décrochage d’un élève : les difficultés scolaires, la structure familiale, l’entourage amical, les conditions économiques et sociales, le choix d’orientation, les perspectives d’avenir, le climat scolaire, l’organisation et les modalités d’évaluation, la capacité pédagogique des enseignants… Autant d’éléments à prendre en considération pour apporter une réponse adaptée à la question.

 

schema-2

Figure 2 Qu’est-ce qui fait le décrochage scolaire ?

 

Face à l’accroissement du décrochage scolaire, les pouvoirs publics ont placé la lutte contre ce fléau au centre de leur politique. Cette politique est mise en œuvre à travers différents plans d’action, comme :

– Le développement de la coopération des équipes éducatives au sein des établissements et avec les partenaires extérieurs ;

– Le renforcement du dialogue entre les parents et le système éducatif ;

– La valorisation dans chaque Académie de la mobilisation de tous contre le décrochage scolaire ;

– La mise en place de dispositifs de soutien à la formation et à la prévention du décrochage scolaire ;

– La mise en place de dispositifs d’accompagnement personnalisé.

 

2. L’éducation prioritaire et problématique de l’équité à l’école

La cartographie de l’éducation prioritaire est devenue dense au fil du temps, représentant « 1089 réseaux à la rentrée 2015, 350 REP+ et 739 REP », selon le dossier de l’éducation nationale . Quels sont les enjeux de l’éducation prioritaire en France ?

La problématique de l’équité à l’école et de l’éducation prioritaire fait débat. Ce débat se fonde sur différentes conceptions du fonctionnement du système éducatif et de l’inégalité.

La première conception considère les inégalités de réussite comme le prolongement des chances élémentaires entre les individus. Elle s’articule autour des principes de mérite et d’égalité des chances. Le système éducatif est présenté comme un outil fournissant la même chance à chacun, la réussite dépend de critères individuels.

La seconde conception présente le postulat d’un système éducatif source d’inégalité. Elle s’articule autour du principe d’égalité de réussite pour tous. Cette conception amène les recommandations de politique économique et éducative autour d’une intervention publique pour réduire les inégalités au sein du système éducatif.

Du dossier d’Edusol il ressort que, alors que la première conception de l’éducation était au centre du débat, la deuxième conception s’est largement diffusée dans nos sociétés depuis les années 70. Cette diffusion s’est faite sur la base des études d’impact sur les inégalités sociales. Cette deuxième conception commande aujourd’hui les interventions publiques en matière d’éducation et de lutte contre les inégalités.

 

shema-3

Figure 3 Impact des inégalités sociales

 

Pour Ramin Farhangi , il est nécessaire que les établissements scolaires et professionnalisant révisent leur organisation, méthodes d’enseignement et critères de formation pour intégrer l’équité au centre de leurs objectifs. La réussite de tous les élèves doit être au centre de l’éducation et de la formation.

Cette nécessité a été prise en considération par les instances publiques. En effet, les principales interventions publiques à l’échelle nationale se sont articulées autour des politiques d’éducation prioritaire et d’équité à l’école. Ce dossier rapporte que « la politique d’éducation prioritaire vise à réduire les écarts de réussite entre les élèves scolarisés en éducation prioritaire et ceux qui ne le sont pas ».

Lancée en décembre 2013, la réforme de l’éducation prioritaire vise à concentrer les moyens là où les difficultés sont les plus importantes, avec notamment l’objectif de réduire à moins de 10% les écarts de maîtrise des compétences :

Le dossier de l’éducation nationale  souligne que la politique d’éducation prioritaire repose sur des principes clairement définis comme la refonte pédagogique, le travail en équipe, la réflexion et la formation soutenue. Les besoins des élèves en difficulté sont au centre des pratiques pédagogiques dans les établissements d’éducation prioritaire pour diminuer le taux de décrochage scolaire. En France, 14 mesures clés ont été définies sur trois axes :

– L’accompagnement des élèves dans leurs apprentissages et dans la construction de leurs parcours scolaires ;

– La formation continue et soutenue des équipes pédagogiques ;

– Le développement d’un cadre et d’un environnement propice aux apprentissages.

 

3. Le numérique à l’école : un enjeu d’avenir à l’heure de la révolution numérique

Le numérique est un véritable défi pour l’éducation et la formation : source d’innovation pour les pratiques pédagogique, il remet en question les acquis et les pratiques du système traditionnel.

Comme souligné par Jean-Michel Fourgous (2010) , après près de 15 ans de développement intensif, les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) sont « aujourd’hui utilisées dans tous les secteurs de l’économie » et « constituent à ce titre l’un des facteurs essentiels de la croissance de demain ».

À l’heure où ces technologies ont investi tous les domaines de l’économie et représentent un facteur de différentiation à l’international, la question prioritaire est de savoir la place du numérique à l’école et l’intérêt que représente ce dernier pour le système éducatif.

Le système éducatif a un rôle important à jouer : il contribue à l’acquisition des compétences permettant à chacun de s’adapter à la « révolution numérique ».

En effet, Elsa Maudet  met en avant l’importance de l’école dans une « société numérique ». Malgré le fait que « 87% [des élèves en difficultés dans les quartiers populaires] disposent d’un ordinateur », l’auteur souligne que la maîtrise de son usage est un véritable frein pour la réussite des élèves. La majorité de ces derniers ne maitrisant pas ces technologies auront des difficultés à trouver un emploi.

Anne Cordier est d’accord avec ce constat. Elle considère que dans une société numérique, « ignorer le numérique » est « une démission » pour s’intégrer dans la société.

Comme mis en avant par le plan numérique pour l’éducation du ministère français de l’Education , le « numérique éducatif » au niveau national est nécessaire pour préparer les élèves à être acteur dans un secteur porteur d’emplois et de croissance.

Le numérique permet de modifier les pratiques pédagogiques. Comme il est observé par Elsa Maudet , le numérique a différents avantages pour le système traditionnel, notamment :

– Permettre de changer l’attitude des élèves face à l’enseignement et à leur travail ;

– Apporter une plateforme de soutien et un espace d’évaluation continue ;

– Mettre en place une communication en temps réel entre l’élève, la classe, les professeurs et l’école.

Jean-Michel Fourgous (2010)  complète cette analyse en notant qu’il a été démontré que l’intégration du numérique dans les établissements scolaires dans les pays de l’OCDE permet :

– « l’amélioration de la qualité de l’enseignement et des résultats » ;

– « la formation des élèves aux outils numériques afin de leur donner les compétences clés indispensables à leur réussite sur le marché de travail » ;

– « l’amélioration de l’efficacité de l’administration et de la gestion des établissements scolaires »

Selon le ministère de l’Éducation, le développement du numérique dans l’éducation et la formation se manifeste par l’accroissement du nombre de plateformes intranets et de cours en ligne, comme les Moocs, pour placer les établissements français dans la compétition des établissements au niveau international.

Daphne Koller , dans sa conférence TED, complète cette analyse en soulignant que le numérique et ses outils pédagogiques modifient profondément le rapport entre l’institution pédagogique, la formation et l’élève. Les élèves se retrouvent à pouvoir choisir leur formation « à la carte » : chaque enseignement devenant « un produit » dans le parcours de l’élève.

Ainsi, selon Daphne Koller, il est nécessaire que les institutions pédagogiques portent un nouveau regard sur le numérique et les potentialités qu’il peut apporter au modèle d’enseignement traditionnel. Le numérique a la capacité de remettre en question de nombreux codes du monde de l’éducation et la formation, en ouvrant la porte des institutions à un public plus vaste.

Toutefois, pour Jean-Michel Fourgous (2010)  de nombreux blocages sont observés dans le système éducatif. Le principal blocage est lié à la difficulté de l’éducation à s’adapter et intégrer les NTIC dans ses pratiques pédagogiques.

Le rapport de Jean-Michel Fourgous (2010) rend compte du fort retard français « pour ce qui est de l’équipement et de l’utilisation » des technologies du numérique par le système éducatif. Ainsi, le système éducatif français doit intégrer et encourager « l’utilisation des potentialités du numérique par les établissements » pour poser les bases de la croissance de demain dans une société numérique.

Il est noté dans le plan du ministère de l’Éducation  une triple nécessité pour l’éducation et la formation :

– La nécessité de former les enseignants et les élèves à la maîtrise des outils numériques pour une meilleure prise en main des outils ;

– Un développement des usages du numériques dans toutes les disciplines pour développer de nouvelles méthodes d’enseignement ;

– Mettre en avant les potentialités de la culture numérique et des usages des outils numériques dans l’éducation.

 

4. L’insertion professionnelle et le niveau de formation et de diplôme

La formation et le diplôme sont des facteurs importants dans l’insertion professionnelle des jeunes, selon la note d’information de l’éducation nationale .

Mis en évidence par le rapport sur l’emploi des jeunes en Europe rédigé par Philip Cordery (2015) , l’écart entre le taux de chômage des jeunes diplômés de l’enseignement supérieur et des jeunes peu ou pas diplômés était approximativement de 41,5 points en 2015.

Philippe Lemistre (2003)  constate que le diplôme a une valeur de référence pour les employeurs. Il lui permet de connaître la base des « compétences innées et acquises, notamment dans le système scolaire ».

Il est considéré par cet auteur que la valeur d’un diplôme est le corollaire de sa capacité à permettre à un individu à intégrer le marché de l’emploi et à obtenir un niveau de salaire donné. La première observation de cet auteur est de souligner une corrélation positive entre le niveau du diplôme et l’accès aux premiers emplois stables. En d’autres termes, le lien entre le niveau d’éducation certifié par un diplôme et le premier emploi stable est vérifié et significatif.

 

shema-4

Figure 4 Evolution du taux d’emploi à sept mois par classes de sortie

 

Toutefois, l’importance du diplôme et de la formation dans l’insertion professionnelle des jeunes a diminué depuis quelques années. Il est devenu un minimum à acquérir pour intégrer un emploi, mais n’est plus le seul critère dans l’insertion professionnelle.

Selon Olivier Charlot (2005) , ce phénomène est le résultat de « course aux diplômes » – une inflation du niveau de formation et de diplômes. En effet, l’éducation et le chômage entretiennent une relation qui dépasse un simple lien de causalité.

Olivier Charlot (2005) le souligne, en exposant une relation réciproque :

– D’une part, le chômage engendre des incitations à s’éduquer pour aboutir à un emploi. L’éducation et la formation deviennent ainsi une fin en soi, au lieu d’être un moyen pour trouver un emploi ;

– D’autre part, la hausse du niveau de formation moyen de la population peut engendrer une hausse du chômage, notamment dans les catégories inférieures ou égales à cette moyenne. Dans cette configuration, un certain niveau de qualification est nécessaire pour obtenir un emploi.

Cette relation réciproque se base sur, d’une part, la dégradation relative de la valeur des diplômes, selon Stefano Scarpetta, Anne Sonnet et Thomas Manfredi (2010)  et, d’autre part, l’accroissement absolu de la valeur du niveau du diplôme sur le marché de l’emploi pour Guillaume Allègre (2011)  .

Philippe Lemistre (2003)  appuie cette remarque en mentionnant que l’accroissement du nombre de diplômés augmente les pré requis obligatoires pour accéder au marché de l’emploi et dévalorise toute la hiérarchie des diplômes en termes d’insertion et de salaires.

La diminution relative de la valeur du niveau des diplômes tend à accroître les inégalités sociales. Valérie Albouy et Thomas Wanecq (2003) expliquent que, pour un même niveau de qualification à la suite d’une formation dans l’enseignement supérieur, un diplômé d’une grande école a plus de chance de s’insérer à un niveau de salaire donné qu’un diplômé d’une université. Selon les auteurs, cet accroissement de la valeur qualitative des diplômes serait un filtre dans la sélection sociale.

shema-5

Figure 5 Evolution du taux de chômage selon le niveau de diplôme depuis 1982 (Le Figaro)

 

II. Le sujet dans la théorie économique

 

I. L’éducation et la formation : facteur de croissance et de développement

1. L’éducation et la formation : une source de croissance économique 

Selon Philippe Aghion et Elie Cohen (2004) , « les voies par lesquelles l’éducation, au sens le plus large, influe sur la croissance économique, sont multiples et assez bien identifiées».

L’éducation est un vecteur de croissance durable sur le long terme, grâce à ses effets de levier sur la structure de l’économie et l’emploi. Elle permet d’appuyer et accompagner la croissance et la compétitivité des entreprises en formant le capital humain de l’économie, selon Jacques Brasseul .

D’un point de vue d’ensemble, Philippe Aghion et Elie Cohen (2004)  soulignent l’importance d’un système éducatif adapté à l’économie et ses innovations. En effet, selon les auteurs, la performance d’ensemble du système éducatif permet de déterminer les tendances futures d’une économie en termes d’innovation, d’inégalité et de croissance.

Un système éducatif non adapté à la matrice sectorielle d’un pays et aux différents cycles d’innovation mondiale peut déstabiliser une économie sur le long terme. En effet, selon ces auteurs, trois facteurs contribuent à développer un système éducatif inadapté :

– Une allocation inégale des ressources et des dépenses au sein du système éducatif. Cette répartition des ressources est caractérisée par une concentration de certaines d’entre elles autour de quelques établissements, sans prendre en compte le développement du système éducatif dans son ensemble. ;

– Un équilibre sous optimal entre l’évolution des compétences demandées par les entreprises et des compétences offertes par le système éducatif ;

– Un système éducatif adapté seulement à un segment de la matrice sectorielle d’un pays, sans intégrer les segments des innovations technologiques, tend à contracter son économie. Des tensions peuvent apparaitre dans les secteurs confrontés directement aux innovations technologiques.

Ils mettent en évidence que l’adaptation du système éducatif doit passer par la compréhension de la position du pays par rapport à la « frontière technologique » – déterminé par le pays ayant la technologie la plus avancée.

Christian de Boissieu (2004) détermine une nomenclature pour adapter le système éducatif selon la notion de « frontière technologique » entre :

– D’une part, pour les pays les moins avancés – éloigné de la frontière technologique -, l’adaptation du système éducatif passe par le renforcement de l’enseignement primaire et secondaire ;

– D’autre part, pour les pays les plus avancés – proche de la frontière technologique –, l’adaptation du système éducatif doit passer par le développement de l’enseignement supérieur, de la recherche et des formations mettant l’accent sur l’innovation, la création et la Recherche et développement.

L’enseignement supérieur semble être crucial dans le développement des pays les plus avancés et pour les pays émergents. Ce constat est partagé par Anna Valero et John Van Reenen (2016) . Les auteurs mettent en évidence une relation positive entre le nombre d’universités dans un pays et la croissance de ce dernier.

Ils montrent qu’en doublant le nombre d’universités, le PIB par habitant tend à augmenter de quatre points localement autour de ces universités. Le développement d’universités au sein d’un pays permet une croissance homogène au sein du territoire, en multipliant les zones d’activités.

 

shema-8

Figure 6 L’accroissement du tissu et son influence sur le PIB local par habitant . Source: Anna Vlero et John Van Reenen (2016)

 

Selon Anna Valero et John Van Reenen (2016) trois raisons expliquent cette relation :

– Le développement d’une main-d’œuvre plus qualifiée ;

– La stimulation de l’innovation et de la matrice sectorielle autour des universités ;

– L’accroissement de la demande locale autour des universités ;

L’éducation et la formation ont un impact quantitatif et qualitatif sur la croissance économique d’un pays. Comme le souligne Ecorys , le développement et l’adaptation du système éducatif sont nécessaires pour permettre une croissance économique homogène et le développement d’une économie résiliente sur l’ensemble du territoire.

 

2. Education et formation : une perspective nationale et internationale pour le développement

Selon Jacques Basseul , le rôle déterminant de l’éducation dans le processus de développement est largement partagé et fait l’objet d’un consensus de la communauté internationale. D’autant plus, qu’il a été renforcé dans la nouvelle économie de l’information et de la connaissance.

Tom Berryman et Lucie Sauvé (2016)  ont souligné un lien entretenu entre l’éducation et le développement. L’éducation et la formation sont des facteurs de développement sur trois niveaux : individuel, économique et durable.

Philippe Hugon (2005)  confirme cette thèse, en observant « un rôle positif de l’enseignement en termes de construction de la citoyenneté, de savoirs évitant la fracture scientifique et des opportunités d’emploi ». L’éducation et la formation sont au cœur de la construction et du développement des individus dans la société.

Cependant, alors que l’auteur souligne l’importance du processus de formation pour le « passage des règles et des codes » dans les sociétés, ce point est dénoncé par Sir Ken Robinson. Pour Sir Ken Robinson, l’éducation et la formation tendent à « tuer la créativité » des élèves et à limiter les opportunités de développement intellectuel et personnel, hors d’une « certaine vision » de la société.

Le dossier de France Diplomatie souligne que l’éducation est un « catalyseur essentiel de développement ». Elle a un impact positif et durable sur les différents secteurs de l’économie. Cela en fait un investissement durable et rentable en termes de développement économique sur le long terme.

Edmond Malinvaud (1994) met en évidence que « l’idée est fort répandue depuis longtemps que la généralisation de l’enseignement constituerait le moyen le plus puissant du progrès social ». Cependant, cet auteur souligne également certaines « déceptions » concernant cette idée. La généralisation de l’enseignement « ne suffit pas à doter tous les jeunes d’un minimum de connaissances ».

La qualité de l’enseignement, de la condition des enseignants et de l’environnement pédagogique doivent être également pris en considération pour contribuer au développement de tous les aspects de la société. Sur ce point, l’auteur avance que l’absence d’un progrès dans la qualité de l’enseignement peut conduire à une détérioration des niveaux de vie, du revenu moyen et du progrès technique dans une économie.

Tom Berryman et Lucie Sauvé (2016) considèrent le rôle que doit jouer l’éducation et la formation dans l’aboutissement des objectifs de développement durable comme indispensable. L’inclusion des enjeux du développement durable aux orientations de l’éducation et de la formation des individus est une clé de voute pour accélérer l’accomplissement des objectifs associés aux enjeux de développement durable.

Cette idée est partagée par Agnieszka Jeziorski et Annie Ludwig-Legardez (2011) . Ces auteurs soulignent qu’ « afin de contribuer à la transformation des mentalités et des comportements en faveur du développement durable, l’éducation et la formation sont considérées à tous niveaux comme des instruments fondamentaux ».

Cependant, ces auteurs soulignent que l’acquisition des enjeux du développement durable doit également passer par le développement du système éducatif pour inclure ces enjeux.

Pour intégrer les nouveaux enjeux du développement, Agnieszka Jeziorski et Annie Ludwig-Legardez (2011) soutiennent que le système éducatif traditionnel doit tendre vers :

– Un enseignement et une formation sur les questions sociales, en remettant en cause la validité des réponses apportées ;

– Un enseignement et une formation interdisciplinaire, incorporant les différentes avancées de chaque discipline dans chaque discipline ;

– Un enseignement et une formation pour traiter les représentations sociales et s’interroger sur les connaissances socialement élaborées et partagées.

Ces tendances sont également mises en évidence par Edgar Morin (2002)  qui considère la nécessité d’adapter le système éducatif à l’évolution des processus globaux. Il note trois grands défis pour le système éducatif occidental :

1. L’élargissement des connaissances pour prendre en compte les connaissances planétaires de la sphère des arts, de la littérature, des sciences et de la philosophie ;

2. Le risque d’une destruction de l’hétérogénéité du savoir de certains pays, face à l’homogénéisation et la standardisation des systèmes éducatifs sur un modèle occidental ; et

3. L’imbrication de la sphère « réelle » et « numérique » pour le développement, l’accentuation et l’amplification des tendances en cours dans les différents systèmes éducatifs.

 

3. De la lutte contre les inégalités des chances à l’adaptation aux besoins spécifiques

Le « système éducatif contribue, parmi d’autres, à différencier les trajectoires sociales et professionnelles des individus », selon le dossier de la CFDT (2012) . C’est l’une des raisons pour lesquelles la lutte contre les inégalités des chances dans le système éducatif est une priorité.

Ces inégalités des chances sont variées dans le système éducatif. Le dossier de la CFDT (2012)  laisse entendre que l’éducation est face à trois importants défis :

– La lutte contre les inégalités de chances dès la petite enfance, et l’accompagnement continu des élèves dans la construction de leurs orientations ;

– La lutte contre les inégalités de chances qui sont la conséquence du développement territorial et du séparatisme social ;

– La lutte contre les inégalités de chances causées par le contenu et les méthodes d’enseignement.

Xavier Nau soutient que la politique d’éducation prioritaire ne semble pas aboutir à de bons résultats pour les établissements dans ces zones d’éducation prioritaire. D’une part, une grande partie des établissements restent en éducation prioritaire depuis le développement de ces zones. D’autre part, « 20% des établissements » d’éducation français se retrouvent dans ces zones.

Les politiques de lutte contre les inégalités des chances ne semblent pas être une solution convenable. Il est important de refonder notre approche sur les déficits que connaissent certaines populations en difficulté dans le système éducatif.

Toutefois, cet auteur considère qu’il faut également revoir le système éducatif dans son ensemble et faire évoluer ce système pour prendre en compte les besoins et spécificités des élèves. L’élève doit être au centre de ce processus évolutif.

Henri de Castries  soutient qu’il est nécessaire d’articuler la lutte contre les inégalités des chances et la refonte du système éducatif pour promouvoir l’adaptation aux besoins spécifiques des élèves. Cette articulation est un moyen important pour améliorer la qualité de l’éducation dans nos sociétés.

 

 

Laurent Jeanneau  met en perspective trois mesures sur le long terme à prendre pour améliorer notre système scolaire afin de lutter contre les inégalités et incorporer dans cette refonte les nouveaux enjeux de la société :

– Favoriser le financement de l’enseignement primaire et de l’éducation prioritaire – pour lutter contre la cristallisation des inégalités ;

– Mettre la lutte contre les inégalités au cœur de la mission des enseignants et de la formation initiale ;

– Donner une autonomie aux établissements sur les moyens et méthodologies à mettre en œuvre pour atteindre les objectifs.

II. Benchmark international : les différents systèmes d’éducation et de formation dans le monde

1. L’hétérogénéité des systèmes éducatifs en Europe : quelle éducation à l’époque de la mondialisation ?

L’Europe est caractérisée par de nombreuses disparités en termes de systèmes d’éducation et de formation. Cette hétérogénéité a encouragé l’Union européenne à développer une politique commune depuis la fin des années 90.

Pour harmoniser les systèmes d’éducation et de formation à l’échelle de l’Union européenne, le Conseil de l’Europe a développé une politique commune sur l’enseignement. Cette mesure a pour objectif une harmonisation des systèmes d’éducation entre eux au niveau européen pour contribuer au développement d’un marché du travail unique sur l’espace européen.

La politique commune sur l’enseignement est articulée, depuis 2010, dans l’espace européen de l’enseignement supérieur. Cette politique a harmonisé le système d’éducation de l’enseignement supérieur autour du socle LMD – Licence en 3 ans, Master en 2 ans et Doctorat en 3 ans. Elle a pour objectif une harmonisation de la reconnaissance des diplômes au niveau européen et international.

Cette politique s’est également illustrée par le programme de mobilité interuniversitaire en Europe, renforcée par le programme Erasmus, récemment rebaptisé Erasmus+

 

 

Pourtant, cette politique s’est arrêtée à l’harmonisation des systèmes universitaires européens, sans prendre en considération le primaire, ni le secondaire.

En effet, le dossier Eurostat met en évidence une hétérogénéité des systèmes éducatifs en Europe. Sur 33 pays européens étudiés, Eurostat a dénombré 37 systèmes éducatifs – certains pays cumulant différents systèmes. Une typologie est établie entre les pays, mettant trois types de système d’éducation pour le primaire et le secondaire :

– Les systèmes d’éducation fondés sur une structure unique – mis en œuvre dans les pays de l’Europe du Nord et des Balkans ;

– Les systèmes d’éducation fondés sur un tronc commun – ces systèmes représentent une majorité des pays européens, dont notamment la France, l’Espagne, le Royaume-Uni, l’Italie, la Pologne ou encore la Grèce ;

– Les systèmes d’éducation fondés sur des branches et des filières distinctes – notamment en Allemagne, en Autriche et en Lituanie.

 

shema-6

Figure 7 Différents modèles d’enseignement primaire et secondaire en Europe – Source: Eurostat

 

Roger Dale (2009) considère la nécessité d’une nouvelle lecture de l’éducation au niveau européen. L’harmonisation des systèmes éducatifs doit passer par :

– La compréhension des différents systèmes éducatifs nationaux, mais également des différents marchés du travail respectifs ;

– Le développement d’une politique commune d’ensemble permettant d’articuler une harmonisation d’ensemble du marché du travail européen et des systèmes d’éducation.

 

2. La dualité du système éducatif français entre le privé et le public

Le système éducatif français est souvent montré à travers la dualité entre l’enseignement privé et public. Selon Emmanuelle Nauze-Fichet (2004) , de l’école maternelle à l’enseignement supérieur, l’opposition entre le privé et le public est marquée par le débat autour d’une question : « scolariser son enfant dans le public ou dans le privé est-il équivalent ? »

Comme énoncé par Isabelle Maetz , « à chaque rentrée, un élève sur vingt, en moyenne, a changé de secteur par rapport à l’année antérieure ».  Ce constat ne souligne pas une part plus importante du secteur privé dans l’éducation. En effet, la part moyenne du secteur privé dans l’enseignement en France a très peu varié depuis les années 80.

Pour Emmanuelle Nauze-Fichet (2004), cette distinction est surestimée dans la mesure où tous les établissements scolaires français – privés ou publics – sont soumis aux mêmes contraintes et objectifs pédagogiques. Elle est, avant tout induite par des « préoccupations idéologiques, d’affinité religieuse, culturelle ou sociale ».

Il est souligné par cet auteur que les établissements d’enseignement privés de France métropolitaine et des DOM n’accueillent qu’une faible proportion de l’ensemble des élèves français – autour des 17% des élèves de la maternelle à la terminale. Cette faible proportion d’accueil constitue une différenciation pour les établissements d’enseignement privés qui souligne dans leurs promotions un encadrement personnalisé à chaque élève.

Cependant, le dossier « L’éducation déchiffrée »  montre que l’offre d’enseignement privé est hétérogène et prend différentes formes, « depuis les institutions entièrement privées jusqu’aux écoles sous contrat avec l’État, en passant par les écoles gérées par les ONG ou par les communautés ». Il est difficile de faire une distinction entre l’éducation publique – représenté par un ensemble homogène – et l’éducation privée – qui est un ensemble hétérogène et disparate.

Selon Jean-Paul Caille (2004)  une distinction apparaît entre les établissements d’enseignement privé sous contrat avec l’Etat et les établissements d’éducation publique, notamment à travers :

– Une fréquentation plus importante des élèves – représentée par une plus faible part d’absentéisme ;

– Un impact significatif de ces établissements sur la réussite des élèves – représentée par une part plus faible de redoublement et d’échec aux examens.

Selon le dossier « L’éducation déchiffrée », la meilleure performance des établissements privés ne dépend pas seulement de la qualité de l’éducation délivrée dans ces établissements.

Ce résultat s’explique notamment par le fait que :

– Les établissements privés attirent les élèves des milieux socioéconomiques les plus favorisés ;

– Les établissements privés ont davantage de ressources à allouer à l’éducation et aux matériels pédagogiques.

 

3.Le classement de Shanghai : la dominance des universités américaines

Comme mis en évidence par Edmond Malinvaud (1994) , « il y a un large accord parmi ceux qui traitent de l’éducation pour reconnaitre que se pose un sérieux problème d’efficacité ». La France fait souvent figure de mauvais élève dans les nombreux classements des systèmes d’éducation. En effet, la France est un pays ayant un système éducatif préoccupant en termes d’inégalités dans l’éducation, selon le classement PISA  .

Les établissements nord-américains sont parmi les plus performants pour de nombreux classements, comme le classement de Shanghai  – classement qui s’est « imposé comme un outil de notoriété pour les universités » depuis sa création en 2003.

Comme souligné dans le dossier de l’Internaute , le classement de Shanghai est le classement académique des universités mondiales. Ce classement se fonde sur six critères : « le nombre de prix Nobel et médailles Fields parmi les anciens élèves et parmi les professeurs, le nombre de chercheurs les plus cités dans leur discipline, le nombre de publications dans les revues scientifiques Nature et Science, le nombre de chercheurs répertoriés dans le Science Citation Index-Expended (SCIE) et le Social Science Citation Index (SSCI) et la performance moyenne des professeurs ».

Parmi les 500 universités classées, 17 américaines occupent les vingt premières places, dont Harvard et Stanford qui « campent depuis toujours sur les premières places du podium », selon Isabelle Rey-Lefebvre .

 

shema-7

Figure 8 Classement de Shanghai des 10 meilleures universités du monde en 2016 (Source: Internaute )

 

L’article du Monde  énonce que le classement de Shanghai est « suivi et commenté dans le monde entier, mais fait l’objet de nombreuses critiques en raison de sa méthodologie ». La principale critique énoncée à ce classement est qu’il privilégie la « recherche des sciences exactes » au détriment des autres enseignements.

L’importance de ce point est soulignée dans le dossier de La Tribune : le classement influe directement sur les financements des institutions publiques envers les universités. Ainsi, les financements tendent à être dirigés vers les « sciences exactes ».

 

4. La Corée du Sud : le meilleur système éducatif mondial, selon le PISA 2016, controversé

Le classement PISA 2016 – Program for International Student Assessment – de l’OCDE, a désigné la Corée du Sud comme le pays ayant le meilleur système éducatif mondial.

Le test établi sous l’égide de l’OCDE est devenu la « référence mondiale dans le domaine de l’évaluation de la qualité et de l’équité des systèmes d’éducation, et de leur efficacité à enseigner ces compétences aux jeunes ».

L’enquête PISA évalue tous les 3 ans le niveau scolaire des élèves âgés de 15 ans dans les 34 pays de l’OCDE. Les résultats obtenus par ces pays identifient les systèmes d’éducation les plus performants. Le classement PISA détermine un classement entre les systèmes d’éducation et de formation selon différents critères comme la qualité, l’équité et l’efficience de l’éducation.

L’évolution du système éducatif de la Corée du Sud est le résultat d’une politique publique menée en continu depuis une vingtaine d’années, plaçant l’éducation au premier rang des enjeux de développement. Nafy-Nathalie souligne que le système éducatif sud-coréen est basé sur trois principes pour faire face aux changements sociaux :

– le principe de compétition entre les élèves ;

– le principe de formation continue ;

– le principe d’autonomie de l’apprentissage et des établissements ;

La politique éducative des Sud-Coréens met l’accent sur une éducation de qualité, adaptée aux besoins du marché et de la matrice sectorielle de l’économie. La Corée du Sud semble un exemple pour de nombreux systèmes éducatifs – tel que le système éducatif français.

Cependant, de nombreuses critiques envers ce système éducatif viennent tacher le tableau sud-coréen. La controverse autour du système éducatif sud-coréen est énoncée par Nafy-Nathalie comme le résultat d’un système éducatif intensif dans lequel la compétition est excessive. La performance du système éducatif sud-coréen se ferait au dépens du développement personnel et créatif de l’élève.

Ce constat est souvent illustré par le taux de suicide de la Corée du Sud, qui est le plus élevé des pays industrialisés. La pression sociale qui pèse sur les épaules des élèves sud-coréens peut être une explication, dans un pays n’autorisant aucune forme d’échec scolaire.

Comme souligné dans la note de l’éducation nationale française , face au débat sur le rythme scolaire, le Maire de Séoul a pris la décision d’interdire les cours après 22h, pour limiter la durée de formation à travers des cours du soir.

 

III. La vision de 5 économistes

 

aghion_0Philippe AGHION (Cercle des économistes)

Théories de croissance, besoin de formation et de R&D. L’éducation et la recherche sont facteurs de croissance dans tous les pays, quel que soit leur niveau de développement technologique. « Dans les pays proches de la frontière technologique, l’éducation augmente l’offre de chercheurs ou de développeurs potentiels, et par suite réduit le coût de la R&D. Par conséquent, l’éducation est de nature à renforcer les effets incitatifs de toute politique directe de subventions à la R&D sur l’innovation », explique Philippe Aghion. Dans les pays, ou secteurs, moins développés technologiquement, Philippe Aghion estime que « l’éducation et la R&D facilitent l’adoption de nouvelles technologies introduites auparavant dans les pays les plus avancés et leur adaptation aux situations géographiques et économiques locales, ce qui est en soi une innovation ».

Dimension environnementale. Un exemple illustratif du rôle de l’éducation et de la recherche dans la diffusion technologique est celui de la révolution verte. Cette position, Philippe Aghion l’exposait déjà dans son rapport Education et croissance, co-rédigé avec Elie Cohen, publié au milieu des années 2000. « Partant d’une innovation fondamentale dans le domaine de l’hybridation des graines végétales, les pays en voie de développement les mieux dotés en travailleurs hautement qualifiés, en équipement de recherche et en universités, ont été les mieux à même de produire de nouvelles qualités de riz, blé, adaptées aux conditions locales », explique l’économiste.

Conséquences. Cette complémentarité entre éducation et progrès technique a d’importantes implications concrètes pour la politique économique. Philippe Aghion relève que cette complémentarité « suggère qu’une bonne politique de croissance passe – notamment – à la fois par des subventions à la R&D ou à l’équipement de laboratoires pour les entreprises innovantes ; une politique adaptée des droits de propriété sur l’innovation ; une amélioration de la qualité du système éducatif (…) ». En résumé, davantage d’activités innovatrices et de débouchés dans le secteur de la R&D sont de nature à encourager un plus grand effort d’éducation et de qualification de la part des jeunes générations. Inversement, une meilleure offre de travail qualifié incite les entreprises à investir davantage en R&D.

 

BenhamouFrançoise BENHAMOU (Cercle des économistes)

Education aux medias. La compréhension du monde dans lequel nous vivons fait partie du vivre-ensemble que l’Education nationale se doit d’enseigner. De nombreux enseignants utilisent des articles de journaux en supports de cours. « Mais le décryptage d’une information, son traitement différencié selon les supports, les questions de déontologie sous-jacentes sont rarement étudiées », estime Françoise Benhamou. « Expliquer la diversité des écritures et des modes de traitement de l’information selon qu’il s’agit d’un article ou d’un blog, d’une émission de radio ou de télévision, apprendre à regarder une image, sont des objectifs que des enseignants se donnent individuellement et non des enseignements systématiquement proposés. Pourtant, tout cela est d’autant plus important qu’Internet permet un accès à toutes sortes d’informations … et aussi de déformations des événements passés et présents », insiste l’économiste spécialiste de l’économie de la culture.

De l’importance des sources. On ne fera rien sans des ressources finement élaborées. Françoise Benhamou juge indispensable de « créer des outils ad hoc, alliant des notions sur l’histoire des médias, sur leurs complémentarités et leurs concurrences, sur leur économie.  Expliquer que pour un média, quand les revenus viennent à manquer, l’heure est aux raccourcis et au risque de baisse de qualité ». Il faut également transmettre des éléments de sociologie des médias : « Qui regarde quoi ? Comment évolue la réception du message suivant les contextes socio-culturels ? Il faut enfin choisir des événements, passés ou récents, et en montrer toute la diversité des traitements, de la réception de par le monde et au fil du temps », insiste l’économiste.

Moyens matériels et humains. Les ressources ne s’improvisent pas, elles doivent faire appel à des livres, des articles, des vidéos, etc. « C’est un travail considérable, un chantier permanent, nécessitant des moyens, des compétences, et un dialogue entre les enseignants, les administrations en charge des programmes, les éditeurs scolaires, et tous ceux qui fabriquent la matière première de l’enseignement », explique Françoise Benhamou, pour qui « il n’y a pas d’enseignement de qualité sans une formation des enseignants adaptée aux objectifs pédagogiques, et sans la mise à disposition de ces enseignants de ressources documentaires de qualité ».

 

Carcillo Stephane_cropStéphane CARCILLO (Cercle des économistes)

Situation critique. Selon la définition anglo-saxonne, près de 16 % de personnes âgées de 15 à 29 ans sont « neet », c’est-à-dire sans emploi, ne suivent pas d’études ni de formation. « Ce sont deux millions de jeunes, dont près d’un million totalement inactifs. La moitié d’entre eux n’a aucun diplômeet il y a chaque année 150000 décrocheurs supplémentaires qui rejoignent, pour la plupart, les rangs du chômage ou de l’inactivité », déclare Stephane Carcillo, qui poursuit : « Il faut arrêter la machine à générer l’échec scolaire. Toutes les études le confirment : chômage et éducation sont étroitement liés ». L’économiste estime urgent de réformer l’école : « Notre système ne fonctionne pas et génère beaucoup d’inégalités. En France, l’enseignement est très vertical, très académique, avec des méthodes très encadrées par l’Education nationale et qui ne conviennent pas à tous ».

Regarder les exemples ailleurs. Stephane Carcillo explique qu’ « Aux Etats-Unis, des études menées depuis les années 1960, comme le « Perry Preschool Project », montrent combien tout ce qui concerne la confiance en soi, le milieu social et le savoir-être sont essentiels pour aider les jeunes à s’insérer ». L’économiste en conclut que « la solution pour les jeunes défavorisés se situe surtout en dehors de la maison, même si l’implication des parents est importante. Qu’il est important d’agir le plus tôt possible avec des moyens renforcés et bien ciblés. Et qu’il est impératif d’agir sur les comportements, pas seulement sur les connaissances ». Cela impacte non seulement la réussite scolaire qui augmente, mais permet aussi de réduire les coûts sur la collectivité, car il y a moins de dépenses liées à la délinquance, aux prestations sociales et à la santé une fois atteint l’âge adulte.

Précieux apprentissage. Dans un récent entretien accordé au quotidien L’Opinion, Stephane Carcillo appelle à s’inspirer des travaux de ses confrères Pierre Cahuc et Marc Ferracci. « Ils préconisent de revoir le contenu des compétences, de trouver l’équilibre entre enseignements généraux et connaissances pratiques. Trop d’apprentis sont déjà diplômés avant d’entrer dans le programme. Les ressources ne sont pas orientées vers les publics prioritaires, elles bénéficient de plus en plus aux jeunes diplômés qui ont, par ailleurs, d’autres moyens d’insertion », explique le Professeur à SciencesPo. Selon lui, « En France, on ne travaille pas assez sur les ruptures entre la fin de l’école et l’emploi. En Allemagne, par exemple, on apprend en amont aux jeunes à définir leur projet professionnel, et à s’adresser à un employeur, tout en les remettant à niveau, ce qui facilite les choses pour trouver un contrat avec une entreprise. Ils peuvent bénéficier ainsi d’une période de préapprentissage ».

 

Cartapanis André_cropAndré CARTAPANIS (Cercle des économistes)

Suivre des études coûte-t-il trop cher en France ? Dans l’hexagone, les droits d’inscription à l’université restent particulièrement bas, mais certains établissements les ont augmentés significativement. Selon André Cartapanis, « Ces hausses répondent aux besoins de financements croissants liés à l’intensification de la concurrence mondiale entre les universités, aux besoins en équipements de recherche, à l’exigence d’internationalisation des cursus. Or, poursuit l’économiste,  l’Etat n’a pas les moyens d’accroître significativement ses dotations. D’où l’impératif d’une diversification des ressources, du côté des entreprises mais aussi des étudiants sous la forme d’une hausse de leurs contributions ».

Pourquoi cela soulève de nombreuses oppositions. « Le premier argument est celui de la sélection par l’argent. Mais on peut conditionner la hausse des droits d’inscription à la multiplication et à l’augmentation des bourses, sur critères sociaux et de mérite. Comme l’a fait Sciences Po Paris, on peut aussi moduler les droits en fonction des revenus des familles. Mais surtout, contrairement aux idées-reçues, le maintien des droits à des taux très bas n’a pas garanti l’égalité d’accès aux filières d’excellence », explique André Cartapanis. « La pénurie de ressources financières hypothèque la qualité moyenne de l’enseignement supérieur au détriment, d’abord, des milieux défavorisés dont les enfants ne peuvent pas compléter leur formation, en France ou à l’étranger, dans des cursus d’excellence d’accès très onéreux, ce que font les étudiants issus de milieux plus favorisés », selon l’économiste.

Changement de logique. Le second argument tient au changement qu’impliquerait une libéralisation de la fixation des droits d’inscription et une hausse de leur niveau. « A en croire certains, cela généraliserait la concurrence entre les établissements d’enseignement supérieur, certains fixant leurs droits à des niveaux élevés grâce leur réputation, à la qualité de leurs professeurs ou de leur recherche, tandis que d’autres seraient acculés à des droits beaucoup plus bas en offrant des formations moins prestigieuses, accueillant ainsi, par défaut, les étudiants les moins fortunés ou n’ayant pas accès aux bourses », insiste André Cartapanis. D’où la fin des diplômes nationaux, la hiérarchisation des universités, l’enracinement des inégalités d’accès à l’enseignement supérieur. « Il appartient à l’Etat de maîtriser les effets pervers éventuels d’une hausse des droits en jouant un rôle de régulation et de péréquation de ces moyens financiers supplémentaires, en conservant la certification nationale des diplômes », conclut l’économiste. En clair : fixer des règles de nature à éviter un enseignement supérieur à deux vitesses.

 

Pollin Jean-Paul cropJean-Paul POLLIN (Cercle des économistes)

Réformer l’université. La réhabilitation de notre système d’enseignement supérieur est certainement le chantier le plus urgent à engager pour obtenir un développement économique et social, à la fois plus rapide et mieux maîtrisé. Jean-Paul Pollin n’hésite pas à parler de la « mère de toutes les réformes ». L’économiste souligne que « de nombreux rapports, articles et ouvrages ont montré que l’investissement dans l’enseignement supérieur et la recherche était, pour nos économies développées, une impérieuse nécessité. Car la seule façon de répondre efficacement à la concurrence des pays émergents consiste à se positionner sur la production de biens et services à haute valeur ajoutée ».

Innovation. Pour Jean-Paul Pollin, une telle aventure nécessite d’innover mais aussi d’élever le niveau d’éducation. « On observe très clairement que la formation reste la meilleure assurance contre l’exclusion économique et sociale : le taux de chômage est sans ambiguïté une fonction décroissante du niveau de diplôme », insiste l’économiste. De plus, « l’investissement dans la recherche et la formation est la seule façon de capter les gains de productivité qui permettront de supporter le vieillissement démographique, sans réduction de vie, et donc en évitant un conflit de répartition des revenus entre générations ».

Se donner les moyens. Les statistiques montrent que l’Europe en général, et la France en particulier, consacrent une part insuffisante de leur PIB aux dépenses d’enseignement supérieur. Jean-Paul Pollin insiste sur la nécessaire augmentation des moyens à mettre à disposition de l’enseignement supérieur et de la recherche : « la seule question qui mérite discussion est de savoir comment obtenir cet accroissement des moyens : par extension du financement public, par recours au financement d’entreprises ou par augmentation des frais d’inscriptions ». Ces solutions n’étant pas exclusives les unes des autres. Considérant ce qu’il se pratique ailleurs, Jean-Paul Pollin constate que les situations étrangères n’offrent pas de réponses évidentes car « il existe une grande variété d’expériences qui semblent exclure le principe d’une solution optimale ». Dès lors, « le problème ne se pose pas en termes de plus ou moins grande efficacité ; c’est avant tout une question de préférences collectives et de choix politiques », conclut l’ancien président de l’Université d’Orléans.

 

CONCLUSION

La triple mission de l’école est indéfectible : former la femme et l’homme, la citoyenne et le citoyen, les futures et futurs salariés, travailleurs. Trois missions complémentaires parfois battues en brèche par différentes visions du système éducatif.

Dans tous les cas, au fil du temps, et encore plus dans la société contemporaine, l’élève et l’étudiant sont devenus les propres acteurs responsables de leur parcours de vie professionnelle. Après l’éducation, la formation doit leur offrir tous les outils nécessaires pour assurer leur employabilité.

Le système tel qu’il existe aujourd’hui remplit-il son rôle ? D’évidence non, du moins pas suffisamment. Certains témoignages cités dans ce Décryptage éco rappellent l’évidence : le chômage est un sérieux facteur de désintégration sociale, sauf si l’on recourt à des moyens de lutte efficace tels que l’innovation et la recherche.

Faut-il sanctuariser le système existant ou l’ouvrir à d’autres horizons, créateurs de valeurs humaines et professionnelles ? Répondre à la question est probablement déjà explorer les champs du possible. Faut-il surtout s’en donner les moyens à travers des politiques adaptées et les financements adéquats.

 

Bibliographie

Aghion P. et E. Cohen (2004), « Education et croissance », La Documentation française.

Albouy V. et T. Wanecq (2003), « Les inégalités sociales d’accès aux grandes écoles », Economie et statistique, n°361, INSEE.

Allègre G. (2011), « La jeunesse, génération sacrifiée ? », les notes de l’OFCE, N°5, 13 octobre 2011.

Berryman T. et L. Sauvé (2016), « Ruling relationships in sustainable development and education for sustainable development », The journal of environmental education, volume 47, n°2.

Caille J-P. (2004), « Public ou privé ? Modes de fréquentation et impact sur la réussite dans l’enseignement secondaire », Education & formation, n°69, juillet 2004, p.49-62.

CFDT (2012), « Education : réduire les inégalités », contribution CFDT à la Concertation « Refondons l’école de la République », Septembre 2012.

Charlot O. (2005), « Education et chômage dans les modèles d’appariement : une revue de littérature », Education & prévision, 3/2015, p.73-103.

Cordery P. (2015), « L’emploi des jeunes en Europe : une urgence », rapport d’information n°2620, Commission des affaires européennes, Mars 2015.

Dale R. (2009), « les modèles mondiaux, européens et nationaux en éducation », Revue internationale d’éducation de Sèvres, n°52, décembre 2009.

Fourgous J-M. (2010), « Réussir l’école numérique », Rapport de la mission parlementaire de Jean-Michel Fourgous, député des Yvelines sur la modernisation de l’école par le numérique, 15 Février 2010.

Hugon P. (2005), « La scolarisation et l’éducation : facteurs de croissance ou catalyseurs du développement ? », Mondes en développement, n°132, 4/2005.

Jeziorski A. et A. Ludwig-Legardez (2011), « Education au développement durable : la difficulté de concevoir une action éducative interdisciplinaire », Colloque international francophone « le développement durable : débats et controverses », 15 et 16 décembre 2011, Université Blaise Pascal, Clermont-Ferrand.

Lemistre P. (2003), « Dévalorisation des diplômes et accès au premier emploi », Revue d’économie politique, Volume 113, 1/2003, p.37-58.

Malinvaud E. (1994), « Education et développement économique », Economie & prévision, Volume 116, N°5, p.1-15.

Morin E. (2002), « Education et culture », Conférence d’ouverture du Séminaire International Education et Culture, prononcé par Edgar Morin, SESC Vila Mariana, São Paulo, août 2002.

Nauze-Fichet E. (2004), « Que sait-on des différences entre public et privé ? », Education & formation, n°69, juillet 2004, p.15-22.

Prévost J-B. (2012), « L’emploi des jeunes », Les avis du Conseil économique, social et environnemental, Septembre 2012.

Scarpetta S., A. Sonnet et T. Manfredi (2010), « Rising youth unemployment during the crisis : how to prevent negative long-term consequences on a generation ? », OECD Social, Employment and Migration Working Papers.

UNESCO (2016), « Education for people and planet: creating sustainable futures for all », Global education monitoring report.

Valero A. et J. Van Reenen (2016), « The Economic Impact of Universities: Evidence from Across the Globe», NBER Working Paper, N°22501, August 2016.

Les Thématiques