La guerre commerciale initiée par Donald Trump est loin d’être terminée. Christian de Boissieu explique pourquoi elle ne fait que connaître une trêve fragile.
Une pause fragile dans le conflit tarifaire
Si le président américain a tempéré ses velléités tarifaires, c’est en grande partie à cause des dernières nouvelles sur le front économique. Aux États-Unis, l’inflation reste proche de 3 % par an, alors que la Fed vise toujours 2 %. Donald Trump et ses conseillers ont fini par comprendre que des droits de douane de 50 % sur l’acier et l’aluminium alimenteraient cette inflation et pénaliseraient la croissance américaine. Le marché du travail montre en effet des signes de ralentissement. Le taux de chômage aux États-Unis reste modique, mais il va logiquement remonter avec les moindres créations d’emplois au mois le mois.
Un dialogue encore très loin d’un accord
La rencontre du 30 octobre entre Donald Trump et Xi Jinping en Corée du Sud, plus courte que prévu, s’est conclue par des sourires et a ouvert la voie à de nouvelles négociations en 2026. À défaut d’accord commercial global, les sujets restent nombreux. Du côté américain, l’objectif est de vendre plus de soja aux Chinois. Il est aussi de freiner l’importation de fentanyl. S’ajoute la volonté d’obtenir un accès plus facile aux terres rares chinoises, essentielles pour l’industrie. L’heure n’est plus aux droits de douane astronomiques, qui ne feraient que des perdants, y compris aux États-Unis. La priorité est désormais de tracer les contours d’un scénario gagnant-gagnant. Cela suppose que la partie chinoise résiste au diktat et à l’unilatéralisme de Donald Trump. La Chine en a les moyens géopolitiques, économiques et financiers, beaucoup plus que l’Europe.
Des concessions européennes face aux exigences américaines
Les Européens ont rencontré il y a quelques jours à Bruxelles Howard Lutnik et Jamieson Greer, respectivement Secrétaire américain au Commerce et Représentant spécial. L’accord très déséquilibré de juillet dernier est désormais acté. Il symbolise notre recul géopolitique. Il prévoit des droits de douane de 15 % sur les produits européens entrant aux États-Unis. Un tarif qui n’a de « réciproque » que le nom… La discussion devient alors plus granulaire. Les Américains acceptent d’abaisser les droits sur l’acier et l’aluminium. Il s’agit d’une fausse concession, puisqu’ils y ont intérêt pour lutter contre les tensions inflationnistes. En échange, ils demandent la réduction des protections européennes dans le numérique. Le déséquilibre se confirme donc une fois encore. L’Europe brandit malgré tout la menace de son dispositif « anti-cœrcition » (exclusion des marchés publics, représailles sur les services…), sans trop y croire elle-même.
Une Europe prise entre Washington et Pékin
Face au protectionnisme américain, la Chine accroît ses exportations vers l’Europe. À nous de nous départir d’une naïveté souvent confondante et d’actualiser nos relations commerciales avec les Chinois sur une base moins déséquilibrée. L’acier en fournit une illustration brûlante avec les défis qui assaillent ArcelorMittal. L’UE ne devra pas hésiter à appliquer un tarif douanier élevé, jusqu’à 50 %, sur ses importations d’acier en provenance de Chine, sauf à traiter le sujet dans un paquet plus global.
La montée du bilatéralisme, conçu souvent par Donald Trump comme du pur unilatéralisme, signale la fragmentation actuelle de l’économie mondiale. Elle révèle aussi l’impuissance totale de l’OMC, qui remonte au moins à la présidence Obama. De ce côté-là, nous ne retrouverons pas de sitôt un arbitre efficace et crédible des conflits commerciaux internationaux.
Un contexte monétaire qui renforce temporairement la stratégie américaine
Pour la plus grande satisfaction du président américain, le volet monétaire conforte à court terme le jeu des tarifs douaniers. Donald Trump, en accélérant le recul des taux d’intérêt américains par une pression indécente sur les décisions de la Fed, pousse ainsi le dollar à la baisse. Tant que les capitaux étrangers continuent à financer sans trop d’exigences les considérables déficits jumeaux américains (déficit budgétaire et déficit extérieur), le scénario reste gagnant pour les États-Unis. Il s’accompagne d’ailleurs d’une promotion sans limites des stablecoins en dollars, censés renforcer le rôle international du billet vert. Mais la dépréciation du dollar pourrait, dès les prochains trimestres, devenir un jeu dangereux. Elle pourrait atteindre un seuil à partir duquel les créanciers des États-Unis prennent peur et exigent des primes de risque conséquentes. Il s’agirait alors de taux d’intérêt vraiment élevés de la part du Trésor américain.