Il existe un assez large consensus autour de l’idée que la zone euro souffre d’une insuffisance de sa demande intérieure. Ceci se voit en particulier au niveau très élevé (4 % du PIB) de l’excédent courant. On sait aussi que l’excédent extérieur, donc l’insuffisance globale de demande intérieure, vient de ce qu’il y a un énorme excédent de la balance courante dans deux pays, l’Allemagne et les Pays-Bas alors que les autres pays ont fait disparaître, depuis la crise de 2008-2009, leurs déficits extérieurs qui n’étaient plus finançables. Mais il n’y a pas de consensus autour de la méthode à utiliser pour faire disparaître l’insuffisance de la demande intérieure, donc l’excès d’épargne.
La première méthode, soutenue par beaucoup d’économistes et d’hommes politiques en France, consiste à « exiger » de l’Allemagne qu’elle stimule sa demande intérieure pour faire disparaître son excédent extérieur et son excès d’épargne.
Mais cette demande n’a aucune chance d’aboutir. L’Allemagne a une culture de l’équilibre budgétaire et refusera de revenir à des déficits publics même pour accroître ses investissements publics. Malgré les hausses de salaires fortes en Allemagne, malgré la mise en place en 2015 d’un salaire minimum, la demande des ménages ne progresse pas très vite parce que le taux d’épargne des ménages allemands continue d’augmenter. Ceci reflète l’inquiétude des Allemands devant le vieillissement démographique, inquiétude aggravée par les taux d’intérêt très bas dus à la politique de la Banque centrale européenne (BCE). Le plus probable est donc que l’énorme excédent d’épargne de l’Allemagne va persister.
La seconde méthode consiste à mettre en place une organisation fédéraliste dans la zone euro. Il peut s’agir de la création d’un budget de la zone euro de grande taille, de fonds d’investissement (l’exemple présent est le plan Juncker financé par les émissions obligataires de la BEI) communs à tous les pays de la zone euro, ou même d’un « vrai » fédéralisme avec des transferts de revenu des pays les plus riches vers les pays les plus pauvres de la zone.
Or l’opinion publique allemande rejette totalement « l’union de transferts », c’est-à-dire la mise en place de véritables mécanismes fédéralistes, qui redistribueraient l’excès d’épargne de l’Allemagne dans les autres pays de la zone.
Il reste alors seulement la troisième possibilité : rétablir la mobilité des capitaux entre les pays de la zone. Depuis la crise de 2008-2009, celle-ci a disparu : les pays à excédent d’épargne (Allemagne, Pays-Bas) ne prêtent plus leur épargne aux autres pays.
Cette situation a des conséquences catastrophiques : l’excès d’épargne de l’Allemagne est prêté au reste du monde et pas aux autres pays de la zone, ce qui affaiblit l’investissement. Chaque pays de la zone euro ayant un marché financier autonome, la tendance spontanée serait la divergence des taux d’intérêt, ce qui n’est évité aujourd’hui que par les achats d’obligations de tous les pays par la BCE avec le « quantitative easing ».
Rétablir la mobilité des capitaux nécessite de rétablir le marché interbancaire de la zone euro : aujourd’hui une banque allemande refuse de prêter à une banque espagnole, italienne, portugaise.
La solution pragmatique à la crise de la zone euro est donc de faire repartir le marché des prêts entre les banques, ce qui permettra de canaliser l’excès d’épargne de l’Allemagne (et des Pays-Bas) vers le financement des investissements dans les autres pays de la zone.
Ceci nécessite de rétablir la confiance des épargnants, des intermédiaires financiers en Allemagne d’une part dans la solidité des banques, d’autre part dans la pertinence des investissements dans les autres pays de la zone euro, d’où le besoin d’une supervision crédible des banques, d’une réaction rapide des politiques économiques aux déséquilibres (excès d’endettement, bulle immobilière).