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Réforme des retraites : une défaite en 3 sets

Le débat public autour de toute réforme majeure se cristallise toujours autour de trois dimensions en reprenant la distinction opérée par Paul Ricoeur : l’économique, l’éthique et le politique. Sur ces trois sujets, le gouvernement a subi une défaite dans l’opinion publique au sujet de la réforme des retraites, une défaite en trois sets par rapport aux opposants à cette réforme.

Premier set : l’économique. Avec deux sujets : d’abord, celui de l’urgence sur le plan budgétaire de faire une réforme ou pas . Sur cette question, la défaite est en fait étonnante, les arguments ne manquaient pas. A l’incertitude légitime sur les gains d’espérance de vie répond cependant l’incertitude nouvelle sur les gains de productivité, au regard de la baisse de celle-ci enregistrée depuis la pandémie.

De plus, il est indéniable que des classes creuses de cotisants sont à mettre en face de classes pleines de pensionnés. A ceci s’ajoute la baisse de la natalité et comment contester qu’une partie notable de la population française est hostile à ouvrir plus grand les portes de l’immigration.

L’opportunité manquée du CNR

Le second sujet économique est celui du meilleur moyen de recouvrer à terme les conditions d’un équilibre des comptes sociaux. Que les salariés préfèrent le loisir au travail, sauf quand le travail devient créatif, est tout sauf une surprise. Mais justement, pourquoi ne pas avoir mis en avant les autres solutions alternatives pour revenir à l’équilibre ?

Elles sont tout sauf réjouissantes : la désindexation des pensions de retraite déjà mise en œuvre en 2018 et 2019 ; l’augmentation des cotisations sociales salariales, avec une baisse des salaires à la clé ; enfin l’augmentation des cotisations sociales employeurs qui se paie en hausse du chômage et baisse de la compétitivité.

Entre ces différents maux, quel est le choix des Français ? Pourquoi n’avoir pas consulté et sondé la convention nationale sur la refondation (CNR) ?

Une réforme de justice sociale ?

Deuxième set : l’éthique, avec la question du caractère juste de cette réforme. L’exercice était périlleux, car Emmanuel Macron avait lui-même reconnu l’injustice du système actuel en proposant de le réformer entièrement en 2017. La difficulté de la justice sociale consiste à se mettre d’accord sur qui sont « les plus malheureux ».

Trois critères ont été discutés : les plus petites retraites, ceux qui ont travaillé longtemps, les femmes aux carrières incomplètes. Finalement, des efforts ont été faits dans les trois directions. Faute d’être en mesure de présenter les effets distributifs entre l’avant et l’après à travers une microsimulation, le gouvernement a été dans l’incapacité de démontrer que les efforts demandés ne violaient pas des exigences minimales de justice sociale.

Pour un référendum à choix multiple

Troisième set : le politique avec la question démocratique. Le recours au 49.3 a été diabolisé. La situation arithmétique à l’Assemblée nationale est pourtant simple. Le gouvernement n’a pas trouvé de majorité pour voter ce texte, mais le vote sur la motion de censure a toutefois démontré qu’il n’y avait pas de majorité contre le texte. La Constitution de la Ve République prévoit que, dans ce cas, le texte est adopté. Cette Constitution donne un avantage à l’exécutif, ce n’est pas un scoop.

Si perdre une bataille n’est pas perdre la guerre, les perdre toutes revient à rejouer le conflit dans la rue. En l’absence de retour à la paix civile, un référendum à choix multiples sur les solutions pour assurer l’équilibre financier à l’initiative du président de la république permettrait d’offrir une porte de sortie.

 


 

Alain Trannoy est directeur d’études à l’EHESS et membre du Cercle des économistes

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