Depuis le 1er janvier 2019, les bureaux de tabac peuvent vendre des coupons convertibles en monnaie virtuelle, notamment le bitcoin. Alors que l’initiative n’a fait l’objet d’aucun accord avec la Banque de France, Catherine Lubochinsky explique pourquoi les autorités de supervision financière ont raison d’appeler les consommateurs à la prudence.
Non, nous ne sommes pas le premier avril… et pourtant, du moins en théorie, il est possible d’acheter des bitcoins ou des ethereums dans les bureaux de tabac depuis le premier janvier ! En théorie, car seuls les 3-4000 buralistes disposant des terminaux d’encaissement Biomedia auront la possibilité de vendre des « coupons » de 50, 100 ou 250 euros. Encore faut-il trouver ces buralistes…
Le principe est simple : une fois ces coupons achetés, il faut aller sur le site de la société Kerplerk (ne pas oublier le K pour éviter toute confusion), dénomination commerciale de la société Paysafebit au capital de 50.000 euros mais sans aucun agrément d’une quelconque autorité française. Après création d’un compte en ligne, donc d’un portefeuille numérique, il est alors possible de valider son coupon qui donne droit à l’équivalent au « cours du jour » d’une quantité de bitcoins ou d’ethereums. Moins 7% de commissions !!!
Premier réseau européen de cryptomonnaies en points de vente
Sur ce site, il est expliqué qu’il s’agit du « premier réseau européen de cryptomonnaies en points de vente ». Il s’ensuit une liste d’entreprises qui acceptent de tels moyens de paiement. On y trouve par exemple la société Dell, mais sur le site de cette dernière il est pourtant écrit que, du fait d’une faible demande, cette possibilité n’existe plus depuis le 19 octobre 2017 ! Sur d’autres sites n’apparaissent que des prix en euros. Par contre, le simple fait d’aller sur le site Kerplerk déclenche l’envoi de mails publicitaires sur les bitcoins.
Il est aisé de comprendre les buralistes cherchant à diversifier leur offre (billets de loterie, mouchoirs en papier, chewing gum, tickets de métro…), mais il est moins aisé de comprendre que des ménages puissent acheter de tels coupons compte tenu des commissions et de l’obligation de créer un compte numérique. Pourquoi ne pas aller directement à la maison du bitcoin ou directement sur les diverses plateformes existantes ? Il est fort peu probable que l’engouement des ménages français pour les actifs numériques soit aussi fort que celui pour les jeux de hasard (plus de 40 milliards d’euros par an), du moins à brève échéance.
La peur de louper le train de la hausse
Si la finance comportementale permet de comprendre cet engouement envers les différentes loteries, des heuristiques et des biais de comportement les conduisant à surestimer les probabilités de gains, c’est plutôt le principe FOMO qui peut expliquer l’achat de crypto-actifs (Fear Of Missing Out). Il permet aussi sans doute de justifier le comportement de certains régulateurs vis-à-vis de ceux-ci. De plus, compte tenu de la baisse continue du cours du bitcoin depuis plus d’an, il devient difficile de convaincre les investisseurs qu’il s’agit d’une valeur en forte croissance.
Chacun a le droit de dépenser comme bon lui semble. Espérons tout de même que ceux qui ont signé la pétition de « l’affaire du siècle » n’ont pas l’indécence d’acheter des crypto-actifs dont la consommation énergétique requise par les ordinateurs pour enregistrer et sécuriser les transferts est une hérésie écologique.
Enfin, croire que vendre ces coupons chez le buraliste de quartier va soutenir la demande de ces actifs, et donc en soutenir le cours, est une hérésie financière. Aux Bouvard et Pécuchet du crypto-boursicotage, bonne année 2019 !