Mardi 1er octobre, le Premier ministre, Michel Barnier, prononce son discours de politique générale dans un contexte de dégradation des comptes publics. Alain Trannoy explique pourquoi, après leurs effets bénéfiques, les aides aux entreprises doivent être désormais sources d’économies
D’abord comment en est-on arrivé là ? Alors qu’une politique de l’offre a été menée avec une diminution substantielle des impôts pesant sur les entreprises, s’est répandue l’idée que cette politique avait échouée. Rien n’est plus faux : près de 2 millions d’emploi créés, une création d’entreprises dynamique, le plan de relance ciblant les investissements dans des secteurs d’avenir, et d’ailleurs un début de réindustrialisassions a commencé. Un témoignage irréfutable que cette politique de l’offre donne des résultats est le rétablissement du solde des échanges extérieurs de biens et services. Au premier trimestre 2024, nous ne sommes plus loin de l’équilibre, 0,7% du PIB, ce qui ferait sur l’année un déficit de 20 Md€. Or personne n’en parle, même pas les pouvoirs publics qui ont mis en place cette politique !
La défaillance de la demande interne alliée à un freinage rapide du rythme de l’inflation est aujourd’hui le premier responsable du déficit de recettes fiscales par rapport aux prévisions et donc du dérapage des finances publiques. La demande interne a flanché, le moteur du bâtiment a commencé à s’éteindre avec un effondrement des constructions neuves. Ensuite la consommation est étale depuis deux ans. Et enfin l’investissement des entreprises donne des signes de faiblesse et témoigne d’un attentisme des chefs d’entreprise. Le bateau à voile France a trois voiles affalées, et n’avance plus qu’avec la demande extérieure et l’investissement public qui a continué à rester dynamique en raison du Grand Paris, des jeux Olympiques et du cycle électoral : les municipalités connaissent un pic d’investissement un ou deux ans avant les élections pour finir les chantiers commencés avant l’échéance des prochaines élections.
La consommation stagne avec, corrélativement, un taux d’épargne historiquement élevé de 17,6%, trois points au-dessus de sa valeur de long terme, pour plusieurs raisons que l’on peut classer en deux paquets, des raisons objectives et des raisons subjectives.
Les raisons objectives tiennent à plusieurs mécanismes. Si le pouvoir d’achat du revenu a été préservé à grand peine, les ménages ont subi des pertes de valeur réelle de leur patrimoine. D’une part, les encaisses d’épargne liquide ont perdu en pouvoir d’achat, et d’autre part, la valeur de l’immobilier a subi une correction importante (8% en nominal à Paris mais plus de 20% en réel depuis le COVID). Cette perte de richesse incite les consommateurs à épargner. Ensuite un effet Ricardo-Barro est sans doute à l’œuvre. Emprunter sur les marchés pour financer un déficit public soutient certes la demande, jusqu’à ce qu’il entraine un effet contraire au fur et à mesure que le grand public réalise que plus de dette aujourd’hui signifie plus d’impôt demain, et s’arrête de consommer pour augmenter son épargne de précaution. Enfin, évoquons la transition énergétique par l’ampleur des coûts qu’elle implique. Les ménages projettent des investissements de rénovation énergétique pour leur logement ou passer à un véhicule électrique et procèdent à une augmentation de leur épargne par anticipation.
Les raisons subjectives tiennent au moral déplorable des Français : ils ont peur de l’avenir. Le risque climatique, la guerre sur le sol européen y participent. Mais le manque de perspectives offertes par les gouvernements successifs en matière économique joue également un rôle. Il est indispensable que le pouvoir en place ait un discours construit rétablissant la confiance et insistant sur les atouts de la France.
S’il faut faire des économies, c’est sur le volet du versement d’aides aux entreprises. Réduire les impôts de production et les aides aux entreprises est une bonne politique. Bien sûr, des externalités doivent être internalisées. Mais fondamentalement les entreprises viables ne doivent pas être entravées dans leur développement. C’est au secteur privé et non à l’Etat d’assurer la restructuration du secteur productif d’où viendront les gains de productivité, gage de croissance.