" Osons un débat éclairé "

Du bon usage de la « flat tax »

L’idée d’un impôt forfaitaire à 30 % sur les revenus du capital est bonne. A condition de favoriser les investissements orientés vers le risque et le long terme.

Nous fûmes quelques-uns à soutenir et à promouvoir l’usage de la « flat tax » sur les revenus de l’épargne, en opposition à cette idée simpliste de taxer de manière équivalente les revenus du travail et du capital.

Désormais, les pouvoirs publics envisagent un impôt forfaitaire de 30 % sur tous les produits d’épargne et de placements, sauf pour les livrets réglementés et l’assurance vie en-dessous de 150.000 euros (pour une personne seule, le double pour un couple) ; au-dessus de ce seuil, le prélèvement ne s’appliquerait qu’aux produits des encours supérieurs à ce montant.

Miracle suédois

Reconnaissons-le, c’est le miracle suédois qui inspire cette politique et plus personne ne peut l’ignorer. Car la Suède, un des pays développés les plus performants, a mis en place en 1991 cette nouvelle taxation des revenus du capital. A l’évidence, cette réforme fiscale est pour beaucoup dans sa dynamique économique jusqu’à nos jours, avec une croissance même supérieure à celle des Etats-Unis.

La réforme de 1991 a produit des effets étonnants, comme la hausse du taux d’épargne brut et un saut majeur en matière d’innovation, avec un effort sans équivalent en Europe en matière de dépenses de recherches. Et contrairement au sens commun, le montant des recettes fiscales a augmenté sur le long terme.

Une solution pour la France

Pourquoi est-ce particulièrement pertinent pour la France de nos jours ? Tout simplement parce que le problème macro-économique français trouve sa source dans le sous-investissement en équipement productif, notamment dans les nouvelles technologies, également dans le capital humain, c’est-à-dire le niveau de qualification moyen de la population active.

Chacun sait la difficulté de développer nos PME jusqu’à en faire des ETI, qui ne trouvent souvent leur salut qu’en se faisant racheter par des entreprises d’outre-Atlantique ou chinoises. Et que dire des difficultés à financer les start-up ? Tout ceci souligne l’importance majeure de l’utilisation de l’épargne abondante de notre pays, tournée plutôt aujourd’hui vers l’immobilier ou les obligations sécurisées.

Aversion au risque et « tout-liquidité »

Pour surmonter cette difficulté il faut bien comprendre que nous sommes contraints par deux comportements déterminants : l’aversion au risque liée au fait qu’une large part de l’épargne financière est entre les mains des retraités, et la préférence pour la liquidité qui favorise les produits d’épargne pour lesquelles la sortie anticipée est aisée et peu coûteuse.

Seule une forte baisse de l’imposition sur les revenus du capital, en même temps qu’une simplification drastique de la règlementation, pourraient les inciter à s’orienter vers les investissements plus risqués que réclame une économie tirée par l’innovation.

Investissement de long terme

Cependant, il y a une vraie difficulté en perspective car ce pari économique doit être réussi avec des investissements de long terme, indispensables au dynamisme économique. Le risque réel est que la « flat tax » rende l’épargne longue moins avantageuse, ce qui serait très dommageable. Le défi à relever consiste donc à promouvoir une « flat tax » incitant aux placements risqués et de long terme.

Ne serait-il pas possible de prendre en compte la duration moyenne des produits d’épargne dans cette « flat tax » ? Ne faut-il pas favoriser le fait que la notion de risque soit prise en compte dans l’octroi de cette « flat tax », par exemple en incitant à un taux minimum d’investissement dans les sociétés non cotées ? Ne faut-il pas en faire une opportunité pour doper le capital risque qui, malgré un développement récent, reste très éloigné du taux d’investissement anglais ou américain ?

La « flat tax » est un levier qui doit être pleinement assumé pour orienter les investissements vers le risque et le long terme. La réflexion et donc la mise en oeuvre de ce levier doivent prendre en compte ce souci du long terme pour faire de la Flat Tax l’instrument majeur de la relance d’investissement productif en France.

 

Jean-Hervé Lorenzi est président du Cercle des Economistes. Alain Villemeur est directeur scientifique de la chaire « transitions démographiques, transitions économiques »

 

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