— Fiscalité

— Politiques publiques

Légitimité fiscale, contrat social fiscal et augmentation des niveaux de vie

La légitimité fiscale repose sur un contrat social liant l’État et les citoyens, basé sur une gestion responsable des ressources publiques. Cependant, de nombreux États échouent à utiliser efficacement leur pouvoir fiscal, ce qui engendre méfiance et ressentiment vis-à-vis de l’impôt. Face à ces défis, un nouveau contrat social, axé sur les droits humains et l’inclusion, est nécessaire. Attiya Waris présente les grands enseignements du rapport Le Contrat social fiscal et l’économie centrée sur les droits humains, présenté lors de la 79e session de l’Assemblée générale des Nations unies.

Introduction


La légitimité fiscale est l’une des grandes priorités que j’ai identifiées dans mon rapport sur la dette extérieure et les droits humains. Elle est fondée sur un « contrat social » en vertu duquel l’État gère les ressources publiques de manière responsable en échange de contributions de la société. Cependant, de nombreux États n’utilisent pas leur autorité fiscale de manière efficace, ce qui entraîne une perception négative de la fiscalité, considérée comme un fardeau sans avantages associés. J’ai insisté sur la nécessité d’un contrat social renouvelé, axé sur des normes de vie incluant les droits humains, l’inclusion et la participation. Je préconise une « économie des droits de l’homme » évaluée grâce à une « approche fondée sur le cycle de vie ». Si les États sont les premiers responsables du respect des droits humains et de l’amélioration du niveau de vie, une mise en œuvre efficace nécessite une collaboration entre toutes les parties prenantes : chercheurs, gouvernements, organisations locales et acteurs privés. Le rapport souligne également le rôle potentiel des Nations unies dans la mise en place d’un organe intergouvernemental chargé de traiter les questions fiscales, y compris la dette et la fiscalité.

Principes relatifs aux droits humains et à la Légitimité fiscale

En vertu du principe de ne pas nuire, les États ont l’obligation constante de faire respecter tous les droits humains en utilisant les ressources nationales et internationales disponibles. Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels (CESCR) souligne que si les États peuvent allouer des ressources librement, ils doivent respecter les niveaux minimums requis en matière de droits économiques, sociaux et culturels (DESC) et protéger les groupes vulnérables. Les mesures rétrogrades portant atteinte aux DESC sont interdites, sauf si elles sont jugées temporaires, légitimes et non discriminatoires. Ce principe s’étend également aux droits civils et politiques.

En outre, en vertu du principe de la coopération internationale et de la légitimité fiscale, les États sont les premiers responsables du respect des lois sur les droits humains, mais la garantie de ces droits implique des gouvernements infranationaux et des entités privées. La complexité des économies modernes exige des efforts de collaboration. Les États doivent réglementer les institutions financières internationales et les entreprises transnationales afin de garantir le respect des obligations en matière de droits humains. Une bonne gestion des accords sur la dette et les lois fiscales peut améliorer les services d’aide sociale et la croissance économique.

Enfin, il convient de développer l’approche du cycle de vie en l’appliquant aux êtres humains, à la dette et aux élections. La gestion financière a un impact sur le développement humain, de la conception à l’âge adulte. Un financement adéquat des soins de santé et de l’éducation permet d’obtenir de meilleurs résultats, tandis qu’une mauvaise gestion des affaires publiques et des facteurs externes risque d’entraver les progrès. La dette contractée avant les élections peut engendrer des risques, en contraignant les futurs gouvernements à respecter des calendriers de remboursement qui ne correspondent pas aux dépenses initiales. L’approche basée sur le cycle de vie permet de corréler les décisions financières aux résultats en matière de droits humains, en incitant les États à allouer des ressources qui favorisent l’égalité et soutiennent les droits individuels.

Le contrat social et l’économie fondée sur les droits humains

La théorie du contrat social suggère que les individus cèdent certains droits en échange d’avantages collectifs, espérant en retour une protection et des biens publics. Cette relation définit les obligations entre les citoyens et les gouvernements. Le contrat social fiscal implique spécifiquement la fiscalité, puisque les individus contribuent au bien commun en échange de services publics. Cependant, les tendances récentes montrent un décalage, puisque l’augmentation des impôts coïncide avec le déclin des services publics.

L’économie des droits humains redéfinit l’activité économique sous le prisme des droits humains, en se conformant à des obligations juridiques telles que la Déclaration universelle des droits humains (DUDH). L’EDH cherche à lever les obstacles structurels à l’égalité et à la durabilité en donnant la priorité aux investissements dans le domaine des droits économiques, sociaux et culturels. Le système économique actuel privilégie souvent la croissance au détriment du développement durable, ce qui nécessite une EDH qui mette l’accent sur la dignité humaine et la santé environnementale. De plus, il est nécessaire de prendre en compte l’intégration des modèles économiques. Des concepts tels que « l’économie de soins » et « la transition juste » reflètent des modèles alternatifs répondant aux défaillances systémiques. Ces éléments servent de base à un programme d’EDH, qui met l’accent sur la justice fiscale et des politiques fiscales équitables. Une EDH réussie respecte, protège et applique les droits humains, en particulier pour les groupes marginalisés, et considère la garantie des droits humains comme un investissement essentiel dans le bien-être social et économique.

Ce contrat social fiscal s’appuie sur le droit constitutionnel pour établir les limites et les responsabilités du gouvernement. Cependant, le droit d’imposer manque souvent de contrôle, ce qui donne lieu à l’évasion fiscale et à la méfiance. Des études indiquent que la confiance dans la gouvernance renforce le respect des obligations fiscales ; si les États sont perçus comme des « profiteurs », les citoyens sont moins enclins à respecter les obligations fiscales. Les crises de la dette mondiale affectent de manière disproportionnée les pays en développement, où le service de la dette compromet l’accès aux services essentiels. Premièrement, la perception de la fiscalité par les citoyens est influencée par la qualité de la gouvernance. Une fiscalité efficace devrait renforcer les droits de l’homme, ce qui nécessite la transparence et l’établissement de budgets participatifs. La croissance durable doit tenir compte de l’équité sociale et de l’intégrité environnementale. Deuxièmement, la mondialisation complique la fiscalité, dans la mesure où les grandes entreprises tirent profit des lacunes. Les Nations unies prônent une coopération fiscale internationale inclusive, reconnaissant le lien entre les politiques fiscales et les droits humains. Les discussions sur la réforme de l’architecture financière internationale ont pour objectif d’aligner les pratiques sur les objectifs de développement durable. Des initiatives telles que l’initiative de Bridgetown recherchent des financements innovants pour les pays en développement confrontés au réchauffement climatique et à la crise de la dette.

Recommandations

Les principales réformes sont les suivantes. Premièrement, consolider les dispositifs régionaux afin d’accompagner les efforts internationaux et d’améliorer leur mise en œuvre. Deuxièmement, élargir la compréhension du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale concernant la viabilité de la dette afin de mettre l’accent sur la réduction de la pauvreté et les normes en matière de droits de l’homme. Troisièmement, la coopération : encourager les prêteurs et les emprunteurs à travailler ensemble pour résoudre la crise de la dette, en reconnaissant leur responsabilité dans le développement de situations non viables. Enfin, l’approche du cycle de vie : utiliser les évaluations fiscales pour donner la priorité aux droits humains et améliorer le niveau de vie.

Les organes de l’ONU devraient d’abord envisager d’animer des discussions générales sur la manière dont l’endettement affecte le bien-être des enfants. Deuxièmement, ils devraient établir des données claires pour comprendre le lien entre la dette et les services d’aide aux enfants. Troisièmement, il faudrait créer des mécanismes budgétaires, tels que des échanges de dettes, spécifiquement pour les services à l’enfance. Quatrièmement, il conviendrait de nommer un conseiller en matière de dette et de droits humains au niveau du secrétaire général. Et enfin, l’ONU devrait élaborer un registre de la dette publique pour les pays en développement afin d’améliorer la transparence.

Au niveau mondial, les États devraient promouvoir l’infrastructure financière internationale en plaidant en faveur d’une approche des droits humains dans le cadre des politiques du FMI et de la Banque mondiale. Les États devraient également soutenir un organisme fiscal mondial indépendant axé sur les droits humains, mais aussi établir une autorité régionale de la dette pour un engagement indépendant avec les créanciers et les débiteurs.

Au niveau national, il conviendrait d’abord de veiller à ce que la dette ne compromette pas les droits humains, en particulier dans les domaines de la santé et de l’éducation. Deuxièmement, il faudrait garantir un soutien de base minimum à tous les enfants dans le monde. Troisièmement, il s’agirait de rejeter les structures financières qui nuisent au développement humain. Enfin, il conviendrait d’encourager les pays en surconsommation à réévaluer leur rôle dans la coopération internationale.

Conclusion

Le contrat social fiscal est le fondement d’une société qui fonctionne, car il établit une relation de confiance entre les gouvernements et les citoyens. Une approche fondée sur les droits humains dans les plans de relance devrait donner la priorité aux services fondamentaux, en favorisant un environnement dans lequel tous les individus peuvent exercer leurs droits de manière efficace, tout en garantissant globalement la cohérence de cette approche entre les États membres et à l’intérieur de ceux-ci.


Références

  • Rapports de l’expert indépendant des Nations unies sur la dette extérieure des pays membres des Nations unies
  • Attiya Waris, “Financing Africa”, 2019.
  • Attiya Waris, “Tax and Development”, 2013.
  • Attiya Waris, « Delineating a Rights-Based Constitutional Fiscal Social Contract through African Fiscal Constitutions. » E. Afr. LJ, 2015, 24.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

— Pour aller plus loin

    nous n’avons pas trouvé de résultat