Les parlementaires ont préféré protéger le pouvoir d’achat des retraités plutôt que celui de la nouvelle génération. Il faut envoyer d’autres signaux à la jeunesse pour lui donner envie de se mobiliser et de préparer le futur, estiment Jean-Hervé Lorenzi et Helen Verryser, dans la chronique du Cercle des économistes.
La France traverse une période de tensions inconnue depuis des décennies. Bien avisé qui saura prédire l’état de notre paysage politique après les élections municipales. Bien malin qui pourra anticiper l’état de notre économie, alors que les signaux alarmants se multiplient. Mais dans ce contexte particulièrement instable et brumeux, les arbitrages budgétaires montrent une constante : alors que l’on sanctuarise le système des retraites, on réduit dans le même temps les moyens consacrés à l’apprentissage et à l’insertion des jeunes.
Ce choix revient à protéger le passé en sacrifiant l’avenir, dans une simple vision électorale, car non seulement les jeunes se mobilisent traditionnellement peu, mais leur poids démographique ne cesse de reculer à une vitesse affolante.
Les coupes sur l’apprentissage et les APL
La baisse des moyens consacrés à l’apprentissage un signal d’alarme. Quand préparer toute une génération à l’entrée sur le marché du travail devient moins important que préserver, pendant un an, le pouvoir d’achat d’une génération qui pour la première fois de l’histoire épargne plus que celles qui la suivent, on peut légitimement s’interroger sur la direction que souhaite prendre notre société.
Que dire de ce million et de demi de jeunes NEETs (« not in education, employment or training », ceux qui ne sont ni en études ni en emploi), laissés sans perspectives d’avenir et dont l’inclusion représenterait non seulement un levier de croissance – que nous avions estimé à 0,4 point de PIB – dans un pays qui en a bien besoin, mais surtout un formidable outil de cohésion sociale dans une République qui se disloque ?
Donner les clés à la jeunesse
Nous sommes dans une impasse avec d’une part, les jeunes qui sont les plus concernés par ce futur avec de vraies alertes sur les priorités à conduire, mais sans avoir le réel pouvoir de les mener ; et de l’autre, les plus âgés qui occupent l’espace de décision avec, pour beaucoup, une non prise en compte de ces priorités. Ainsi, tout l’enjeu, pour qui s’intéresse à la vie politique française, n’est pas tant de savoir « ce que veulent les jeunes » mais plutôt de comprendre comment les mobiliser pour bâtir un projet novateur, qui permette à la société française de rebondir.
Ce n’est assurément pas avec les signaux qui leur sont adressés aujourd’hui que nous y parviendrons. La réussite passe par une prise en compte réelle de leurs sujets : emploi, éducation, transition écologique, égalité des chances, formation et émancipation, travaillés avec eux. La mobilisation et l’intégration des jeunes aux réflexions et aux débats, aux côtés de la société civile, des pouvoirs publics et des décideurs économiques, permettront de relever ensemble ces défis.
C’est mû par cette ambition que le Cercle des économistes organise « Jeunesse(s) », un dispositif inédit d’étude et de réflexion qui donne, à l’occasion des Rencontres économiques d’Aix-en-Provence, un véritable pouvoir aux jeunesses. La France ne sortira de la crise que nous vivons qu’en donnant à la jeunesse un rôle d’impulsion et d’innovation, se fondant sur son intelligence.