" Osons un débat éclairé "

Quelle trajectoire pour l’économie française ?

Pour Jean-Hervé Lorenzi, la baisse du coût du travail et la relance de la formation doivent se conjuguer pour redonner à l’économie française sa compétitivité.

Il y a quelques jours le Conseil d’analyse économique a publié une note intitulée  « Baisses de charges : stop ou encore?», remarquable et essentielle pour alimenter le débat sur la trajectoire de l’économie française.

Car ce qui est notre principale lacune aujourd’hui, dans le discours politique et dans le discours de nombre d’économistes, c’est la capacité à saisir ce que peut être l’avenir souhaitable d’une économie aussi complexe que la nôtre. On ne peut se contenter de l’idée séduisante de « start-up nation » ni d’évoquer une société entièrement fondée sur la production de services, abandonnant alors toute possibilité de conserver des activités industrielles.

C’est en cela que cette note est si importante. Elle démontre, ce qui intuitivement ne posera de problème à personne, que la baisse du coût du travail entraînée par la suppression des cotisations sociales autour du SMIC a permis de créer des emplois et donc continuera à le faire. Mais le débat porte sur la limite de ces charges sociales. Faut-il aller précisément jusqu’à 1,6 SMIC ou aller jusqu’à 3,6 SMIC ?

Certains n’hésitent pas à évoquer le gaspillage de milliards d’euros à partir  du moment où l’on dépasse la fameuse limite des 1,6 SMIC. Ils ont à la fois tort et raison. Raison parce que le résultat s’impose, tort parce que l’analyse économique ne peut pas se limiter à des études ponctuelles, même si leur apport rigoureux est essentiel.

Compétences et qualification

Il nous faut penser également les problèmes en termes de trajectoire des économies et d’évolution à moyen terme des systèmes productifs qui en sont le fondement. Or il est une question que personne ne peut contourner : pourquoi l’économie française s’est-elle délitée et pourquoi a-t-elle connu un mécanisme de désindustrialisation beaucoup plus important que dans les autres pays comparables ?

On connaît les multiples explications évoquées, les 35 heures, le coût du travail, l’inefficacité des politiques économiques et, depuis peu, cette triste constatation de la faiblesse du niveau de qualification d’une partie des salariés. Patrick Artus insiste beaucoup à juste titre sur les études PIAAC en rappelant que nous sommes désormais au 22e rang sur 24 pays étudiés. Et derrière tout cela apparaît un mot clef, celui de croissance potentielle, et de sa faiblesse pour la France, dont on voit bien que ceci est lié d’abord à ce triste constat.

Il y a donc une véritable réflexion que l’on ne peut éviter. Certains privilégient la lutte à court terme contre le chômage, point de vue que je partage et s’appuient sur l’étude du CAE pour mettre en lumière le fait que seule la concentration des cotisations sociales permet d’atteindre un résultat efficace.

D’autres, tout aussi éminents, rappellent que l’affaiblissement de notre économie est évidemment lié à celui du niveau de compétences et c’est là que ce pays, si renommé pour ses scientifiques et ses ingénieurs, mais également ses artisans, en un mot ses formations et l’appétit que les entreprises ont pour la qualité des produits, pèche fondamentalement.

Compétitivité

Ce sont donc deux trajectoires fondamentalement différentes, la première est beaucoup plus efficace à court terme, mais les tenants de la seconde considèrent qu’elle renforce le caractère très moyen des produits fabriqués en France et qu’elle nous condamne définitivement à une faible compétitivité hors coûts.

Voilà les termes d’un débat sérieux, sachant que, de mon point de vue, la mise en route de la machine à fabriquer de l’emploi est prioritaire mais que, après une période de relance de cette stratégie, il faut évidemment repenser le modèle économique dans une version où l’emploi moyen est plus apte à fournir des biens et services haut de gamme.

Ce qui est curieux, c’est que les différentes stratégies possibles ne sont jamais présentées en tant que telles et qu’à aucun moment un choix qui entraîne un financement public très important n’est explicité autrement que par des approches limitées.

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