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A-t-on oublié comment construire ?

Construire toujours plus haut des immeubles de verre, de béton et d’acier est-il encore tenable à l’heure où les vagues de chaleur frappent les villes ? Face à l’urgence, Marion Waller propose un urbanisme climatique basé sur la valorisation de l’existant, un bâti en cohérence avec la biodiversité et un changement d’échelle au plus près des territoires, s’inspirant de modèles développés localement comme l’haussmanien.

L e réchauffement climatique et ses effets – canicules, événements extrêmes de précipitations, crues – imposent une autre manière de penser l’urbanisme, centrée autour de notre survie : un « urbanisme climatique ». Nous devons clore la parenthèse qui nous a conduits à construire nos villes sur la base d’un recours illimité au béton et au pétrole, et repenser la construction en lien avec les mécanismes climatiques, qui sont à la genèse de l’architecture.

On peut en effet attribuer aux origines de l’architecture une nécessité de notre organisme : la thermorégulation de notre corps à environ 37°C. L’art de concevoir les édifices est avant tout un ensemble de techniques de construction qui nous a permis de rendre habitables des environnements hostiles. L’architecture et ses déclinaisons vernaculaires se sont développées selon des types de climats différents ainsi que selon la disponibilité locale en matériaux et en ressources. De ce fait, la rupture que nous avons provoquée dans nos manières de construire est née dès lors que nous avons dénaturé notre rapport au climat ; dès lors que nous avons considéré les ressources comme illimitées. Les grandes façades vitrées et climatiseurs peuvent être vus comme des objets de cette époque.

L’histoire de l’architecture et des villes regorge de modèles dont nous pouvons nous inspirer pour en écrire une nouvelle page. À Paris, le modèle haussmannien déployé dès la fin du XIXe siècle représente un système urbain d’une grande ingéniosité. D’une part, la densité de la ville et l’efficacité de son maillage urbain lui confèrent une grande « marchabilité », qui permet à chacun d’accéder à de nombreux services essentiels – écoles, commerces de proximité, santé, etc. – à pied, sans recourir à des mobilités consommatrices en énergies. D’autre part, le haut potentiel de réversibilité des bâtiments haussmanniens facilite le passage d’un usage à l’autre, ce qui garantit résilience et sobriété.

L’urbanisme climatique appelle à un changement de priorités, qui s’inscrit dans cette histoire longue. D’abord, le principe de valorisation de l’existant doit prévaloir pour prioriser la rénovation plutôt que la construction. Ensuite, nous devons concevoir le bâti en cohérence avec la biodiversité, afin que des espèces animales et végétales y trouvent refuge. La sobriété énergétique doit être placée au cœur de l’architecture : bien isoler les fenêtres, les murs et les toitures permettrait de réduire de 32,4 % les gaz à effet de serre en France, à l’heure où les accords de Paris préconisent une réduction de 40 % d’ici 2030. Enfin, nous devons changer d’échelle. Pour penser l’architecture, nos territoires et leurs interactions dans un souci de cohérence climatique, les « biorégions » s’imposent : elles aspirent à dépasser nos frontières habituelles au profit d’unités spatiales fondées sur la topographie, les écosystèmes et les ressources naturelles. Cela permet de mieux comprendre d’où proviennent nos matériaux de construction, tout comme les autres ressources que l’on consomme.

« Il est urgent que l’architecture permette
au plus grand nombre d’habiter dans des conditions acceptables. »

MARION WALLER

Bien construire pour mieux vivre : alors que des millions de personnes sont mal logées, il est urgent que l’architecture permette au plus grand nombre d’habiter dans des conditions acceptables, tandis que le climat se dégrade. Elle retrouve ainsi son rôle premier de protection et s’inscrit dans un nouveau régime climatique.

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